Texte : Marco Polisson (Mis à jour, le 19 septembre 2022) Pour les Lyonnais, ce sera toujours l’Hôtel-Dieu. En 2018, ses exploitants ont souhaité rajouter l’adjectif « Grand » pour le hisser à la hauteur de leurs ambitions mercantiles. Pour effacer aussi son passé au service des malades et des indigents, qui était sa vocation première et pluri centenaire.

Malheureusement pour eux, « grand » se conjugue aujourd’hui avec grand fiasco, à en juger par les faillites à répétition qui se succèdent depuis 4 ans. Nul besoin de revenir sur celle de la Cité de la Gastronomie, la plus emblématique, dont la responsabilité est partagée par la Métropole de Lyon, la société espagnole Magma Cultura choisie sur appel d’offres pour l’exploiter et par Scaprim, gestionnaire de l’Hôtel-Dieu pour le compte du Crédit Agricole. La valse des enseignes est une preuve évidente de l’amateurisme du gestionnaire prêt à signer avec n’importe quelle marque pour encaisser au plus vite ses loyers.

De nombreux badauds parmi les visiteurs, peu de consommateurs.

A chaque interview, Patrick Muller, le directeur du site, annonce des chiffres mirobolants en termes de visiteurs. Le problème, évoqué sans cesse depuis 2018, est qu’il ne les a toujours pas convertis en consommateurs. Ce qui est problématique pour les commerçants confrontés à un cout exorbitant des loyers, identifié par tous les acteurs que nous avons rencontrés, comme le problème numéro 1 du Grand Hôtel Dieu rénové pour 250 millions d’euros. Le Crédit Agricole, dont les méthodes ont fait l’objet d’une enquête de France 2, a racheté le site à Eiffage et veut rentabiliser son investissement au plus vite… quitte à scier la branche sur laquelle il est assis.

Le problème numéro 2 réside dans une communication inefficace et non ciblée. Les visuels du GHD – sans doute facturés à prix d’or – sont aussi creux qu’invisibles. Résultat, les enseignes doivent souvent communiquer par elles-mêmes, ce qui engendre des couts supplémentaires alors que les loyers sont déjà astronomiques, entrainant par exemple la faillite, avant l’été, de l’enseigne de prêt à porter Kayl N Co qui avait énormément investi dans un show-room de 1500 m2. En pure perte. A cela s’ajoute les problèmes de circulation et de stationnement…

Aucune promotion des halles alimentaires qui sont à l’agonie

Trois ans après l’inauguration, combien de Lyonnais savent-ils que le centre commercial recèle des halles alimentaires de 1200 m2 ? Avez-vous déjà vu une campagne de communication mettre en scène ses artisans ? Désertes une grande partie de la journée, les Halles de l’Hôtel-Dieu ont perdu cet été leur boucher, en l’occurrence, la société AMT Viandes Hôtel-Dieu, cousine de la célèbre maison-mère Trolliet qui recentre son savoir faire sur les Halles Paul Bocuse. Où elle bénéficie de la reconnaissance qu’elle mérite.

Ce mardi 13 septembre, c’était au tour du poissonnier Vianey de ranger ses filets pour se replier dans son port d’attache croix-roussien. Ces départs n’ont fait qu’aggraver les relations déjà exécrables entre les 9 commerçants des Halles et le gestionnaire Scaprim, une situation qui dure depuis 2019. Selon nos sources, à la suite de Trolliet et Vianey, d’autres enseignes des halles devraient fermer leurs portes avant la fin de l’année, car la situation est intenable.

Les artisans, réunis autour de Jean-Paul Pignol dans un GIE, ont en effet investi 2 millions d’euros dans l’aménagement des halles, auxquels s’ajoutent 530 000 euros de loyer annuel (soit 41 000 euros par mois). « Le stand de Cerise et potiron est vide, officiellement pour cause de manque de personnel. On voit mal comment les autres commerces pourraient tenir dans un tel contexte. Au final, ces halles resteront comme une énorme erreur de marketing, avec des prévisions de fréquentation fantasmées » conclut le chroniqueur gastronomique Harry Covert. En guise de clap de fin ?


FRÉQUENTATION DU SITE
Le nombre de visiteurs au GHD

En 2017, Scaprim annonce une prévision de 10 millions / an, un an avant l’ouverture
2018 : Ouverture le 27 avril, 100 000 visiteurs par semaine
2019 : 4,8 millions de visiteurs (- de 100 000 par semaine)
2020 : Covid
2021 : Covid
2022 : 5,2 millions de visiteurs (100 000 par semaine)