La longue marche de Dominique Perben

7 mars, 2008 | LES GENS | 0 commentaires

perben_stvincent Par Bertrand de Saint Vincent

                         

Blazer bleu marine, voix posée, donnant l'impression d'une certaine nonchalance. Attablé chez « Daniel et Denise », éminent bouchon lyonnais, il commande un foie de veau. Son œil droit est encore un peu rouge, reflet d'une intervention récente après un décollement de la rétine : « Les gens dans la rue m'arrêtent et me disent, monsieur Perben, vous devriez mettre du collyre ». Cette gentillesse le touche: « Ca ne veut pas dire qu'ils voteront pour moi ». Il devrait se méfier : Les gens aiment bien que les hommes politiques aient l'air malheureux.

 

L'accident est survenu alors que le candidat UMP était invité sur Europe 1. Symbolique, se sont enflammés ses adversaires : Il vacille, telle une ampoule.

La presse a relayé les faits, les sondages les ont confirmés. A Lyon, ce n'est un secret pour personne : Dominique Perben est à la peine.

Campagne difficile. Il a fallu unir la droite, rallier le centre. Renouveler les équipes. Il y a eu des grincements de dents, des claquements de porte, des types qu'on a mis au placard. De vieux briscards râlent. Tout le monde attend son heure.

La politique n'est pas un jeu d'enfant. Quoique…

Autre scène. Samedi matin, marché de la Croix Rousse, colline mi populaire, mi bourgeoise, en voie de boboisation. La tête de liste UMP avance, un peu raide, les mains dans les poches de son caban. Chaussé d'élégants mocassins. Silhouette soignée. C'est presque devenu un défaut. Il faut être humble ; agité, populaire, gouailleur. Pas le genre de la maison : « Je respecte les gens, mon rôle, la fonction que j'exerce. Je ne fais pas semblant ». D'ici à être taxé de hautain, il n'y a qu'un pas. Rapidement franchi : « Critique efficace de ma personne », admet l'intéressé, « mais tellement peu vraie ».

Le long du marché, entre les étals, Dominique Perben dit plus souvent « pardon » aux clients qu'il bouscule que « bonjour » aux électeurs qu'il est venu séduire. Chassez le naturel, il revient au galop. Education lyonnaise, dans les meilleurs établissements catholiques, ENA, quatre ministères, ça n'apprend guère à faire le trottoir. Il fut néanmoins, pendant près de vingt ans, maire de Chalon- sur- Saône.

Dans son dos, des grappes de militants et surtout militantes en K-way bleu marine distribuent des tracts à son effigie: « Grandissons à Lyon ». Certains tiennent des ballons, gonflés à l'hélium. Ca ne suffit pas pour s'envoler.

Le candidat dialogue avec : trois angoissés du 11 septembre venus lui exprimer leur crainte d'un nouvel attentat ; un écolo en vélo à qui il parle de Paris et du métro – ce qui ne lui plait guère ; une lycéenne qui veut absolument l'interviewer : « J'aime bien ces face à face, » dit-il, « ça me détend ». Puis en aparté, cette confession surprenante: « ce qui m'angoisse, en politique, c'est la prise de décision. Quand on est ministre, il faut en prendre à peu près une, importante, toutes les demi-heures. Ça m'empêchait de dormir ».

Le soir, réunion de quartier. Sur l'estrade, l'ancien ministre est à l'aise: méthodique, précis, sympa. Enfin, il fait de son mieux pour l'être ; plaisante. Il faut y croire : « On avance. ». Il évoque un « rouleau compresseur », martèle ses différences avec son concurrent : les impôts, le métro, la petite enfance, le périphérique, les personnes âgées ; envisage de prendre celui-ci « au collet ». Le seul problème, c'est qu'il fuit le combat.

A l'applaudimètre, ce qui l'emporte, ce sont les brigades anti-tag et la dénonciation du caractère « clinquant » de la fête des Lumières. Cette aspiration à plus de sobriété ne saurait déplaire à Dominique Perben dont Catherine Nay, journaliste politique avertie, disait qu'il était, dans ce domaine, « plus lyonnais que les lyonnais ».

 

Retrouvez tous les jours dans Le figaro la chronique lyonnaise de Bertrand de Saint Vincent

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