Alain Chevrette et Jean-Luc Mège. Impressions et fulgurance 25 ans après leur première rencontre

25 mai, 2023 | Actualités Lyon, Actualités People Lyonnais, LES GENS | 0 commentaires

La tribune libre de Jean-Luc Mège – Quelle empreinte un quart de siècle peut-il laisser sur un artiste ?…  25 ans – presque jour pour jour- séparent ma dernière rencontre avec Alain Chevrette

A l’époque, jeune photographe pour le Figaro Magazine, la journaliste Françoise Petit s’était chargée de l’article… Chevrette était alors LE Peintre lyonnais « en vogue », peignant immenses bouquets de pivoines, scènes de bar, nus, paysages industriels… j’avais réalisé cette photo pleine d’énergie, et de fougue aussi. J’avais aimé cette rencontre. Le retrouver 25 ans plus tard est à la fois inattendu… et excitant.

Changement de lieu. D’époque. De décors. De quartier. Fini l’atelier de la rue Désiré et ce shed qu’il aimait tant ; fini le parquet craquant sous le pas, la lumière du Nord, les petits cafés attenants à la Mairie Centrale. L’atelier est plus simple, moins atypique, plus froid aussi et sans cachet particulier.

Mais Chevrette est là. Debout.

Instantanément il ressort du personnage une noblesse, une prestance, sorte de classe indéfinissable… Il y a certes, de la tenue, un raffinement à peine contenu, mais aussi de la distinction derrière une gueule qui fait indéniablement penser à l’acteur américain Kirk Douglas.

> Lire aussi : « Nouvelle exposition du peintre Alain Chevrette à Lyon. L’appel du large » par Bernard Gouttenoire

Des dizaines de tableaux sont disposés autour de la grande pièce en fouillis, la plupart rangés à l’envers, posés droits, à même le sol… sur le mur, près de la fenêtre, une grande toile – celle sur laquelle il travaille, et une large table remplie de pinceaux, de tubes, qui lui sert de palette.

Colorée, vive, abstraite et déroutante, sa peinture surprend ; elle n’est pas celle que je m’attendais à retrouver. Rituel du matin ; direction le café du coin… besoin d’écouter, peut-être de comprendre, au moins de se laisser surprendre.

Alain Chevrette - Le Figaro Magazine du 7 février 1998

Le Figaro Magazine du 7 février 1998

L’homme se livre doucement… une grande réserve, une retenue pudique…

Fragilité touchante. Humain, faillible, constamment dans le doute et la remise en question. Il m’avoue ses blessures, son combat pour remonter la pente  de quelques années sombres ;  « – On est tous avec nos déchirures, nos épreuves, faits de chair et d’os avec des moments plus accessibles et d’autres, moins ; il faut faire avec… »

L’homme a gagné en sagesse ; « J’ai compris assez tôt qu’on ne fait jamais l’unanimité… Même Dieu ne fait pas l’unanimité !… et tu sais, j’avais plus de certitudes jeune, que maintenant… » Silence. La respiration entre deux gorgées de café est calme. Son regard, doux.

« – Tu peins pour toi, » reprend-il, « pas pour les autres. C’est ce qui permet d’être sincère avec toi-même, d’échanger avec toi-même. Sinon tu vends ton âme : tu deviens un fabricant, « un peintre « qui fait »… Et d’arguer : « La peinture, c’est pour moi un bonheur absolu. Elle m’aide à appréhender la vie…

« Mon atelier ? c’est un véritable phare qui m’éclaire, me motive. C’est mon refuge ».

« Tous les matins je fais 4 km à pied pour y venir, idem le soir pour en repartir. Sur le chemin, mes capteurs sensoriels fonctionnent sans discontinuité… C’est un état d’esprit permanent. Alors une toile, ce n’est pas une fin en soi, c’est une continuité… Considérer qu’une toile est terminée n’est jamais facile. C’est même presque impossible… on valide juste, sans jamais être satisfait…

« Tu imagines qu’un jour, Bonnard, est allé retoucher une de ses toiles qui était exposée dans un musée ?!… Il est arrivé avec ses pinceaux, ses tubes… » Rires. Il me cite une phrase de Gerhard Richter : « Je n’obéis à aucune intention, à aucun système, aucune tendance. Je n’ai ni programme, ni style, ni prétention. J’aime l’incertitude, l’infini et l’insécurité permanente »… « – eh bien tu vois,  je valide ».

Je comprends que la peinture de Chevrette, est le prolongement direct de son âme, de ses interrogations, désormais sans détour, sans concession. Y compris dans la manière de capter la lumière et de la restituer. Sa peinture ne rentre plus dans aucun schéma. Dans aucune mode. Elle vit en décalé par rapport à la représentativité voulue du moment.

Elle se situe dans l’abstrait, dans la gestuelle et dans une recherche chromatique perpétuelle. Il faut discerner les fulgurances, les hésitations, les flashes de couleurs, mais au final, tout s’apaise… Apaisé. Mot clef de cette confession. De cette rencontre. L’artiste a trouvé équilibre et apaisement dans un certain détachement :  peindre pour soi, sans aucune contrainte. Acte ultime. J’ai adoré.

Exposition Alain Chevrette
Du 16 mai au 26 juin 2023
Vernissage Jeudi 25 mai
Galerie Valérie Eymeric
33, rue Auguste Comte – Lyon 2eme

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/marco" target="_self">Marco Polisson</a>

Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

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