Hivernal de Lyon 2013. Pour la dernière fois quai de Bondy

18 janvier, 2013 | DERNIERE MINUTE | 0 commentaires

Par Alain Vollerin

Le 57e Salon d’Hiver démontre un véritable intérêt, malgré la morosité ambiante… et retrouve le Palais de Bondy avant les inquiétants travaux de rénovation.

La France entre en guerre au Mali. En Somalie, un otage français est mort. Au Mali, un pilote d’hélicoptère est la première victime de ce conflit qui contribuera un peu plus à grever les finances de l’Etat. Pendant ce temps, la vie continue. L’Hivernal a ouvert ses portes. La sélection fut rude. Lara Rolland n’a pas ménagé son énergie, tout comme le secrétaire de l’association Daniel Petit. Le résultat est plutôt flatteur. Le niveau est donné par la présence de Joël Réal qui fut élève de l’école des beaux-arts de lyon et de Jean Fusaro. Je félicite tous les membres du bureau de l’Hivernal de ce choix élevé qui concourt à la promotion de l’aventure des arts plastiques à Lyon.

Professeur à l’école Nationale Supérieure d’architecture, Joël Réal délaisse depuis de nombreuses années l’influence de son maître Jean Fusaro, au profit de celle d’Henri Matisse. Voici bien, ce qu’il y a de plus simple à percevoir, dans la composition de l’œuvre de ce solitaire amoureux des mystères de l’âme humaine, jardinier des secrets du cœur humain. Oui, les toiles de Joël Réal sont un univers délicat, ésotérique dont les clefs ne sont offertes qu’à ceux qui réclament leur initiation. Impossible sinon de pénétrer dans le monde silencieux de Joël Réal. Silencieux, mais jamais muet. Il est question d’amour, toujours ou presque, mais courtois, comme on ne sait plus l’être dans notre société mondialisée. Des oiseaux paraissent, des fruits, des brindilles « orées » (Janie Petit m’autorisera ce néologisme révélateur) à la feuille, des portes ouvertes, des jardins discrets, les outils de l’artiste, ainsi que ses convictions, ses choix, son retrait… Un hommage mérité, incontestable. Ainsi, à Lyon, l’exemple est donné par les membres du comité de sélection de l’Hivernal. Bravo !

Le Salon rend aussi honneur à la photographe Aline Périer, très inscrite dans l’actualité, en quête « d’Effets de Serres ». Des émotions récupérées un peu partout, que l’on croyait perdues, ignorées, sont réanimées par le regard d’Aline Périer. Svetlana Arefiev capture des fantômes, comme d’autres peignent des icônes, avec une sorte de dévotion nimbée de lueurs diaphanes. Michelle Alves nous donne rendez-vous avec le spirituel. Claude Avias porte un monde de corps en souffrance parmi les feuilles mortes. Un climat puissant. Les petites femmes de Michèle Baron sont de plus en plus légères et libertines. Michèle Baron se lâche, ses filles aussi. Le Salon soupire. Younès Benyahia évoque la tragédie de la chute des tours de Manhattan, un peu, comme le fit Philippe Cognée en son temps. Guy Béraud a beaucoup de choses à nous dire sur l’Etat du monde contemporain. Il le fait avec éclat. Olivier Bouchet a vu Peter Klasen. Il en est imprégné. Pascal Casolari est un élève de Gérard Gasquet, et cela se voit.

Rosine Cavalié qui aime décrire la Savoie, est présente pour la première fois, sa technique, son inspiration parvinrent à convaincre les membres du Jury. Jacques Chananeille traduit le mouvement du sportif. Tout devient facile. J’ai pour habitude de dire qu’à Lyon, il y a peu de sculpteur intéressant. Christiane Chiavazza témoigne du contraire. Elle construit avec simplicité des volumes, des lignes, cherchant avec sincérité la pureté de l’âme. Eloïse Cotty mérite notre attention. Il y a dans son travail quelque chose de l’Angleterre contemporaine dans un style en vogue. Christiane Collin traduit les déchéances, les épreuves humaines, comme savait le faire Zoran Music. Renée Delomier en est encore à construire l’échafaudage, alors que la maison est déjà habitée. Gilbert Duchesne, dans le quotidien, ne laisse rien deviner de son esprit naïf. Serviable, il saura toujours vous faire «  la Courte Echelle ».

Marie Ecochard peint, dans la joie de la couleur, des femmes en marche. Oh ! L’admirable constance de Jean-Pierre Gouget capable de se souvenir de l’altitude, à laquelle, il peignit ses paysages de montagne avec brio. Quel bonheur de dire encore l’admirable talent de Thierry Grosfilley, qui fut aussi élève de l’école des beaux-arts de Lyon, et qui aujourd’hui est un des très rares aquarellistes excellant en virtuose incomparable dans les grands formats, comme pour son inimitable « Vallon » sous la neige. Merveilleux ! On ne sait plus peindre comme cela. Hamy Hong Hai peint dans l’esprit des artistes chinois, des fleurs mystiques, et envoûtantes. Francisco Iborra porte un monde singulier de tons vifs pour décrire la Cité du Futur. Jean Imhoff développe une œuvre étrange, où le meilleur est dit dans le presque rien, dans ce qui fut ôté, plus que dans ce qui est montré. Il aurait tort de changer de Salon, c’est ici, qu’il trouve toute sa place.

Danielle Lassia pour servir le thème du Salon, centré autour du Rouge et du Noir de Stendhal, a composé un de ses tableaux les plus accomplis, dans l’esprit des singuliers de l’art. Souvenons-nous de l’exposition qu’elle fit récemment autour des chansons de Georges Brassens avec son ami Daniel Pinot, ici présent, par une chouette rencontre sous la pleine lune. Catherine Lesaffre creuse son sillon. Ses arbres déploient leurs larges branches pour souligner sa présence au monde entre « Passion dévorante » et « Nectar Venimeux ». On verra, à partir du 31 janvier, une rétrospective de son œuvre, sur les cimaises de la sublime mezzanine du siège de LCL, rue de la République. André Llamas s’attache à la description de sa conception de l’âme africaine. Certains pensent qu’il ne travaille pas assez en produisant quelques toiles par an, tout comme Zao Wou Ki. Quel bel exemple. Après l’avoir beaucoup étudié, Llamas nous livre sa perception, son intérêt marqué de respect pour la femme africaine.

Claude Martinet avance dans plusieurs directions. Dans sa série des manèges, sa boutique de jeux et friandises, installée au parc de la Tête d’Or, à quelques pas des éléphantes menacées de mort par Gérard Collomb pour des raisons économiques, peut figurer en bonne place. D’un autre côté, elle réussit, toujours inspirée par Georges Braque à résumer l’atmosphère des Halles de Lyon-Paul Bocuse. Admirable dualité de Claude Martinet qui ne cesse de nous surprendre. Les personnages de Sylvie Marc révèlent un doute profond. Ils ploient. Ils sont encore jeunes, mais déjà courbés sous la charge de lourdes préoccupations. Une tension clairement lisible dans les doigts crispés de cette main martyrisée. Jean Métral est soumis à des connexions qui le poussent vers une exubérance bleue, alors il fait dans la dentelle. Les toiles de Jean Meunier-Curtinet sont plus sombres (il vient de traverser courageusement quelques épreuves), et envahies par des aqueducs romains. Meunier-Curtinet ressemble un peu à un empereur antique. Nous ne sommes donc pas étonnés. Nous lui souhaitons un bon rétablissement.

Serge Patuano mériterait d’être un adorateur de Jean-Olivier Hucleux. L’humour en plus. Yvette Nadau présente trois collages et peinture acrylique. Elle doit absolument persévérer dans cette voie, sans mystère, en compagnie de Goya, ou pas. Michelle Paillard-Carré nous surprend. Elle a vu une revenante. Sa manière en est devenue ectoplasmique, mais toujours intéressante. Jacky Pêcheur aime les femmes pécheresses. Nous aussi. Janie Petit qui a beaucoup progressé, ces dernières années, découvre la technique du demi ton. Elle nous avait habitués à des paysages de Lyon en monochrome gris ou bleu. Mais, Lyon secrète et parfois sectaire, est bien entendu, une ville de nuances. Pierre de Saint-Léonard vit en Suisse. Ses tableaux sont comme des assemblages de cristaux, des superpositions de glacis. Intéressant. Virginie Ressy est une gourmande. Ses énormes gâteaux étaient un prodigieux hommage à la mode. Maintenant, elle prend beaucoup plus de risques en permettant à son modèle, avide de sucreries, de se pourlécher sous nos yeux.

Noélie Raix vit-elle, dans ce milieu mondain qu’elle décrit si bien ? Comme cette jeune fille a l’air de s’ennuyer un après-midi, à Limoges. Comme quoi la peinture peut encore porter un message, sans être ringarde. Lara Rolland a raison de persévérer dans son engagement. Son écriture picturale est réjouissante. Elle apporte à chaque instant de nouveaux plaisirs. Nathalie Roure-Perrier vit parmi les anges musiciens. Nous comprenons qu’elle veuille ignorer le matin. John Salter peint une brute verte comme un dollar : la Finance. On sent qu’il est ulcéré par le pouvoir des banquiers qui nous écrasent. Rappelons ce mot de Vincent Auriol : « les banques, je les ferme, et les banquiers, je les enferme… ». Cette fois, Salter parvient à nous convaincre de son aptitude à communiquer avec l’autre, par sa peinture singulièrement figurative. Bravo ! Jean-Paul Schmitt ose le format, la couleur, les hautes pâtes pour installer son sujet à un sommet, où il souhaite que s’attache notre vigilante attention. Remarquable pour le moins. Maxime Signaire a trouvé la force de décrire le pays cathare, terrible exemple du sectarisme humain. Il retrouve une clarté de tons, un sens des volumes et de la transparence. Il doit poursuivre dans cette démarche. Agnès Thiollier peint d’immenses fleurs, peut-être celles qui peuplent l’univers de la géante de Charles Baudelaire. Damian Tirado transforme le quotidien des hommes pressés, en territoire des sales gueules. Bien observé. Martine Truffy-Montemagni est fascinée par les splendeurs de l’Inde qu’elle décline avec un juste sens du dessin, des proportions, et surtout de la couleur.

Un Salon est une famille. Il arrive parfois que les voisins entendent quelques coups de gueule. Seul le résultat compte, et dans le cas de l’Hivernal, il entre parfaitement dans son projet d’une réunion d’amateurs, autour d’une noble idée de l’art. Bon courage à tous, pendant l’année qui les conduira à l’Orangerie du parc de la Tête d’Or. Souhaitons que le retour soit rapide, et surtout, que Gérard Collomb ne massacre pas le Palais de Bondy, pour installer un simple ascenseur.

Jusqu’au 5 février 2013
Palais Municipal – 20 quai de Bondy – Lyon 5e

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