La tribune satirique de Grégory Bruno – (Mis à jour) Ainsi donc, contre toute non-attente, Jean-Michel Aulas s’est lancé dans la course à l’élection municipale à Lyon. Avec d’assez grosses chances d’être élu. Donc ne chipotons pas sur les détails. Encore que : négligés, certains détails peuvent faire fausse note. Manifestement né dans la précipitation, le slogan « Cœur lyonnais » en est une.

Après des mois de réflexion rigoureuse, de prospective lucide, de labourage intense pour récolter le ralliement des forces (ou faiblesses) politiques dont l’addition est indispensable (en clair ceux qui, seuls, n’ont aucune chance), tout part sur les chapeaux de roues, en fanfare, bien réglé, un meeting d’enfer où l’on refuse du monde, une intervention concise et forte de l’homme providentiel dont on se dit d’entrée : vraiment, il n’y a que lui pour sortir Lyon de là.

« Cœur lyonnais » : mais qui a pondu ce truc ?

De ce lancement de campagne tout en puissance autour d’une personnalité résolue à se saisir du problème à bras le corps, on attend un slogan solide et offensif. Et l’on nous sert un flop d’eau tiède : « Cœur lyonnais », qui, de surcroit, ne veut rien dire, n’incite à rien, n’invite pas à suivre ! Statique. Immobile. Tout sauf offensif ! Mais qui a pondu ce truc ?

Vraisemblablement une agence (parisienne) peu cultivée, dont le concepteur-rédacteur (mais il n’est sûrement pas le seul à bord) ignore qu’il y a quelques siècles, un certain Richard cœur de lion fut roi d’Angleterre et qu’il fut ainsi surnommé de son vivant pour « sa vaillance, son ardeur au combat et son caractère indomptable ».
Tout le portrait de Jean Mimi ! Bon, je me calme ; Aulas a beau être bourré de qualités, je crois me souvenir que l’humour n’est pas son fort. Il n’a pas le temps. On ne peut pas tout avoir…

« Cœur de Lyon », cela aurait une autre gueule, non ?

Mais revenons à ce qui serait, selon moi, le bon slogan. Entre « cœur de lion » et « cœur de Lyon », il y a une parfaite adéquation phonique (ce qui s’entend avec nos deux oreilles), sinon orthographique ou visuel. Encore que : sur le blason de Lyon figure, devinez quoi ? Un lion ! Bravo ! Il y a donc matière à jeu de mots, ce truc essentiel en pub pour capter l’attention.

Celle-ci étant acquise, reconnaissons qu’à l’énoncé de « Cœur de Lyon », on attribue à notre candidat la capacité d’incarner « sa » ville, celle qu’il aime – comme il vient de le réaffirmer et comme il l’a prouvé comme président de l’OL. « Aulas, cœur de Lyon » ! Avouez que ça a une autre gueule ! Au lieu de cela, « Cœur lyonnais » ne fait qu’affirmer qu’il a un cœur – ce dont je ne doute pas – et qu’il est lyonnais, ce que je savais. Autant dire : deux banalités.

Et puis, je ne devrais pas vous le dire mais je vais le dire quand même. Moi, quand je lis ou entends « Cœur lyonnais », je vois un étal de tripier au marché de Rontalon qui propose du gésier, du foie et du cœur de volaille bien cuits, idéals pour garnir une bonne salade de pissenlits (de « dents de lion », comme disait ma grand-mère).

Voilà. Si JMA a déjà déposé une liste (ce qui me semblerait prématuré) dénommée « Cœur lyonnais », c’est mort. S’il n’a pas dépassé le stade du slogan, il n’est pas trop tard pour revenir à la raison. Pour ne pas dire à l’évidence.

D’autant que si les communicants de l’agence 2017* avaient, depuis les grands boulevards parisiens, tapé « Cœur Lyonnais » sur Google, ils seraient tombés sur une association créée à Lyon il y a plus de 6 ans, dédiée à la distribution de repas pour les sans-abri et le soutien aux personnes en difficultés.

Association qui aujourd’hui se retrouve prise en « otage » d’une campagne et s’en plaint amèrement. A moins que les communicants de JMA aient anticipé que les khmers verts finiront à la soupe populaire…

* Cette agence, créée comme son nom l’indique en 2017, a été fondée par Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de l’ancien président François Hollande. Elle travaille depuis plusieurs années pour JMA. Source Romain Molina – Lyon Foot