Photos © Jean-Luc Mège
Par Françoise Petit
Une frise de fleurs d'hortensia aux couleurs de l'hiver souligne l'immense baie vitrée donnant sur un jardin vert sapin. La lumière entre par l'ouest sur les chevalets. Chaude ou froide, cette lumière est l'« organe » vital du peintre.
Dans son atelier imbibé d'allégresse et de colères d'artiste, Jean Fusaro fait corps avec sa toile : « la peinture c'est une peau, instinctivement on la ressent ». Ardeur et amour, effets de matière, palettes, pinceaux, fusains, croquis, livres et affiches s'invitent dans l'espace. Le peintre vit sa passion depuis longtemps. Des strates de choses, des piles d'histoire en témoignent. Côté salon, de belles huiles ne cachent pas leur âge. 60 ans pour un tableau représentant Oullins. A l'époque Jean Fusaro dessine, peint sur tous supports ; papier journal, toile à matelas ou « banquette de train » première classe ! Ebéniste, son beau-père travaillait pour les chemins de fer, il réparait, rénovait les sièges de wagons alors le jeune talent héritait de tissus usés. D'hier Jean Fusaro se repaît comme si aujourd'hui la magie avait disparu avec la pâle modernité d'un monde mercantile: « Avant, c'était intéressant, fraternel, quand on vendait une toile, on était content, on invitait les copains, maintenant dans le métier il y a beaucoup d'orgueilleux ». 2008. Jean Fusaro passe ses nuits sur son chemin de Croix pour finir la fresque de l'Eglise Saint-Jacques des Arrêts, des fonds baptismaux que les fidèles attendent comme le messie. Un des maîtres de « l'Ecole lyonnaise » natif de Marseille vogue encore sur ses bleus de cœur avec la même tendresse. Debout, crayon en main il chine toujours les endroits à croquer : « où vais-je me planquer ? J'ai horreur d'être vu » avoue le magicien du trait qui s'amourache d'un lieu par le pur des hasards : « mon premier voyage à Paris, c'était en car, avec escale à Auxerre, je ne connaissais personne dans cette ville, sauf un dentiste. Les bords de l'Yonne m'ont inspiré, après je suis allé régulièrement me faire soigner les dents la bas ! ». Jean Fusaro peut sourire, sa côte fait des vagues jusqu'au Japon où un collectionneur possède 67 de ses toiles. A Lyon se profile une fondation autour de la donation Antoine Appeau. Un musée Fusaro au Confluent ? Entre Saône et Rhône coulerait alors du sang d'artiste. Flamboyante idée.
Quais, bateaux, drapeaux, ciels, coups de vent, tempêtes, villes, gens, arbres, ponts, pluie, fleuve, neige, toits… C'est un livre vivant sorti du vivant de l'homme qu'elle aime. Editrice de l'ouvrage monumental consacré à la carrière de son mari Jacky souffle un peu après ce marathon éditorial : trois ans de travail, de nuits blanches, d'opiniâtreté. Sa volonté d'étonner, de s'étonner elle-même porte le nom de « Fusaro ». De la première à la dernière page se croisent élégance, sensualité, émotion : « mon imprimeur, Daniel Faurite, venait 3 ou quatre fois par semaine à la maison, si j'avais, pour des raisons de budget, confié ce travail à un imprimeur extérieur comment instaurer un dialogue et expliquer ce que je voulais vraiment ! ». Styliste de mode avant sa rencontre avec Jean, Jacky, a grandi sous (bonne) influence : grand-père soyeux lyonnais et grand-mère parisienne toujours « bien mise ». Perfectionniste, le regard qui en dit long sur sa personnalité, Madame Fusaro nous invite à emprunter les chemins de son peintre chéri. Voyage garanti à Ostende, Arcachon, Biarritz, Venise ou place Bellecour. Textes choisis, écrits par des grands écrivains, des critiques d'art, des amis.
« Je vous accuse d'avoir dérobé l'âme la plus vivace de Venise. D'avoir récupéré au bout de vos pinceaux, le mouvement héroïque de l'instant où les couleurs et les formes dansent un ballet menacé de disparition, comme si le spectateur vulgaire incapable de métamorphose ne pouvait saisir la fragilité du spectacle qu'il a sous les yeux »
(Extrait d'une lettre de Jean Carrière à Jean Fusaro choqué par la tournure commerciale que prenait Venise)
« Jean Fusaro fait souffler sur la peinture une sorte de fraîcheur espiègle. Il a plongé ses pinceaux dans un bain de jouvence originel qui mouille le regard et envoûte le coeur » ( (Extrait de la préface de Philippe Lemaire)
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