Près de Lyon. Décès de Marcel Gabriel, le dernier grand chevillard de Gerland

19 novembre, 2025 | Actualités Gastronomiques | 0 commentaires

Texte : Pierre Jourdan avec MP Figure lyonnaise des métiers de bouche, Marcel Gabriel s’est endormi dans son sommeil dans la nuit de dimanche à lundi 17 novembre 2025. Il était âgé de 95 ans. Retour sur son étonnant parcours au service des gourmets.

A la fin du XIXème siècle, les consorts Gabriel sont établis à Saint Just La Pendue (42), comme éleveurs et marchands de bestiaux. Après la grande guerre, l’un des fils de la famille, Michel tente sa chance à Lyon, en rachetant une boucherie sise 32, quai Saint-Antoine (à l’angle de la rue du Petit-David) et à l’emplacement du bureau de poste.

Les marchands de bestiaux à La Mouche (Gerland) dans les années 60 – Photo BML

Les métiers de bouche furent toujours historiquement là, dans la partie centrale de la ville depuis le Moyen-Age, depuis les Terreaux jusqu’aux Jacobins avec débordements sur la rive gauche de Saône. Les rues portaient les noms des professions et la rue Ecorche-Bœuf tout à côté (actuelle Rue Port du Temple). Michel se spécialise en tant que chevillard, ce qui l’amène à s’installer en 1925 aux abattoirs de la Mouche avec 5 tâcherons.

Chevillard à son tour, son fils Marcel devient patron de la Société Gabriel & Meunier en 1952, à Gerland, puis à Corbas en 1995. En veillant sur ses affaires florissantes, il forme la 3ème génération. Alors que son second fils Philippe (responsable des accueillants de la primatiale Saint Jean) reprend la ferme familiale de Panissière (acquise en 1936), l’ainé Henri va lui emboiter le pas. Son père l’envoie un an en Écosse et en Irlande où il apprend le métier comme employé d’abattoir. A 21 ans, cela forge un caractère.

Pendant 90 ans, Marcel a vécu dans sa maison de Tassin construite en 1897. Ici avec son épouse Josette et son fils Philippe en septembre 2023

En 1981, il prend en mains un atelier de découpe de la rue Domer. Pendant 5 ans, il travaille à la fois pour la maison Gabriel et pour UNICOPA, une coopérative bretonne. En 1985, la modernisation du quartier de la Guillotière, les entrainent dans la construction d’un atelier à Corbas, et un rapprochement avec d’autres entreprises pour prolonger l’activité de la cheville. C’est la création de CIBEVIAL, un outil au service des entreprises de la viande. Président de CIBEVIAL de 1989 à 1994, Marcel Gabriel passe le flambeau à son fils Henri qui lui succède à la tête de la Société Gabriel SA.

Le métier de chevillard, de Vaise à Gerland

« Un chevillard, c’est un grossiste qui revend aux bouchers », une phrase a suffi à Marcel pour résumer son ancien métier. Dans la boucherie, un chevillard est un grossiste habilité à abattre des bêtes. Traditionnellement, l’approvisionnement en bovins relevait du rôle du boucher. Il achetait sa viande sur pied, l’abattait et la découpait pour la vendre. Depuis 1811, dans les grandes villes, il est fait obligation d’utiliser des abattoirs publics.

La municipalité de Lyon mit en place ceux de Perrache en 1840 et ceux de Vaise en 1858. A partir de l’ordonnance du 30 mars de la même année, tous les bouchers furent tenus d’y abattre leurs bêtes. Le métier de chevillard va donc naître à Lyon avec le transfert des abattoirs de Vaise vers ceux du quartier de La Mouche (Gerland), construits de 1909 à 1928, par Tony Garnier. Les travaux avaient débuté en 1909, le gros œuvre très avancé en 1913, fut interrompus pour l’installation de l’exposition universelle de 1914.

La première guerre mondiale viendra s’intercaler et la transformer en usine de guerre, jusqu’en 1919. Le marché aux bestiaux et les abattoirs finiront par ouvrir le 1er octobre 1928. Un métier que pratiquait pourtant déjà son père en même temps qu’il tenait sa boucherie. Dans les années ’30, le papa tuait de 200 à 300 bêtes par semaine, pour une clientèle importante de bouchers, de salaisonniers, et surtout pour l’enseigne Olida. La plus belle affaire de cheville de Lyon. Marcel Gabriel va développer l’activité de son père.

Il a achevé ses études secondaires en 1948 et entre de plain-pied avec son père et son oncle. A La Mouche, ils étaient 52 entreprises. Dans les années ’70 se pose le problème du maintien des abattoirs au sein de l’agglomération, compte-tenu de l’ancienneté et de l’état de vétusté. Le principe de transfert à Corbas est adopté. La fermeture effective a eu lieu en octobre en 1977. A l’arrivée, les chevillards n’étaient plus que 26.

La rédaction de Lyon People présente ses respectueuses condoléances à son épouse Josette et ses fils Henri et Philippe. Les obsèques seront célébrées vendredi 21 novembre 2025 à 10h en l’église Saint Claude de Tassin. Le père Cacaud, ami de la famille, présidera la cérémonie.

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/pierre" target="_self">Pierre Jourdan</a>

Pierre Jourdan

Architecte DPLG Historien du patrimoine
L’histoire de l’art est gravée dans sa mémoire, alors pas une chronologie de maison ou d’édifice n’échappe à Pierre Jourdan.
Un allié de poids, dans la rédaction de nos numéros « spécial patrimoine ».

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