Pierre Carrilero, Voilà by Pierrot

4 juin, 2009 | LES GENS | 1 commentaire

 

carrilero1 Photo © Jean-Luc Mège

 

Par Nadine Fageol

 

Une vie turbulente faite de happening hilarant, qui le mène de Lyon à New York via Paris, dans les entrailles du monde de la mode. Attention farceur iconoclaste. Attachant.

 

Dans l'immeuble de Garnment, soit le sentier new-yorkais, on se casse le nez dans la galerie de glaces très glauque qui habille le hall d'entrée. Pierre Carrilero ouvre lui-même la porte pour nous introduire dans des bureaux borgnes colorés de portants quasi chancelants sous les vêtements et les échantillons de textiles. La cinquantaine, l'homme est aux anges de rencontrer des gens du pays. Styliste au sein du groupe coréen IB International Corp, il dessine les collections alimentant les marques génériques de grands magasins. Dans la foulée il a négocié un accord avec le groupe pour la réalisation de « Voilà by Pierrot » ses propres collections. « C'est génial de travailler avec des manufacturiers, je dessine d'abord les imprimés des tissus qui sont fabriqués en Corée ou en Chine. Ensuite, je réalise le patron des vêtements qui seront fabriqués en Asie. Je suis certes salarié mais je bénéficie d'une grande liberté même s'il faut bosser dur ». Des cernes trahissent une nuit de fiesta à l'autre bout de la ville. On reporte les prises de vues à un autre jour pour écouter ce qui très vite se révèle comme un drolatique garnement. « Pour les Lyonnais, ma vie est un scandale ». Le garçon qui ne cache pas son homosexualité a fait les 400 coups au rayon distorsion culturelle dans le Lyon des années 80. « J'ai été élevé de manière à vivre mes émotions ». D'origine hispano-italienne, l'enfant né à Oullins cultive une imagination débordante pour aller en grandissant vers un anticonformisme aussi loufoque qu'assumé. Tout démarre véritablement suite à une blessure au foot. Un épanchement de synovie, il dit de Sidonie, inquiète sa mère, « il faut que je refasse ma vie ». Maman lui colle des aiguilles et une pelote de laine, « tu vas faire un pull, une écharpe, mais tu vas tricoter ». Elle ignore que son geste va tramer une grande partie de son avenir.

 

L'adolescent curieux d'aventures passe à l'offensive, ouvre « Plan de travail », une galerie rue Puits-Gaillot spécialisée dans le happening en tout genre ou défilent « d'Artagnan » Thierry Raspail et Raymond Barre. « C'était destroy, et monsieur Barre faisait penser à un des Barbapapa ». Fait de la figuration à l'Opéra, tate de la musique avec les Hijackers, collabore avec Marie-Claude Jeune à l'Elac, et créé une « petite sensation » dans le rôle de Saint Jean Baptiste à la Villa Gillet. « J'étais sensé joué un mec pur, c'était plutôt cocasse » ensuite il sera Sœur Angela dans les « Nonnes » de Eduardo Manet à l'Espace 44. Avec Anne Magnien, il chronique dans les Confections Indémaillables sur Radio Lyon 95 la vie d'un stylo, d'un slip… Pour se faire « jeter comme des malpropres ». Lyon trop étroit à son univers expérimental, il regagne Paris pour ouvrir les Établissements Phonographiques de l'Est orientés musique bruitiste et avides de house music. Entre deux performances échevelées, il se remet à tricoter pour vendre ses vêtements à la faune branchée parisienne. Jusqu'au moment où son compagnon mannequin, repéré par Steven Meisel, photographe notamment des campagnes Calvin Klein, doit rejoindre New York. Il suit avec 400 $ en poche, devient nany pour deux garçons, mannequin pour les campagnes TV de Banana Républic, apparaît grimé dans des clips et relance ses travaux d'aiguilles. À 35 ans, il juge utile de mettre un bémol à sa vie de noceur invétéré, jusqu'au jour ou un investisseur japonais lui propose de soutenir sa jeune marque. Commence le buzz, un show monté en six mois et voilà… En 2008, proche de l'épuisement, sa vie personnelle en lambeaux, il opère un « brake-up » pour entrer en normalité au point de dessiner pour un catalogue de femmes fortes. Cadre dans lequel il rencontre ses actuels partenaires coréens. « J'étais trop borderline en France pour réussir mais suffisamment pour les USA » car à New York son franc parler, sa connaissance et son extrême lucidité sur le milieu de la mode en font un professionnel recherché faisant partie des quatre Français membres de la Chambre syndicale de couture américaine.

 

 

1 Commentaire

  1. Aline Thivolle

    Ce sont les frères Nicolas et Christophe Willmann qui a créé et ouvert « Les Etablissements Phonographique de l’Est en 1987.

    Réponse

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Cliquez ici pour SIGNALER UN ABUS
Vous pouvez nous adresser un email afin de signaler un contenu. Merci de préciser l’adresse de la page dans votre email. Votre signalement sera pris en compte au plus tôt.

Aujourd’hui

dimanche 05 mai

Sainte Judith


 

Recevez la newsletter

Restez informé en temps réel !

View More Results…