Par Marco Polisson
C’est en l’église Saint Denis de Rillieux la Pape, magnifiquement restaurée, que plusieurs centaines de personnes ont accompagné le chef de Larivoire dans son dernier voyage.
Aux premiers rangs, à côté de son épouse Chantal, de son fils Camille, les fidèles Daniel Judéaux, Jacky Marguin et Jean-Pierre Albalattre, le maire de Rillieux Alexandre Vincendet et son premier adjoint Julien Smati, rejoints par une vingtaine de chefs en veste blanche. Le premier édile qui a connu le chef sur le tard (il a été élu en 2014, ndlr) et ne l’aura vu travailler que deux années, avait noué une relation personnelle avec Bernard : « En venant chez vous, nous avions l’impression de venir dans votre famille » et de souligner la place que tenait Larivoire dans sa ville : « Souvent les amoureux de la gastronomie ne connaissaient Rillieux que par votre restaurant. » « Vous laissez derrière vous des générations de cuisiniers et de personnels de salle orphelins » a assuré le maire de Rillieux qui n’a pas su empêcher la fermeture de cette institution transformée en immeuble d’habitation…
A sa suite, Christophe Marguin a évoqué le parcours de son ami « tombé dans la marmite depuis son plus jeune âge » rendant hommage à la dynastie de cuisiniers dont il est issu. « Nous avons perdu l’un des plus grands formateurs que nous ayons connu à Lyon » a conclu le président des Toques blanches lyonnaises, propos confirmés par Pierre Gagnaire et Pierre Orsi, présents eux aussi. Sylvie Scapaticci et l’équipe paroissiale ont ensuite pris la cérémonie en main – il ne s’agissait pas d’une messe mais d’une bénédiction – tentant, sans grand succès et avec beaucoup de mérite, de donner un sens spirituel à ce rassemblement, avec force lectures, psaumes et évangile. Pas évident quand on a devant soi une assistance déchristianisée et donc aphone, plus paillarde que païenne au demeurant.
Plus habitués aux tenues fraternelles qu’au vin de messe, nombre d’entre eux n’avaient pas remis les pieds dans une église depuis les obsèques de Monsieur Paul. Au-delà de clin d’œil amical que leur fait Dieu en les accueillant dans leur maison commune, rien de tel qu’un moment « déconnecté » pour dire au revoir à Bernard. Dans les travées, l’avaient bien compris sous l’œil vigilant de Françoise Bernachon : les éditeurs Patrick Deschamps (Lyon Poche) et Christian Mure (Lyon Gourmand), l’ombrageux Daniel Ancel, le souriant Alain Alexanian, les crinières blanches de Pascal Baud et Gabriel Paillasson… Au dehors on pouvait percevoir les rires de Pierre-Guy Cellerier (jean déchiré) et d’Olivier Farissier (casaque noire), transformant le parvis de l’église en café du village avec Gérard Vanier et Marco. « Ils tapent la belote ? » s’interroge – mi peinée, mi complice – la douce Florence Perier.
Très applaudis, ses anciens collaborateurs Nicolas Piroux (ex pâtissier) et Arnaud Chambost (ex sommelier) ont remercié le « capitaine qui a su garder le cap » et le « chef gueulard mais sans rancune. » L’émotion est montée d’un cran quand Daniel Abbatu a, de sa voix rauque, porté une ultime accolade « au dernier des mohicans et à ce drôle d’indien » qu’était Bernard Constantin : « Il avait fait, avec Chantal, de ses clients ses amis, et était le symbole d’un art de vivre à la française aujourd’hui disparu » comme l’a rappelé Christian Mure dans sa nécrologie. « Bernard avait vendu son restaurant mais pas son âme qui reste avec nous ! » a conclu l’ancien patron du Gourmandin et de Gamboni, très affecté.
A l’issue de la cérémonie, entouré d’une haie de vestes blanches et sous un tonnerre d’applaudissements, l’ami Bernard a rejoint sa dernière demeure, le caveau de ses parents au cimetière de Rillieux la Pape, tandis que ses amis cuisiniers levaient leur au Castel, non loin de Larivoire… Salut l’artiste !
Église Saint Denis de Rillieux
Vendredi 1er juin 2018
0 commentaires