Texte : Marco Polisson avec Philippe Lecoq – Il pourrait s’appeler le « Grand Café de Paris », tant il cousine avec les plus belles adresses second empire de la capitale : miroirs XXL, bas-reliefs, moulures omniprésentes jusqu’au plafond – colorées les moulures – lustres, assises et tentures velours.

Nappage blanc, verrerie tulipe, et grand bar en étain qui ne fait pas semblant d’être un bar… Mais non, ici à Lyon la plus parisienne de nos brasseries, la plus chic aussi, s’appelle le « Grand Café des Négociants », les « Négos » pour les affranchis, en référence « aux diamantaires, soyeux, ou chevillards qui se servaient des nombreuses glaces de la salle principale pour communiquer discrètement par signes ».

Né en 1864 – 161 ans cette année ! – le Grand Café a résisté au temps qui passe.

Mais aussi aux modes, et aux mises aux normes, plus ou moins bien en fonction de ses propriétaires. Mieux, il s’est parfois embelli, comme en 1978 quand Evelyne Charpiot prit possession des lieux et fit faire pour 3,4 millions de francs de travaux, dont l’ouverture de la terrasse, toujours très appréciée aujourd’hui.

Photo Alexandre Moulard

Pendant dix ans la célèbre Evelyne fit des Négociants un joyau où le tout Lyon savait devoir se montrer… ou se réfugier. Puis l’affaire fut reprise par Pascal Donat qui installa à la direction Béatrice Denis, l’ancienne gérante du Bar Américain (pas encore travestie en Institution) qui poursuivit la gestion rayonnante.

Jusqu’en 2006, ce fut the place to be.

Cette année-là, le Grand Café des Négociants est vendu à Philippe Pélisson qui s’associe avec deux footeux, le joueur Éric Abidal et l’agent David Venditelli. Au fil des ans, les Négos sont sortis du circuit people. La fermeture de la presqu’île et les travaux engagés par les écologistes ont fini de le fragiliser.

Depuis plusieurs mois, l’affaire qui ne publie plus ses comptes depuis 2021 était sur le marché et les noms des repreneurs potentiels ont circulé sous le manteau. L’ampleur des travaux à réaliser dans les cuisines en a refroidi plus d’un. Tout comme la mise en place de la ZTL qui interdit aux non résidents de circuler entre les Terreaux et Bellecour.

Le Café des Jacobins, vaisseau amiral de la famille Nobile

Seul en lice, un restaurateur italien a mené les négociations au cours de l’été et finit par convaincre les footeux pressés de s’en séparer. Interrogé par Lyon People, Philippe Pelisson n’a pas voulu confirmer nos informations. Mais selon nos sources, il aurait donc cédé l’affaire à la famille Nobile, propriétaire des pizzerias éponymes et du Café des Jacobins.

Faut-il s’en inquiéter ?

La famille Nobile fait feu de tous bois. Elle a récemment racheté l’hôtel des ventes Presqu’île, derrière l’Hôtel Dieu, qu’elle compte transformer en trattoria géante. Auparavant, Jean Nobile a également mis la main sur La Tassée, après sa liquidation judiciaire. Mais au lieu de conserver le décor unique de ce restaurant historique, il a choisi de le couvrir de carreaux blancs.

Nous sommes donc légitimement inquiets quant au sort qu’il va réserver à l’un des deux derniers grands cafés de la Presqu’île – L’Institution est désormais dans de bonnes mains auvergnates– depuis la fermeture du Café Perl, son voisin historique de la place Francisque Regaud dont nous vous avons raconté le triste épilogue sur cette antenne. 

Conservera-t-il son rang de belle brasserie ? Sera-t-il débaptisé ? D’autant qu’il ne faut pas compter sur les écologistes pour sauvegarder le patrimoine des Lyonnais, en témoigne l’installation de KFC rue de la république, totalement paupérisée. Le grand déclassement se poursuit.

La vigilance est donc de mise. A suivre dès le 15 septembre 2025, date de la passation de pouvoirs.