André Soulier. Ses 1001 vies… sauf celle de maire de Lyon

25 mars, 2021 | POLITIQUE | 0 commentaires

Propos recueillis par Jacques Bruyas

L’ouvrage  » Mes mille et une vies » de l’avocat André Soulier est un grand livre et si nous savons ce que le Barreau et la vie politique locale, nationale et européenne ont gagné avec l’investissement d’un tel homme, force nous est de regretter pour la littérature qu’il n’ait décidé d’être à jamais écrivain… Tout comme le fauteuil de maire de Lyon qu’il n’a su saisir, une grande œuvre l’attendait.

Lyon People : Vous évoquez d’emblée sur les pages de garde le concours que vous a apporté une avocate devenue magistrate. Vous n’étiez donc pas seul à écrire votre ouvrage ?
André Soulier : Pour l’écriture, 99,99% sont de ma plume pour parler « comme avant ». Deux précisions : Ne sont pas de moi mais de Dominique Bussy, le compliment à l’occasion d’une décoration… en 1979 et l’essentiel du préambule « La vie, c’est quoi la vie ? » Magnifique. Pour rassurer définitivement sur l’écriture, sachez qu’au cours de mes « mille et une vies », j’ai dû rédiger, conclusions ou discours, des centaines de milliers de pages !

Vous évoquez d’entrée d’ouvrage les conditions familiales modestes de votre enfance… Est-ce pour valoriser votre réussite professionnelle et sociale ou pour souligner à l’égal d’Herriot et autres grands serviteurs de l’Etat une juste reconnaissance républicaine ?
Incontestablement la reconnaissance républicaine… Robert Badinter qui me fait l’honneur d’un avant-propos, fut, par la violence des événements, élevé, privé dans son adolescence d’un père qui ne revint jamais des camps. Cet immense avocat s’est inscrit dans cette lignée des enfants de la République. Modestement, je revendique ce même esprit républicain.

Jeune avocat, vous fûtes commis d’office et distingué par le chroniqueur judiciaire Maurice Curt, qui parla de vous comme d’un digne successeur du grand avocat d’Assises Joseph Quaire. Cette brillante comparaison décida-t-elle ou vous conforta-t-elle dans votre carrière d’avocat ?
Deux anecdotes familiales décidèrent de mon avenir. En premier lieu : à l’âge de quinze ans, je me suis faufilé à la 5ème Chambre du Tribunal Correctionnel ici à Lyon pour assister à la comparution de quelqu’un qui me tenait à cœur, pour l’émission d’un chèque sans provision… « L’injustice » de la disproportion de la peine encourue au regard du « délit » me décida de facto à devenir avocat. Peu après, alors que j’avais été renvoyé de mon lycée quelques mois avant le bac… j’eus sur les hauteurs de la colline de Fourvière à la Sara, une franche conversation avec mon père qui, loin de me réprimander, me dit alors : « Réussis-le ce bac et réussis ta vie »…Voilà une saine et inoubliable émulation paternelle.

André Soulier et son confesseur, l’écrivain Jacques Bruyas. Au menu, un savoureux Morgon « Château des Jacques » 2016, clin d’œil de notre hôte au village de Villié-Morgon dont l’avocat a été maire

« L’avocat doit savoir perdre » dites-vous, mais acceptez-vous facilement la défaite ou la déconvenue d’une affaire mal jugée ? Votre défense acharnée et gratifiante de Deveaux ne vous a-t-elle pas « conditionné » à n’être ensuite qu’un vainqueur ?
Je vous répondrai par une pirouette : « un avocat doit savoir perdre, mais la difficulté est que j’ai tellement, voire toujours, aimé gagner ! »… Puis une citation également « pirouette » que j’aurais pu placer en exergue du récit de ma vie : « toutes les voies ne menaient pas à l’Élysée mais toutes mènent aux Champs Élysées « …

Tout un chapitre de votre est consacré au « parrain » Jean Augé et au « gang des Lyonnais ». Avez-vous été tenté de reprendre la « boutique » de Me Ambre présenté trop souvent et bien hâtivement comme « l’avocat des truands » ?
Je dois beaucoup à Joannès Ambre qui me détourna du Barreau d’Évreux, où me voulait Pierre Mendès France, pour celui de Lyon et m’invita à rejoindre son cabinet en qualité de collaborateur. Mais les voies de la Justice sont parfois imprévisibles et c’est mal me connaitre que de m’imaginer succéder à quiconque fusse le plus grand.

Dans le chapitre intitulé « Le Prince de l’Église et le Franc-Maçon » et sous-titré « La rose et le réséda », vous évoquez le Cardinal Gerlier et le Bâtonnier Maurice Magnet, franc-maçon… et vous avez par la suite, sans vous cacher de votre appartenance à une loge, défendu Monseigneur Barbarin. Vous citez avec aisance et complaisance L’Ecclésiaste… Votre logique est-elle dans l’immanence ou l’éminence ?
Lorsque mes parents tenaient une petite épicerie à Saint-Just, mon père, dont tout le monde connaissait les idées de gauche et la fréquentation mesurée des églises, reçut la visite de Monseigneur Duquaire, qui lui expliqua qu’au regard de mes excellents résultats scolaires et mes aptitudes au catéchisme… tout me prédestinait au petit séminaire. Mes études payées allègeraient ainsi les finances de la famille. Mon père estima que pour l’instant, le ménage subvenait à ses besoins et que l’Église m’attendrait… « Les voies du Seigneur sont vraiment impénétrables »…

Dans votre ouvrage, il y a des temps forts (la dernière nuit à Montluc, l’évocation d’une exécution…) des constats, des combats, des regrets (les femmes dans les rouages de la justice entre autres), des considérations sur la catastrophe de Feyzin et autres dommages, des rencontres avec des témoins d’un siècle (Lech Walesa, Edmond Maire, Yves Montand…) Vous positionnez-vous comme un Voltaire des temps modernes et considérez-vous comme lui que  » la liberté est au-dessus des lois  » ?
La Liberté, oui et la Vérité ! La liberté est à, au moins, 180 degrés et pour en saisir la portée, il faut une disponibilité, une amplitude et une aptitude intellectuelles bougrement aiguisées… En cela, oui, je suis voltairien à jamais.

La convocation disciplinaire d’André Soulier par le bureau du parti Socialiste, alors dirigé par Roland Bernard (le père de Bruno Bernard, actuel président de la Métropole) qui précipita la rupture d’André Soulier avec la gauche lyonnaise

Il y a également un passage édifiant pour tout historien qui se respecte : vous intitulez « La IVème République est morte à Lyon en octobre 1956 ». Vous y louez à juste titre Pierre Mendès-France. Avez-vous été un jour gaulliste ? Et pourquoi avoir ensuite opté pour Mitterrand… ? N’avez-vous jamais été Rocardien ?
Rocardien ? Non… Gaulliste ? En 1961, lorsque rejoignant de prestigieux amis, chez Laurent, le grand restaurant de l’avenue Gabriel, j’ai croisé des gaullistes patentés (Dewavrin, Schumann…) très préoccupés par les événements d’Algérie. J’ai compris qu’il faudrait une sacrée autorité pour se sortir de ce piège, la guerre d’Algérie, dans lequel nous nous étions enferrés. De Gaulle ? Que dire… Lorsque Pierre Mendès France nous explique alors qu’il a proposé son concours pour sortir notre pays de cette impasse… Mitterrand lui explique qu’il ne sera jamais rappelé. Oui, Mitterrand n’avait pas tort. La suite l’a démontré. Si PMF devait rejoindre De Gaulle, c’était en 1958 et non pas trois ans plus tard…

Vous parlez ensuite de Lyon, Interpol, Le Transbordeur, des mandats électifs auprès de Francisque Collomb, Raymond Barre (dont vous tracez un portrait saisissant entre l’Homme d’État assez froid voire cynique et l’homme de cœur, pudiquement caché et donc trop méconnu). Quels sont vos regrets quant à la gestion municipale que vous avez connue et menée et pourquoi n’avoir jamais franchi le Rubicon (ou l’Yzeron) menant au Capitole ?
J’ai toujours eu le sens de la mesure et un grand respect pour les hommes comme pour les institutions. Caligula et les Tibère n’ont jamais effacé Caton… Oui, j’aurais pu être maire de Lyon mais les regrets ne sont pas dans ma culture. L’équipe municipale au sein de laquelle j’ai œuvré et que j’ai modestement animée n’était pas là pour faire de la figuration et j’en demeure très fier.

Il y aurait tant et tant encore à aborder… les Corses, à qui vous consacrez un chapitre et qui trahissent quelque tropisme méditerranéen en vous, le football et votre amitié avec Jean-Michel Aulas, votre sympathie profonde pour Paul Bocuse… Seriez-vous un kaléidoscope humain ?
Mes origines remontent très certainement aux lignées des irréductibles gaulois des tribus de Vercingétorix et des déplacements familiaux au cours des siècles dans le Massif Central puis en terres de langue d’oc… Elles expliquent non pas mon « tropisme méditerranéen » pour vous reprendre, mais mon ancrage indéniable en terres françaises… Issu de familles modestes, je n’allais pas pratiquer le golf ou le tennis. Tout naturellement, je me suis attaché au sport collectif le plus populaire et le moins cher (!), le foot… que j’ai pratiqué adolescent comme défenseur central ou arrière central. Plus tard, j’ai connu Michel Aulas, brillant professeur et écrivain, installé dans le Beaujolais (j’étais maire de Villié-Morgon), puis son fils Jean-Michel, une grande Histoire du sport !

« Une vie, c’est ce qui fait un homme de l’aurore au crépuscule » aimez-vous écrire… Si vous aviez un regret à formuler, lequel serait- il ? Enfin, évoquez-vous les forces de l’esprit si chères à Mitterrand ?
Oui, je crois aux forces de l’esprit… Ma vie ? Nul regret. Et je pense au poète « tout bonheur que la main n’atteint pas est un rêve ».

Le Cherche-Midi Editeur – broché, 288 pages – 18,80 euros

A lire également, en moins policé, l’interrogatoire à KGB d’André Soulier sur lyonpeople.com


CE QUE LES LECTEURS EN PENSENT


Un ouvrage parfait
La lecture du Livre de mon ami André Soulier m’a réellement passionnée. Que dire d’autre que de saluer le parcours d’exception d’un homme exceptionnel. Et à quel point André a su, dans son livre, nous montrer l’importance de la famille, a l’image des sacrifices consentis pas son épouse, pour lui permettre de devenir le renommé Maitre André Soulier que nous connaissons. Il réalise ici un ouvrage parfait, qui nous tiens en haleine comme un polar, et nous permet, de croire en l’avenir, et que la volonté et le courage sont les clés de la réussite. Si je dois formuler un regret, ce sera de ne pas avoir vu André Soulier devenir Maire de Lyon, poste qu’il aurais occupé avec conviction et sens de l’intérêt général.
Marc Fraysse, ancien député du Rhône, président de France Unie


Diffamation ?
Si vous avez quelque argent à dépenser ou du temps à perdre, achetez le dernier « bouquin » d’A.S, livre écrit à la gloire 🥇🏆🏅 de son auteur et au mépris de mon père et d’autres lyonnais. Personnellement, connaissant les tenants et les aboutissants de cette fraction de politique lyonnaise je me suis bien amusé en lisant de telles 💥💥💥💥 Je me tais afin d’éviter toute diffamation, et je réfléchis à un éventuel droit de réponse ….🤮📗»
Gilles Collomb, fils de Francisque Collomb, ancien maire de Lyon, sur son compte Facebook

 


Inspirant !
« Le premier mot qui me vient à l’esprit est inspirant. Inspirant pour les jeunes générations car ce livre montre l’ascension et le combat d’une personne partie de rien, d’une personne qui a squatté un appartement boulevard des belges, d’une personne qui a découvert sa vocation quand sa famille avait des difficultés.
Ce livre montre que la détermination est le seul critère de réussite.
Il est également passionnant car il nous fait parcourir l’histoire politique, judiciaire et footballistique à la fois lyonnaise et française. A travers la vie d’André, on peut en apprendre plus sur Mitterrand, sur Barre, sur les Mérieux, sur Paul Bocuse ou encore sur Pierre Mendès-France. Dur de le critiquer, mais il aurait pu contenir quelques histoires croustillantes et secrets qui ne sont pas dans ce livre. Faudra-t-il un deuxième ouvrage pour les découvrir ? 😉
Samuel Soulier, adjoint au maire de Lyon 6ème et petit-fils de l’auteur

 

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/marco" target="_self">Marco Polisson</a>

Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

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