Lyon. Le combat naval de Blandine Gas contre le cancer

25 août, 2022 | LES GENS | 1 commentaire

Texte : Marie Berard – Licenciée au Cercle de l’Aviron de Lyon (CAL) depuis 2020, section Activité Physique Adaptée, Blandine Gas a repris la barre de sa vie après un cancer. Deux ans pour une métamorphose de corps et d’esprit. La Saône la rassérène, le geste lui redonne confiance dans son bras, les rameuses l’épaulent et la coach lui insuffle la fierté d’être une femme en mouvement.

17 juin 2021, une vingtaine de filles de l’aviron santé partent à Sète pour un long week-end. Le planning est bordé mais aucune ne sait réellement à quoi s’attendre. L’esprit d’équipe est fort et la confiance en Poko, leur coach, inconditionnelle. Si l’on ajoute une envie de profiter de la vie sans procrastiner, à quoi bon se poser des questions. Blandine Gas se souvient d’un projet fou. « Nous sommes, chacune et collectivement, allées plus loin dans nos limites physiques et mentales qu’on aurait osé l’imaginer ». Imaginez justement des bateaux (4 rameurs et un barreur) pilotés par des femmes encore sous le stress de la maladie, sur une mer brusquement agitée… ».

La sortie a été épique, sans bobos, avec une pointe d’adrénaline qui vous murmure « Tu es vivante et tu vas y arriver ». Ce défi et tous les autres du pôle santé, à l’instar du Championnat du monde Indoor, la Traversée de Lyon ou la Vogalonga de Venise (une course mythique et internationale d’une trentaine de kilomètres réunissant près de 7 000 participants), sont le résultat d’un pacte entre Pauline Carton-Kozak et ses protégées. « On va le faire avec nos forces et nos faiblesses ». Pauline, c’est une rencontre, un sourire, une voix, des encouragements, un engagement, une adaptabilité aux égos, un capitaine. Elle gère la difficulté, veille à l’équilibre des bateaux (techniquement et humainement) et fédère une bienveillance sur l’eau.

Le mouvement c’est la vie

Retour au CAL installé en bord de Saône, 12 quai Clémenceau à Caluire et Cuire. 130 ans de performances sportives (la médaille d’or pour Hugo Boucheron et Matthieu Androdias aux Jeux Olympiques de 2021) et de pratique pour tous (loisir, santé, entreprise, avifit). Sport de glisse, d’équipe, en harmonie avec la nature, il séduit un public urbain désireux de se challenger, corps et esprit. Blandine est l’une des 450 licenciés. Désormais, la pratique des activités physiques et sportives relève de l’intérêt général. Eh oui ! La « Stratégie Nationale Sport Santé 2019-2024 », élaborée conjointement par le Ministère des solidarités et de la santé et le Ministère des sports, ambitionne de (re)mettre les français en mouvement, de déployer des pratiques adaptées accessibles et encadrées, et de faire reconnaitre pleinement le rôle majeur des APS pour la santé physique et mentale.

Pour le neuroscientifique Daniel Wolpert, la seule et unique raison d’être d’un cerveau c’est le mouvement. « Le mouvement, ce n’est pas seulement marcher ou lancer un ballon, c’est aussi l’expression du visage, l’articulation des mots ou la réalisation d’un projet. L’une des priorités de nos mouvements est de nous conduire vers un équilibre plus sain ». Monsieur Pierre de Coubertin ne dirait pas le contraire. Adolescente, Blandine pratique le footing avec des copines. Du fait des déménagements répétés de ses parents, l’activité migrera à Versailles, Bordeaux et Annecy. « J’ai toujours couru avec un groupe. Idem pour la randonnée ». Si la relation à l’autre est importante, s’adjoint le plaisir de faire corps avec la nature, et le sentiment de s’ouvrir à l’au-delà des frontières terrestres.

Fraîchement mariée, Blandine et son époux s’installent à Paris. Elle rejoint une grosse entreprise en tant que directrice financière. Les journées sont bien remplies. Le premier bébé est inscrit à la crèche. « Quand nous sommes partis vivre dans le Connecticut, je suis passée d’un travail à temps complet avec d’importantes responsabilités à femme au foyer à la campagne. Un choc ». La famille s’agrandit. Blandine refuse de se laisser enfermer dans le rôle de maman. Deux jours par semaine, les petits vont à la garderie. « Un jour pour la maison, un pour moi avec des activités sportives et intellectuelles ». Ni le retour en France (Paris, La Rochelle et Lyon en 2010), ni les quatre enfants ne seront source de dérogation.

Quand une biopsie change les priorités

Chaque personne entre en maladie de manière unique. Chaque cancer génère un parcours de soin adapté. Si certains cancers ont des adjectifs qualificatifs qui font penser au patinage : « le double positif » ou « le triple négatif », tous ont en commun de bouleverser la vie du patient et de ses proches, avec une succession d’étapes anxiogènes et douloureuses : diagnostic, chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie, et rémission. Blandine fera son parcours de 2011 à 2017 à Léon-Bérard. Un centre créé à Lyon en 1923 qui prend en charge 36 000 patients chaque année. Elle explique que beaucoup de services sont proposés en accompagnement du parcours thérapeutique : programme nutrition, suivi psychologique, sport sur ordonnance…

« J’avais besoin d’être actrice de mes soins médicaux destructeurs. J’ai poussé toutes les portes, ouvert toutes les fenêtres sur le net. Je me suis rapprochée d’Europadonna qui accompagne les femmes pendant et après leur traitement, j’ai pratiqué de la gymnastique, j’ai rendu visite au prêtre de la chapelle de l’hôpital, j’ai aussi fait de longues marches silencieuses avec mon labrador. Je sais que certaines personnes choisissent de cheminer seule et refusent de côtoyer les malades ». La première chimiothérapie se passe extrêmement mal. Blandine doute de pouvoir tenir les six rendez-vous. L’injustice et la colère la submergent. Elle débute une psychanalyse et entame un parcours de foi. « Cela m’a permis de lâcher prise sur ce que je ne maîtrisais pas, accepter cette épreuve, et éprouver la certitude de ne pas être seule. La confiance revient sur une issue positive. Je vais m’en sortir ».

Eau bénite

Été 2020, Blandine accepte, pour se changer les idées, d’accompagner sa sœur à un baptême d’aviron. La rencontre avec Pauline sera déterminante. « Cette jeune femme capitalise le professionnalisme, l’enthousiasme, et un sens de la blessure chez l’autre. Elle sait quoi dire ou garder le silence et pratique la câlinothérapie sur mesure ». Parole de coach : « L’aviron est plus qu’un sport. C’est un catalyseur par lequel on peut se découvrir, que ce soit en repoussant nos limites ou en trouvant une forme de sérénité. Je considère notre métier comme une chance incroyable de vivre des aventures humaines différentes et toujours positives. Au final, après la performance, l’entraînement, il reste l’humain qui en ressort toujours grandi s’il est bien accompagné. C’est ça mon job ». En octobre de la même année, Blandine est sur le ponton, anxieuse et excitée de rejoindre les troupes.

« J’imaginais une solidarité entre femmes pour l’avoir vécue lors de marches nordiques avec Léon-Bérard. J’imaginais un club où les gens se connaissent et où il est difficile de lier connaissances. J’imaginais un geste naturel et assez facile suite aux premiers coups de rame avec Momo, bénévole en or. J’appréhendais aussi de me retrouver dans une ambiance où la maladie est omniprésente. Je redoutais l’effet bulle avec ses épanchements redondants qui grignotent le moral. J’avais à contrario hâte de pratiquer un nouveau sport, sur l’eau, dans un cadre privilégié, au sein d’un groupe solidaire autour d’un sentiment de vie très fort du fait de l’expérience de la maladie. Je voulais m’ancrer dans le positif et prendre soin de moi, corps, cœur et âme, être actrice de ma santé. Le club et l’aviron santé m’ont offert cette possibilité et bien plus ». Blandine a l’intime conviction d’avoir trouvé son sport. Bientôt, quittera le giron « avirose » pour rejoindre les loisirs. Un glissement en douceur grâce au système de parrainage. Si en aviron, on progresse dos à la direction, dans la vie Blandine regarde devant. « Je me sens épanouie. J’ai tissé des liens forts et j’ai une jolie marge de progression dans ma pratique ».

INFOS PRATIQUES

La section Aviron Santé, créée en 2017, est adaptée aux personnes qui ne peuvent pas pratiquer de sport sans un encadrement personnalisé suite à une pathologie longue durée (cancer, obésité, diabète, cardiopathies). Deux coachs diplômés « Aviron Santé » (Formation mise en place par la FFA). L’Aviron Santé est une aventure humaine incomparable qui s’inscrit pleinement dans les valeurs et la vie du Club.

Tel 04 78 29 35 94. coachavifit@gmail.com

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/marco" target="_self">Marco Polisson</a>

Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

1 Commentaire

  1. Jok umsén

    C’est une merveille, je suis en train de faire la même chose avec Parkinson à Marseille. Pour plus de détails voir Patrick Gollnisch

    Réponse

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