Texte : Morgan Couturier – Trois ans après avoir usé de son droit de préemption, les élus écologistes laissent se dégrader une propriété de la rue Henri Gorjus. Alors que ce rachat devait permettre l’aménagement d’espaces urbains, l’ensemble immobilier fait aujourd’hui le bonheur de squatteurs.

La plaisanterie a assez duré du côté du voisinage. Il faut dire que, depuis trois ans, les résidents de la rue Henri Gorjus se désolent du spectacle. En effet, depuis le rachat par la Ville de Lyon de deux maisons de 140 m² et 85 m², ainsi que de leur dépendance de plus de 3 900m2, celles-ci forment un cadre de vie rêvé pour des squatteurs, nombreux à avoir posé leurs valises sur ce terrain laissé à l’abandon.

Alors qu’aucun portail ne ferme la propriété, il est ainsi facile d’observer la transformation radicale de ces deux biens, mués en un véritable camping sauvage. Un triste décor que les voisins — parmi lesquels les pensionnaires de l’internat Les Chartreux Paul-Couturier et les jeunes footballeurs du FC Lyon Croix-Rousse — doivent à Grégory Doucet et à Rémi Zinck, ces derniers ayant décidé de faire jouer leur droit de préemption.

Un foncier acheté trop cher uniquement pour bloquer la construction de nouveaux logements (dont 35% de logements sociaux) 

Selon nos informations, plusieurs constructeurs immobiliers avaient pris connaissance de ces biens et des offres d’achat avaient été soumises dès 2019. D’abord refusées, ces dernières avaient finalement séduit les propriétaires. Hélas, l’arrivée des écologistes à la tête de la mairie a, semble-t-il, changé les plans, le nouvel exécutif ayant jugé bon de modifier le PLU en vigueur et de rendre le terrain inconstructible. De quoi supprimer les promoteurs de l’équation.

Seule sur le dossier, la Ville de Lyon appuyée par la Mairie du 4ème arrondissement a ainsi décidé de racheter le terrain le 19 janvier 2022, « afin d’empêcher qu’un sol soit à nouveau en proie à la spéculation et à la construction à prix libre, pour, au contraire préserver un espace vert ». Et ce, alors que les arbres présents avaient déjà été classés par la municipalité précédente.

La mairie dépense plus de 2,8 millions d’euros pour abandonner le site aux squatteurs depuis trois ans

Montant de la facture : 2 740 000 euros (voir délibération ci-dessous), auxquels s’ajoutent les frais de notaire. Soit une enveloppe bien garnie de 2 820 000€, quand certains experts du secteur estiment la valeur vénale du bien à 2 millions d’euros maximum. En épluchant les annonces immobilières, on trouve également de biens meilleures affaires, pour des propriétés de bien plus grandes superficies.

Il faut compter environ 895 000 € pour une maison de 158 m² située sur le plateau de la Croix-Rousse. Mieux : pour cette même coquette somme de 3 millions d’euros, il est possible d’acquérir une villa de 300 m² avec quatre chambres et une piscine.

Mais là où le bât blesse, c’est que cette offre déraisonnable — rendue possible grâce à l’argent des contribuables — n’aboutit aujourd’hui à aucun projet, si ce n’est à l’hébergement de squatteurs. Et, par ricochet, à la détérioration des lieux. Une situation qui s’éternise, sans que la municipalité n’ait jugé bon de les expulser. Leur « loyer » payé par les caisses de la Ville, les squatteurs auraient tort de s’en priver…