D'abord, je dois féliciter Sylvie Carlier, conservateur du Musée Paul Dini, pour sa volonté de rigueur (encore à perfectionner) dans la conception et la réalisation de cette exposition cataloguée.
Femme de caractère et de passion, Emilie Charmy fit un séjour dans l'atelier de Jacques Martin de 1898 à 1902, figure dominante de la culture à Lyon, puisqu'il était peintre et musicien. Il jouait du violoncelle. Henri Béraud écrivit de lui : " Jacques Martin fut le dernier de nos créateurs fiers de peindre sans lois, ni maître." Au début du XXe siècle, Jacques Martin n'était pas loin d'atteindre l'unanimité. Marius Mermillon témoignait : "Environ l'an de grâce 1900, qui est par comparaison une date dans l'histoire du bonheur humain, il y avait à Lyon un grand peintre et un petit jeune homme. Le grand peintre s'appelait Jacques Martin. Il était l'héritier d'une longue suite de génies… « Le petit jeune homme », c'était Mermillon qui débutait dans la critique d'art. Les « génies » se nommaient : Jean Seignemartin, François Vernay, Louis Carrand, Auguste Ravier, François Lépagnez, Eugène Baudin, etc. Encore un mot sur le climat, retrouvons sa description par Paul Creyssel, secrétaire, puis président du salon d'Automne fondé en 1904, par Eugène Brouillard, le Dr Albertin, et Jacques Martin : « Ils tenaient au café Morel des discussions fougueuses, buvaient de la bière, portaient chapeaux très amples et pantalons flottants, cravate nouée en désordre, car la bohème régnait. Au milieu d'eux l'impérieux Jacques Martin fumait son cigare inextinguible. »
Femme sous influence, Emilie est donc issue de ce milieu de l'avant-garde lyonnaise. Pour Jacques Martin, elle fut aussi modèle. Amie de Charles Camoin (probablement rencontré au Salon d'Automne de Paris), elle ramènera de leur voyage en Corse des toiles plus marquées par l'empreinte cézannienne que par celle du Fauvisme. N'oublions pas que dans le même temps Georges Albert Tresch manifestait déjà une forte admiration pour Cézanne, dont il imprégnera le groupe Ziniar à partir de 1919. Emile Charmy, sensible à la Modernité de Matisse et des Fauves n'a pas retenu les leçons de Jacques Martin, au contraire de son maître lyonnais, sa palette est souvent contenue jusqu'à la mélancolie et même la tristesse. Ces femmes ne sont pas heureuses. Elles s'abandonnent avec retenue, prisonnières de leur dissidence. Nous avons la chance aujourd'hui à Lyon de compter parmi nous la fille du comte Etienne de Jouvencel. Son père fit la connaissance d'Emilie en 1924. Son atelier était situé rue de Bourgogne à Paris, à cinq minutes de la maison du comte qui demeurait, rue de Grenelle. Emilie tissa des liens avec la famille, et fit les portraits de tous ses membres. Le comte et son épouse firent l'acquisition d'une centaine d'œuvres entre 1924 et 1965, certaines font la richesse de cet hommage. Entre Saône et Rhône, Emilie, qui épousa le peintre Georges Bouche en 1931, fut longtemps méconnue, et aujourd'hui encore, peut-être parce qu'elle fit l'essentiel de sa carrière à Paris où elle fut l'amie de la romancière Colette, comme l'attestent des documents oubliés, prêtés par la comtesse Philippe Engelhard. Cette exposition, il n'est jamais trop tard, réparera une injustice.
Du 12 octobre 2008 au 15 février 2009
Musée Paul Dini
2, place Faubert à Villefranche-sur-Saône
04 74 68 33 70
www.musee-paul-dini.com
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