Photo © Jean-Luc Mège

Par Nadine Fageol

Ingénieur dans le Nord, Christian Carion, classé à la 73^ème place du Top 100, s’est lancé en cinéma à son arrivée à Lyon. Avec « En mai fait ce qu’il te plait » présenté durant le festival Lumière et en salles en novembre, il romance l’histoire de sa mère jetée sur les routes de France comme huit millions de Français lors de l’arrivée des troupes allemandes. Fresque.

Mai 1940, emmené par son maire, un village entier du Nord se lance sur les routes de France fuyant l’arrivée des troupes allemandes. Le picth synthétique d’« En mai fais ce qu’il te plait » appréhende un épisode peu abordé par le cinéma si ce n’est dans « Le Train » de Rapenneau et « Bon Voyage » de Granier-Deferre.  Ingénieur dans le génie rural « pour faire plaisir à mon père », arrivé sur le tard au cinéma Christian Carion savait qu’il ferait un film sur ce mois de mai 40, l’évacuation et l’exode pour huit millions de Français vécus aussi par sa mère aujourd’hui âgée de 90 ans. « S’il n’est jamais trop tard pour raconter, en terme de témoignages nous disposons des derniers contacts avec une génération qui l’a connu et qui s’en va ». Témoignages que le cinéaste recueille à foison suite à un appel lancé sur France 3 Pas-de-Calais. Lettres et enregistrements vont encore nourrir le livre « En mai fais ce qu’il te plait » écrit avec sa co-scénariste, Laure Irrman, dans lequel il intègre le scénario et, « tout ce que l’on n’a pas mis dans le film ». Trois ans de préparatifs, dix semaines de tournage dans le Nord de son enfance et huit mois de post production à Villeurbanne afin de « greffer » sur les images les stukas, ces bombardiers allemands au bruit terrifiant introuvables de nos jours. A l’affiche, l’actrice de son premier film « Une hirondelle a fait le printemps », Mathilde Seigner en épouse du maire tenancière du bistrot du coin. Olivier Gourmet, le chouchou des frères Dardenne, campe l’élu de la république et Auguste Diehl (Inglorious Basterds..), l’allemand fuyant le nazisme à la recherche de son fils… Effet domino, Laurent Gerra qui publie les Carnets de Guerre de son grand-père tient le rôle d’un fontainier gestionnaire de château d’eau aux idées aussi ancrées que sa cave est délirante.

Une musique de maestro

« Enfant, je me suis shooté à la musique d’Ennio Morricone. Des chevaux, des chariots, je voulais faire un film chorale, un western ». La musique d’Ennio Morricone il a rêvé et il a eu par son réseau. Christian Carion débarque à Rome le 11 janvier 2015 ; le musicien l’accueille avec la une de la Répubblica sur les manifestations monstres suivant l’attentat Charlie Hebdo et lui dit simplement : « Maintenant, cinéma ! » et de lui jouer sa composition au piano. Quelques mois plus tard, retour à Rome pour l’enregistrement de la bande sonore, et là 60 musiciens tiennent une minute de silence, projection et applaudissements. La vie de Christian Carion est celle d’un amoureux du cinéma qui, à 37 ans, délaisse le génie civile et les châteaux d’eau pour se lancer. Sa femme d’alors qui souhaite quitter le Nord pour rentrer, lui déniche un DESS cinéma à Lyon. Au Château Lumière, Bertrand Tavernier joue les parrains initiatiques. Puis, « Une hirondelle a fait le printemps » en 2001, « Joyeux Noël » en 2005 sur la fraternisation des troupes franco-allemandes un soir de réveillon, 2009 arrive « L’affaire Farewell » et cette année une grande fresque populaire. « Je viens d’un milieu agricole… je crois au déterminisme social » assène ce réalisateur franc du collier détaché du star-system pour cause de cinéphilie aigüe.