Alain Galliano : « Les promoteurs sont devenus fous ! »

23 décembre, 2008 | LES GENS | 2 commentaires

 

galliano Photo © Jean-Luc Mège

 

Propos recueillis par Marc Polisson

 

Agé de 62 ans, Alain Galliano, haut fonctionnaire du Ministère des Finances et du Ministère du Commerce extérieur, est maire de Craponne depuis une vingtaine d'années. Diplômé d'EM Lyon, titulaire d'un Doctorat, cet énarque doit désormais faire face à une opposition des plus virulentes et à la bulle immobilière qui a fait exploser son village.

 

Êtes-vous originaire de Craponne ?

Je suis né à Lyon, mais je suis vite venu à Craponne donc je peux considérer que la plus grande partie de ma vie, je l'ai passée à Craponne, depuis près de 50 ans. Je suis donc un enfant du pays. Je suis maire depuis 1989. Ça fait bientôt 20 ans.

 

Au cours de votre carrière, vous avez beaucoup bourlingué…

Mon titre exact est Conseiller économique de France. J'ai fait 10 ans aux Etats-unis, puis suis parti en Malaisie, en Irlande. J'ai occupé plusieurs postes de directeurs régionaux du commerce extérieur à Lyon, à Dijon et à Marseille. J'ai aussi été directeur du Comité des Foires et Salons pour la France. J'ai aussi été Directeur général de la Maison de la France qui est chargée de la promotion de la France dans le monde. Donc j'ai eu une carrière à l'étranger et en France, un petit peu de partout. Quand j'étais en Amérique et en Asie, je n'étais pas maire, j'ai eu deux temps dans ma carrière : le temps où j'ai été diplomate et ai voyagé partout, et le temps où j'ai été maire. C'est à ce moment-là que j'ai recentré ma carrière en France.

 

Aviez-vous du temps à consacrer à votre village ?

Certains vivent de la politique mais ce n'est pas mon cas. Avec les indemnités de maire, on ne peut pas vivre quand on a une femme et 3 enfants. Il fallait donc bien que je fasse mon travail pendant la semaine. Je rentrais en fin de semaine pour travailler vendredi, samedi, dimanche à la mairie et mes adjoints étaient d'accord pour travailler le week-end. Tous les comités, les foires, les inaugurations, les mariages se passent pendant le week-end ! Je pouvais tout assurer. J'avais la chance que la plupart de mes adjoints soient à la retraite. Ils étaient donc disponibles 24h/24.

 

Quelle est votre fonction actuelle ?

Je suis chef de la mission économique à Genève, mais je reviens sur Lyon l'année prochaine. Ça se termine en janvier.

 

Combien d'habitants comptait Craponne en 1989 ?

Un peu plus de 5 000 habitants. Et aujourd'hui il y en a 9 000.

 

Il y a des grues à tous les coins de rue. Combien de programmes immobiliers y a-t-il en cours ?

Plus de la moitié est arrêtée. En ce moment, il doit y en avoir que trois ou quatre.

 

Le village est frappé de plein fouet par la crise. Pourquoi avoir plongé tête baissée dans la bulle immobilière ?

Mes 20 ans de mandat se sont déroulés en deux phases : 15 ans de développement avec la requalification du centre ville avec les nouvelles constructions autour. J'ai développé les entreprises et les zones d'activité. Aujourd'hui on a 3 300 emplois sur Craponne. J'ai donc été le maire « développeur ». Depuis 5 ans, je suis passé au maire « aménageur ». Mais j'ai été confronté à la loi SRU de l'année 2000 avec l'application du PLU. Comme Craponne est dans la communauté urbaine de Lyon, je suis piégé car la densification des centre-ville a été voulue et appliquée par le Grand Lyon.

 

Votre village va-t-il ressembler à une cité-dortoir ?

Quand je vois toutes nos fêtes, nos 70 associations qui font plein de choses… la plupart des gens disent qu'ils rêvent d'habiter à Craponne car il s'y passe plein de choses. On a comme atout la proximité des Monts du Lyonnais. De plus, il y a 150 commerces, et on draine 40 000 ménages sur notre marché le samedi matin. Il y a beaucoup de dynamisme. 80 personnes s'occupent du service à la personne, les personnes plus âgées trouvent que c'est le rêve.

 

Vous zappez le problème des constructions anarchiques…

Je ne suis pas le seul responsable, quand on voit les constructions qu'il y a eu à Tassin, à Francheville, c'est de la folie ! Le problème, c'est la circulation. Quand j'ai été élu maire, il y avait en gros 7 000 voitures par jour qui passaient et aujourd'hui il y en a 22 000… Mais j'insiste sur le fait qu'on m'a obligé à construire. Il y a 3, 4 ans, j'ai averti les promoteurs en leur disant : « Vous allez dans le mur ! ». Puis la crise des subprimes est arrivée… Aujourd'hui les projets ont ralenti et j'y vois deux avantages : le ralentissement de cette croissance effrénée voulue par la loi et non par moi, et le tassement sur les prix, ce qui me réjouit pour les jeunes car on allait franchir la barre des 4 000 euros le m2 pour un appartement et les jeunes ne pouvaient pas payer.

 

Pourquoi n'avez-vous pas décidé de sauvegarder le vieux village ?

Mais j'ai empêché qu'on démolisse tout ! Il y a quelques années, on voulait tout casser vers la mairie. Les promoteurs sont devenus fous, si vous aviez vu le nombre de 0 qu'ils offraient aux particuliers ! Du coup tous les particuliers vendaient leurs maisons, leurs terrains. Les prix étaient devenus fous, ça montait, montait ! Pour vous donner un ordre d'idée, le mètre se vendait 600/700 euros, car on n'achetait plus le m2 de terrain, mais le m2 de shon ! Vous aviez 2 000m2 de terrain, vous le vendiez 1,5 million !

 

Allez-vous stopper cette frénésie ?

Je vais profiter des dernières modifications du PLU que l'on a pu apporter, j'ai fait inscrire des zones pour préserver tout le vieux village, en empêchant ce qui s'est fait devant l'église. J'ai dit au Grand Lyon que ça ne pouvait plus durer ! Je vais aussi préempter certains lots pour faire des parkings et des espaces verts. Ça va me permettre d'aérer davantage la ville.

 

Votre opposante Françoise Pelorce est très virulente à votre encontre…

Je n'ai jamais vu ça ! Jusqu'à maintenant, j'ai toujours bien cohabité avec la gauche. On coopérait ensemble, il y avait une force de proposition. Il y avait auparavant une cohabitation intelligente et puis là je ne sais pas ce qui leur arrive. Ce mandat-là, c'est de la folie ! Selon eux, il n'y a rien de bien dans tout ce que je fais, alors à partir de là, je laisse courir. Ce n'est pas constructif et on ne peut pas discuter ensemble.

 

Elle parle de promesses électorales non tenues comme la non augmentation des impôts…

Je maintiens ma promesse, d'ici décembre, je ne bougerai pas les taux, ça c'est sûr. Surtout avec la crise actuelle, ça serait malvenu de charger encore le contribuable qui souffre suffisamment.

 

 

Municipales 2008

Alain Galliano, élu avec 56,78% (2 102 voix). 23 sièges au conseil municipal.

Françoise Pelorce 43,22% (1 600 voix). 6 sièges au conseil municipal.

 

Présidentielle 2007

Nicolas Sarkozy : 63,02%

Ségolène Royal : 36,98%

2 Commentaires

  1. D. RABILLER

    Bravo trés bon article ! Amitiées à Alain.

    Réponse
  2. Hamidah

    Interesting article. I remember Mr Galliano as the then France Trade Commissioner in the 1980’s.

    Réponse

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