Marie-Odile Fondeur : « Il faut être à l’écoute de ses envies et les réaliser sans frein »

25 octobre, 2022 | LES GENS | 0 commentaires

Propos recueillis par Alexandra Carraz-Ceselli – Chaque mois, Alexandra Carraz-Ceselli, fondatrice de L’Équipe des Lyonnes, nous propose de partir à la découverte d’une lyonnaise au parcours remarquable, au cours d’un « Café des Lyonnes ».

Lorsque l’on évoque le secteur de l’alimentation, la réputation de Marie-Odile Fondeur la précède. Ancienne directrice générale du SIRHA -la biennale la plus estimée du monde de la restauration, elle est désormais à la tête de la Fondation pour la Cuisine durable by Olivier Ginon.

Décorée des insignes de Chevalier de l’ordre national du mérite et de l’ordre du mérite agricole, elle représente la définition même de l’engagement. Elle a construit sa carrière seule, à force d’énergie, de travail, de volonté et de persévérance. Retour sur un parcours hors norme, fait d’engagements sous toutes leurs formes : professionnel, politique, familial, sans oublier la cause des femmes.

ACC : Pensez-vous être une femme engagée ?
MOF : Oui, je suis engagée. C’est d’ailleurs le cas depuis l’enfance. J’ai toujours eu envie de me battre, de défendre les femmes et de montrer qu’elles étaient capables de faire quelque chose. Je suis née dans une ferme, à la campagne, mes parents étaient agriculteurs – c’était un milieu assez machiste. L’engagement pour moi, cela signifie que l’on trouve des solutions même quand c’est impossible, pour faire évoluer les choses, aller au bout de ce que l’on peut faire. D’ailleurs dans tous les jobs que j’ai occupés, je suis toujours allée au-delà de ce que l’on me demandait.

Petite, que rêviez-vous de faire ?
Je rêvais de voyager et de découvrir le monde. J’avais une énergie débordante. D’ailleurs pour mes parents, ce n’était pas facile à gérer. Ensuite, j’aimais beaucoup l’alimentaire et la cuisine. J’ai été plongée dedans depuis l’enfance. J’ai fait des études de sciences économiques, ensuite une école de commerce, puis un 3e cycle à l’Institut international agroalimentaire. Cela me semble important que les gens apprennent à se nourrir eux-mêmes, à faire la cuisine. J’ai toujours défendu l’idée d’avoir des cours de cuisine à l’école, parce que c’est un moyen de lutter contre l’obésité. Lorsque l’on apprend à cuisiner, on apprend à équilibrer ses repas. C’est une éducation des fondamentaux de la vie. C’est comme les langues étrangères. On a besoin d’armer les enfants au maximum.

Vous avez construit un parcours professionnel impressionnant. Comment avez-vous commencé ?
J’ai d’abord été directrice de la Maison de l’artisanat de l’Ain. Puis j’ai postulé à Eurexpo qui venait d’ouvrir, mais cela a été laborieux : j’étais jeune mariée donc susceptible d’avoir des enfants. A l’époque, dans les années 90, les femmes n’étaient pas forcément les bienvenues sur des postes à responsabilité, même avec des diplômes. Faire son trou, ce n’était pas facile. Quand j’ai postulé pour être directrice du département agroalimentaire, ils ne pensaient pas à une femme. Donc il a fallu se battre et se donner les chances d’y arriver. Ensuite pendant longtemps, j’avais l’impression que ma carrière n’évoluait pas, et donc je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose, et c’est là que je me suis engagée en politique.

Comment cet engagement politique s’est-il concrétisé ? Vous y êtes allée ou on est venu vous chercher ?
C’était en 2001, il y a eu les quotas pour les femmes en politique et cela a beaucoup aidé, car je pense que sinon, je n’aurais jamais eu l’opportunité d’y aller. Je me suis renseignée sur ce qu’il se passait. A l’époque, j’ai appelé la droite et la gauche car je n’avais pas d’idées particulières. J’ai rencontré Gérard Collomb qui m’a dit que ça l’intéressait car j’étais issue du milieu économique. A ce moment-là, on faisait également beaucoup participer la société civile à la politique. Et je me suis occupée du commerce, en plus de ma carrière. J’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment.

Aviez-vous la latitude pour faire les choses ?
Oui, Gérard Collomb m’a laissé faire, mais de toutes façons je n’ai pas de freins, malgré les critiques. On passe toujours par des moments difficiles dans la vie, on doute, mais il faut continuer à avancer. Ce qui m’intéressait en politique, c’était de construire, pas critiquer les autres ; je n’en vois pas du tout l’intérêt. J’étais donc dans la politique concrète, d’ailleurs au niveau d’une commune les choses sont beaucoup plus faciles qu’au niveau national, et j’ai pu être dans la création : j’ai doublé le nombre de terrasses sur Lyon, on a créé des terrasses sur stationnement, ce qui a créé de la vie dans la ville, du chiffre d’affaires supplémentaire, des emplois, ensuite j’ai créé les marchés de fin d’après-midi, les marchés bio…

« Quand on est mère, on oublie qu’on est femme, et c’est cela qui est dangereux, car un jour on le regrette. C’est pour cela que je dis souvent aux femmes d’oser y aller. »

Dans votre carrière, avez-vous été aidé plus par des hommes ou par des femmes ?
Il y a un homme qui m’a aidée et qui a cru en moi, c’est Olivier Ginon. Il m’a laissé carte blanche. D’ailleurs cela continue puisqu’il m’a confié la Fondation qu’il vient de créer.

Est-ce difficile de tout concilier : carrière professionnelle, mandat politique et rôle de maman (vous avez 4 enfants) ?
C’est compatible, c’est une question d’organisation et de mental. J’avais eu l’exemple de ma mère qui avait fait une dépression nerveuse le jour où j’étais partie faire des études. Donc j’avais décidé que cela ne m’arriverait pas et que je séparerais bien les choses : l’éducation des enfants et mon job. J’avais envie de travailler, de construire, d’apporter quelque chose de nouveau. J’ai engagé une nourrice à mon 4e enfant, ce qui m’a permis de ne pas gérer la logistique et d’être là pour l’éducation de mes enfants et pour les bons moments. Globalement, j’ai eu de la chance, même s’il faut savoir la provoquer.

MOF, en Nicolas Fafiotte, entourée de Jérôme Bocuse et Olivier Ginon lors du dîner de gala du Bocuse d’Or 2019

Quels conseils avez-vous envie de donner aux femmes ?
Je me souviens qu’une année au Bocuse d’Or, j’essayais de convaincre une femme pour la sélection française et elle me disait qu’elle ne pouvait pas, parce qu’elle avait des enfants. Je lui ai expliqué qu’il s’agissait simplement d’une période de sa vie -un ou deux ans- où elle allait beaucoup travailler, mais que c’était pour elle, parce qu’il ne faut pas s’oublier. Quand on est mère, on oublie qu’on est femme, et c’est cela qui est dangereux, car un jour on le regrette. C’est pour cela que je dis souvent aux femmes d’oser y aller. Nous sommes complémentaires aux hommes, et ensemble nous faisons des choses fantastiques. Il faut être à l’écoute de ses envies et les réaliser, sans frein, et aller au-delà de ses craintes, c’est ce que je souhaite à toutes les femmes.

Vous pensez que les femmes manquent de quelque chose pour réussir dans le débat public ?
Non, il ne leur manque rien, simplement la volonté et oser prendre des risques. Dans la vie, si on ne prend pas risque, on n’arrive à rien. Bien sûr prendre des risques, çà veut dire qu’on peut échouer, mais il ne faut pas avoir peur de l’échec. On a le droit de se tromper et de faire des erreurs, mais il faut oser.

Si vous aviez une baguette magique, quelle mesure prendriez-vous pour permettre aux femmes d’être plus engagées dans la société ?
Il y a eu beaucoup de choses de faites, je ne vois pas l’intérêt d’ajouter encore des mesures. Les quotas de femmes dans les conseils d’administration vont aider à faire évoluer les choses, comme ils ont aidé en politique. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est accompagner les femmes. Les femmes doivent y aller et ne pas avoir peur de se faire accompagner.

> Retrouvez cet entretien dans son intégralité sur la chaîne YOU TUBE du Café des Lyonnes

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/marco" target="_self">Marco Polisson</a>

Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

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