Texte : Morgan Couturier – Des façades murales des communes de France et de Navarre en passant par l’intérieur de particuliers ou les devantures de sociétés, les fresques d’Elodie Iwanski laissent rarement indifférent. La Mornantaise prend un malin plaisir à vivre de sa passion. Un art à part entière.
En prenant place chez elle, là-haut sur la colline, Elodie Iwanski nous invite à prendre de la hauteur. Littéralement. Puis de manière plus philosophique. Quand d’ordinaire, ses œuvres nous invitent à lever les yeux, sa maison nous incite à regarder vers d’autres horizons. En direction des grands de notre histoire, de leurs écrits et de leurs réalisations.
On pense alors à Michel-Ange bien sûr. Mais plus étrangement à Montaigne, l’écrivain ayant théorisé en son temps que « les cordonniers sont les plus mal chaussés ». Une vérité applicable à l’artiste rhodanienne. Pourquoi ? Parce qu’en brisant l’intimité de son domicile, celui-ci se dévoile avec des murs immaculés. Parfaitement blancs.
Un décorum inattendu pour cette charmante quadragénaire, habituée à embellir le paysage urbain de ses fresques murales. Pour justifier cette pureté, la Rhodanienne tient pourtant un raisonnement louable : l’art se partage. Il est plus beau ainsi, à savoir dans ces liens qu’il crée au moyen de ces lignes et de ces jeux de couleurs qui habillent les murs des communes, des particuliers ou même des entreprises.
Même pour raconter son histoire, démarrée à 9 ans du côté de Carcassonne, Elodie Iwanski a bien du mal à utiliser ce « Je » qui lui rendrait pourtant justice, sans exagération. Mais pour l’artiste, ce pronom n’a pas sa place dans le tableau de sa carrière. Pas même au détour d’une signature, aussi discrète soit elle. La plus belle qu’elle puisse laisser se trouve alors dans le bonheur simple de procurer de la joie. De faire plaisir.
« Ce sont des métiers où il faut se battre »
« Ça marque quand on voit des personnes enjouées par la fresque. Le but, c’est qu’ils s’approprient l’œuvre. Au-delà d’embellir les murs, ces fresques, ça leur parle. Parfois, ça fait même remonter des souvenirs d’enfance. Il faut du détail, de la surprise, de l’envie de revenir », expose-t-elle, partisane de cette formule selon laquelle « le beau attire le beau ».
Une notion subjective, aux multiples définitions. Devant cette incertitude, l’artiste eut même pendant longtemps cette « boule au ventre », accompagnant la livraison des premières commandes. Une sensation encore valable des années plus tard, en dépit de cette dizaine d’œuvres réalisées chaque année, en compagnie de ses équipes.
Preuve qu’à 44 ans, Elodie Iwanski n’a pas changé de philosophie. L’émerveillement ressenti petite devant une de ces toiles murales, doit se retrouver dans ses créations, dans ce travail bien fait et ces émotions délivrées, sitôt sa nacelle et les échafaudages retirés. « Une peinture – une fois qu’elle est réalisée – n’est plus à nous C’est comme une musique », confesse l’artiste d’origine polonaise.
De mélodie, elle a d’ailleurs la sienne. « Une petite voix » intérieure lui soufflant à l’oreille de poursuivre son rêve. À savoir vivre au jour le jour pour ces peintures murales que peu de professionnels considèrent encore comme un métier réel. « Il y a 20 ans, quand j’ai commencé, il y avait la Fresque des Lyonnais et rien d’autre », avoue-t-elle. Heureusement, la réalité a bien changé. Mornant lui doit ainsi une éclatante représentation de Joséphine Baker, en attendant que Simone Veil ne la rejoigne de l’autre côté de la chaussée, avenue de Verdun.
Avant cela, il y eut un premier chantier, au Québec, de l’autre côté de l’Atlantique. Puis un second, en Israël. « Au début, j’étais toute en bas de l’échelle », se souvient celle qui eut débuté chez Cité Création, avant de voler de ses proches ailes pour migrer un peu partout sur le territoire. Et ce, jusqu’à Cannes, d’ordinaire réputée pour ses chefs d’œuvre du… 7e art. À son actif, notamment, une fresque de l’iconique Paul Belmondo.
« Tous les jours, je me dis : quelle chance j’ai, de vivre de ce métier »
« Elle a beaucoup marqué les gens », confesse-t-elle. Plus loin sur la côte, son coup de pinceau donne lieu à de nouvelles découvertes : une représentation de « Taxi Driver » ou du blockbuster « Autant en emporte le vent ». Des fresques, commanditées comme toujours, par la municipalité locale.
« Tous les jours, je me dis quelle chance j’ai, de vivre de ce métier. Quand je peins, je suis dans une bulle, c’est le bonheur. Pour autant, on donne tout, on pose ses tripes. Alors une fois le chantier fini, ça fait toujours quelque chose. On se dit, whaouh, ça y est, c’est fini. À chaque fois, ce sont des histoires différentes », poursuit-elle.

L’artiste mornantaise s’illustre également au profit de professionnels, comme ici avec la société de Pierre Reymond.
La sienne aussi, s’écrit petit à petit. Par petits bouts. Sans s’attacher à une quelconque reconnaissance. Une déception ? Non ! « Mon seul ego, c’est d’avoir foi en ma technique », réagit-elle. Après tout, les premiers hommes n’ont jamais dédicacé leurs fresques. Elles ont pourtant marqué, même à travers les années. Elodie Iwanski n’a pas cette prétention.
Alors le public le dit pour elle. Elle marque. Elle séduit et ne laisse jamais indifférente. Par sa personnalité. Par ses œuvres, qui nous font dire que le secret du bonheur est de rêver de sa vie en couleurs.





















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