Texte : Christian Mure – Quarante avocats en robe noire accompagnés de huit bâtonniers sont venus rendre un dernier hommage à leur ami et confrère Bruno-Charles Rey, le jeudi 28 mars 2024, dans l’église de Saint Cyr au Mont d’Or…

Bruno-Charles Rey est né le 27 novembre 1954 à Lyon 6ème : sa famille est originaire de Billiat, un petit village du Haut Bugey. Ses ancêtres y furent pendant deux siècles notaires royaux, impériaux et républicains… Bruno, orphelin de père adolescent, perpétua cette lignée de juristes en devenant avocat.

Bruno Charles Rey dans son bureau du 29, rue Gasparin, au dessus du Veilleur de Pierre

Lors de sa prestation de serment en 1980, la Toque 744 lui fut fièrement attribuée. À la recherche d’un stage, Bruno a débuté en janvier 1981, en qualité de collaborateur au sein de la SCP Ferlay Arnaud, puis associé en 1984 pour créer la SCP Guiraud Ferlay Arnaud Rey qui deviendra ultérieurement la SCP Arnaud Rey sise 29, rue Gasparin à Lyon.

Son métier fut une véritable passion faite d’engagements professionnels remarqués jusqu’à sa cessation d’activité, fin décembre 2019.

Avocat notamment du Fonds de Garantie des Assurances et des Victimes et d’autres compagnies d’assurances renommées, il ne cherchait pas à faire de la croissance permanente pour avoir le plus grand cabinet ou le plus grand nombre de collaborateurs. Il disait souvent que sa mission était de défendre « la veuve et l’orphelin », ainsi son nombre de clients qu’il soignait lui suffisait.

« Bruno était un artisan, un bon vivant et un avocat dévoué à ses confrères » comme le dira le Bâtonnier Eric Jeantet, lors de son bel hommage au cours de la cérémonie religieuse. Homme au grand cœur, Bruno-Charles ouvrit les portes de son cabinet à bon nombre de jeunes étudiants pour partager avec eux la passion de son métier. Tous ne devinrent pas avocat exaspéré par les temps d’attente lors des audiences…

En 1996, Bruno-Charles œuvra au Cambodge après la chute du régime de Pol Pot pour faire renaître le Barreau de Phnom-Penh avec douze avocats formés par le Barreau de Lyon. En véritable gentleman, Bruno offrit sa veste d’hiver Marlboro à l’un des futurs avocats cambodgiens qui découvrait la neige ! Sa mission au Cambodge lui fit aimer l’Asie qu’il visita à de nombreuses reprises avec sa femme et ses enfants.

De sa rencontre en 1990 avec Agnès Brissaud, Secrétaire général de l’Ordre des Avocats, puis son mariage, vont naître Aglaé en 1993 et Barnabé en 1995. Il leur inculqua sa philosophie de la vie en leur répétant :

• L’échec est générateur d’être.
• N’attends que ce qui vient à toi.
• Chaque désir m’a plus enrichi que la possession très fausse de l’objet de mon désir. André Gide

Tout en leur transmettant ses valeurs : le désir de justice, l’amour de son prochain, le respect d’autrui, la générosité, la simplicité et l’élégance. Souvent perdu dans ses pensées, ses enfants le questionnaient : « À quoi penses-tu papa ? » et il leur répondait : « Je réfléchis au sens de la vie… ». En voyant toutes ces personnes présentes en ce 28 mars on peut dire qu’il en a donné du sens et pas seulement à sa propre vie.

Bruno-Charles adorait la montagne et le ski s’installant à Courchevel chaque hiver dès 1998. Il affectionnait les soirées entre amis mais aussi le restaurant à midi en haut des pistes ou encore au « Détends-toi encore » de chez son ami Chocho, rue Mercière.

Puis en 2013 il trouva son bonheur, celui de vivre dans la Kasbah de Marrakech.

Quelques photos jaunies par le temps, prises par son père pendant son service militaire au Maroc dont il lui parlait souvent avaient provoqué son véritable coup de foudre pour le royaume chérifien. En 2013, il acquiert un Riad dans le quartier de la Kasbah à Marrakech, loin de la vie dispendieuse du Maroc cosmopolitain et des quartiers modernes de Gueliz ou Hivernage…

Son cousin Étienne Blanc, sénateur du Rhône, dira lors de son hommage : « Bruno trouva au Maroc son havre de paix, la douceur de vivre et le soleil de ses jours nous répétant qu’il y était heureux loin de tout, loin de ses soucis quotidiens lyonnais. Ses balades dans les ruelles entre ombre et lumière sous le soleil d’Afrique, des poignées de main échangées, un bon mot, une main sur le cœur en signe d’amitié, de sombres couloirs menant à des riads de rêve avec jardins intérieurs autour d’un bassin.Ces négociations pittoresques sur le prix d’un kilo de mandarines ou sur celui d’une course de taxi. Une tape sur l’épaule avec ses voisins marocains qu’il aimait ».

Entouré de sa femme et ses deux enfants, il s’est battu comme un guerrier contre sa maladie, un héros, sans jamais se plaindre, défiant les statistiques et impressionnant jusqu’au corps médical. « Je ne veux pas vous quitter, je veux rester avec vous. Je vous aime » ont été ses derniers mots pour Agnès, Aglaé et Barnabé.

Envole-toi, cher Bruno, dans le ciel bleu azur comme les cigognes venues d’Alsace rejoindre le Sahara que tu admirais sur les cheminées de la Kasbah…