Propos recueillis par Alexandra Carraz-Ceselli – Chaque mois, Alexandra Carraz-Ceselli, fondatrice de L’Équipe des Lyonnes – un réseau de 3 500 membres qui œuvre à faire émerger les voix féminines dans le débat public, sans opposer les femmes aux hommes – met en lumière une personnalité inspirante dans son podcast « Le Café des Lyonnes ».
Ce mois-ci, rencontre avec Laëtitia Jossier, la nouvelle présidente de la Chambre interdépartementale des notaires Ain-Rhône-Loire. Notaire et femme de conviction, elle est une voix forte et engagée dans une profession encore souvent méconnue, pourtant essentielle dans la société. Forte d’un parcours qu’elle a construit pas à pas, elle s’engage quotidiennement pour montrer la véritable richesse de cette profession, bien plus qu’un simple acte juridique mais un accompagnement humain.
ACC : Êtes-vous une femme engagée ?
LJ : Oui, je suis une femme engagée, enfin j’espère l’être et je fais tout pour cela. En tant que présidente de chambre, parce que je dois porter les valeurs du notariat et que c’est un engagement au quotidien. Ce n’est pas seulement être notaire, c’est porter les valeurs d’humanité que véhicule le notariat. Ce n’est pas seulement recevoir des actes, c’est accompagner des familles, des personnes, des sociétés. À titre personnel, je suis aussi engagée parce que je fais beaucoup d’associatif. J’aime aider les gens.
Pourquoi vous engager dans des mandats supplémentaires, alors que votre profession demande beaucoup de temps ?
Nous n’avons pas seulement envie d’être notaire, nous avons envie de montrer la profession telle qu’elle est, de montrer ce que nous faisons, de développer les choses. J’ai envie que les gens voient ce qu’un notaire peut faire pour eux. C’est pour cela que je m’engage pour les autres, parce que j’aime le faire pour les autres.
Quand vous étiez petite, rêviez-vous déjà de devenir notaire ?
Petite, je rêvais d’être journaliste. Puis un peu plus grande, quand j’ai voulu m’orienter, je voulais être avocate, un peu comme tout le monde quand on veut faire du droit, on veut tous être avocat ou magistrat, ou juge pour enfants. Ce sont des professions qui sont très représentées à la télévision, avec une belle image. Le notaire, nous ne le voyons pas tous les jours et quand nous le voyons il n’est pas toujours représenté à son avantage. Pourtant, le notariat est une profession hyper en avance, notamment sur le numérique et beaucoup d’autres aspects. Il a fallu que j’aille chez un notaire pour avoir envie de faire cela.
« J’ai découvert que le notariat est une profession très organisée et structurée avec une déontologie forte. »
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Au départ, j’ai fait une maîtrise en carrière judiciaire et sciences criminelles, puis un master en droit. Ensuite, j’ai préparé le concours pour devenir avocate mais j’ai finalement arrêté. J’ai alors repris mes études à l’école de notariat, une profession encore peu connue du public et souvent négligée dans les orientations scolaires. J’ai passé un examen d’entrée suivi d’une année à plein temps, puis deux années de stage. Je me suis retrouvée dans une étude dans l’Ain où une femme, présidente de la chambre de l’Ain, est devenue mon mentor. Elle m’a énormément aidée et m’a donné envie de m’engager dans cette profession. J’ai découvert que le notariat est une profession très organisée et structurée avec une déontologie forte. Pour diverses raisons, je n’ai pas pu m’associer à l’époque mais j’ai continué en tant que notaire salariée dans une autre étude, puis dans la mienne actuelle en vue de m’associer. Mon engagement est venu naturellement car j’ai vu l’importance et l’utilité de cette profession. Nous devons offrir de la confiance non seulement au public mais aussi à nos confrères et consœurs et cela nous donne un réel sentiment d’utilité.

Il y a un gain de liberté pour les femmes aujourd’hui et elles savent bien ce qu’elles veulent. Nous observons que dans les jeunes générations, il y a eu une plus grande équité notamment dans le couple. Cependant, la répartition des tâches reste souvent la même, même si elle est plus équilibrée. Par exemple, Monsieur va s’occuper du chantier de la maison, tandis que Madame s’occupe des papiers pour le permis de construire. Cela reste souvent comme ça, mais c’est basé sur les compétences et les appétences de chacun. Pour les anciennes générations, Madame ne venait jamais sans Monsieur car c’était lui qui décidait. Aujourd’hui, cela n’existe plus chez les jeunes générations.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui s’intéresseraient à la profession de notaire ?
Déjà, il faut oser. Tout comme nos clients parfois ont du mal à franchir la porte des études en se disant « je vais voir le notaire », il faut aussi oser pousser la porte de cette profession. Il faut venir voir car une profession s’expérimente. Aujourd’hui, nous avons plusieurs vies professionnelles, pas une seule. Donc, il faut oser explorer et peut-être que cela leur plaira. Pour ma part, cette profession m’a séduite par sa cohésion. Nous travaillons en équipe, nous ne sommes pas tout seul. Elle est structurée, et c’est vraiment ce qui m’a attirée.
Si vous aviez une baguette magique, quelle mesure prendriez-vous pour rendre les femmes plus présentes et visibles dans la société et dans le débat public en France ?
Ce serait de mettre en place un bilan d’impact féminin. Aujourd’hui, dans les entreprises il existe des quotas pour les hommes et les femmes, mais il faudrait aller plus loin et faire chaque année un bilan qui pourrait être publié pour réfléchir à l’impact des actions menées. Par exemple, lorsqu’un produit est développé, quelle est sa valeur ajoutée pour les femmes ? Quand on fait du marketing, est-ce qu’on donne une belle visibilité à la femme ? Ce que l’on met en place dans l’entreprise est-il adapté à la vie d’une femme aujourd’hui ? Parce qu’en réalité, les femmes travaillent beaucoup mais on ne leur a souvent pas donné la possibilité de concilier travail et vie personnelle. Elles font autant qu’un homme, mais elles portent souvent une charge mentale supplémentaire. Ce seraient des indicateurs beaucoup plus larges qui amèneraient forcément à se poser d’autres questions et à faire avancer les choses, avec transparence. Les entreprises pourraient alors se mettre en concurrence et s’inspirer les unes des autres. Cela permettrait de faire évoluer le statut de la femme dans l’entreprise.


















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