Texte : Philippe Lecoq – Ce sera la première Winstub de Lyon, et elle sera tenue par un Alsacien de la ville et un Bourguignon… Mais pas des moindres.
L’Alsacien est un chef de métier qui est passé par les cuisines de Lameloise à Chagny avant de faire carrière en salle – et quelle carrière ! – puisque ce fut pendant des années le directeur de la Georges. Oui, Jacky Gallmann a tourné la page de la majestueuse et belle brasserie de Perrache et lance enfin sa propre maison en hommage à Marguerite, sa maman, qui lui a tant appris et inoculé le virus de la bonne cuisine.
Avec lui, son associé et ami depuis toujours, le Bourguignon donc, qui détiendra les clefs de la salle et de la cave, on peut applaudir Maitre Frédéric Lafay, qui a remisé définitivement sa robe pour partager avec ses futurs clients les subtilités de celles que vous contemplerez dans vos verres.
Les deux associés se sont partagé les rôles :Jacky en cuisine et Frédéric en salle
Passionnés de cuisine donc, de gastronomie, de vins, de l’art de partager et recevoir, les deux amis ont été adoptés depuis longtemps par la capitale mondiale des bouchons, au point d’oser en ouvrir un eux-mêmes, mais un bouchon aux accents de là-bas, où coule le Rhin et non nos fameux trois fleuves. Avec la certitude que les amateurs de plats canailles sauront apprécier leur toupet, et pas seulement les Alsaciens d’ici, très nombreux comme chacun le sait depuis notre dossier-enquête sur les brasseries lyonnaises.
Et c’est donc dans les cuisines et la salle du Cazenove que les deux compères nous accueillent pour partager leur projet, avec la promesse faite à Pierre Orsi de ne pas – trop – dénaturer le lieu. Ceux qui connaissent le Cazenove se souviennent sans doute de ce décor unique, à dominante rouge, avec vitraux et glaces par dizaines, façon bonbon anglais, et de cette disposition osée avec ces banquettes majestueuses en demi-cercle autour de tables rondes qui faisaient le bonheur des habitués, les Giorgi, Aulas, Lavorel ou Mathiolon…
Les journalistes Marco Polisson et Philippe Lecoq découvrent le projet de Jacky et Fred
« Une déco unique, mélange de baroque, d’objets précieux et de couleurs, reflets intemporels des joyeuses excentricités de Geneviève et de la folie collectionnite de Pierre Orsi », juge Marco Polisson, rédacteur en chef de Lyon People et « surveillant général » du respect du patrimoine lyonnais, venu écouter attentivement Jacky et Frédéric.
« L’idée, c’est de garder l’âme de ce lieu emblématique, une institution », promet Frédéric Lafay.
« Tout en le mettant à notre sauce, sans jeu de mot, parce que nous allons proposer une cuisine différente. Avec quelques marqueurs de la Winstub, de l’esprit alsacien que nous aimons. Les banquettes iconiques, les boiseries et les vitraux ne seront pas touchés ».
En revanche, la salle va être « éclaircie » – ouf – banquettes, rideaux, peintures, moquette, vont être revus. Un parquet chêne à la place de la moquette hors d’âge, du beige « un peu marqué » pour le revêtement des banquettes confié au tapissier Jean-Michel Bitsch, du crème avec liseré bleu pour les rideaux, du bleu au plafond, une fresque réalisée par un jeune artiste sur le mur en briques qui sépare la salle de la cuisine, et quelques dessins imitation point de croix – « pour raconter notre histoire, la cuisine de Marguerite et la cave de mon père Robert », précise Frédéric – en lieu et place de deux ou trois miroirs en trop… Et puis une cave à vin « apparente », puisque le vin aura une place majeure ici.
Pierre Orsi ne devrait pas être trop dépaysé en découvrant le nouveau visage de son restaurant fin août
Quelques changements de matériels en cuisine sont également prévus, « pour s’adapter à ce que nous voulons faire », dixit le chef qui aura trois salariés à ses côtés pour satisfaire une petite cinquantaine de convives. Jacky Gallmann prépare deux cartes « été et hiver », avec des incontournables d’Alsace comme la choucroute, le baeckeoffe, « je ne sais pas si ça vous parle », l’estomac de porc farci, le bœuf gros sel à l’Alsacienne « qui n’est pas servi de la même façon qu’à Lyon ».
Les bouchées à la reine, le pâté en croûte, foie gras… Et l’été, festival de poissons, saumon, sandre, carpe, truite de fontaine… « Notre carte de desserts est signée Philippe Urraca, Meilleur Ouvrier de France » tient à préciser Jacky, « et les fromages viendront de la maison Christian Janier, MOF lui aussi ».
Tout est donc déjà pensé, préparé, pesé, évalué. Dès la signature, les premiers travaux seront lancés avec une ouverture prévue à la fin du mois d’août 2025. « Notre ticket moyen sera un peu plus bas que celui du Cazenove », promet Jacky Gallmann. « Entre 50 et 60 euros, cela restera un endroit chic mais populaire, dans le bon sens du terme. Avec Frédéric, nous voulons nous faire plaisir et faire plaisir à ceux qui viendront nous voir… Et nous serons toujours là, omniprésents, notre nouvelle vie commence ».
La salle iconique de Chez Yvonne – Photo Jérôme UP Tools
Une Winstub c’est quoi ?
Un concept authentique alsacien créé le siècle dernier.
De 1871 à 1918, l’Alsace est annexée par l’Allemagne. Les Allemands se retrouvent dans des « Bierstub » pour consommer de la bière. Les vignerons alsaciens, afin de pouvoir écouler leur production, créent les Winstub (win pour vin et stub étant la pièce chauffée des grandes maisons alsaciennes où les familles se retrouvaient pour les repas et les moments de partage) en 1873, dans un premier temps sous le nom de « Burgerstübel » (burger = bourgeois). Au départ, ce sont des bars à vins réservés aux hommes. Petit à petit, on y sert également des plats alsaciens pour accompagner les vins.
La plus célèbre des Winstub, « Chez Yvonne », existe encore (photo ci-dessus). Le Président Jacques Chirac y avait ses habitudes avec le Chancelier Helmut Kohl.
La Winstub est un lieu de convivialité, de partage et du bien vivre ensemble.
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