La tribune libre de Bernard B. dit Le Gazetier – On nous parle avec insistance de la volonté iconoclaste, portée par les écologistes, de débaptiser la rue Bugeaud. Ne serait-il pas temps d’apprendre à ces « moralisateurs » l’histoire de notre pays, et que la censure peut être à double tranchant.
Parlons de Jules Ferry et de son discours du 28 juillet 1885 à l’Assemblée Nationale (reproduit ci-dessous). Jules Ferry, membre de la Gauche Républicaine, puis de l’Union des Gauches, chantre de la colonisation, nous instruit sur la hiérarchisation des races :
« Les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures »
« Les races supérieures ont le devoir de civiliser les races inférieures » ou encore « Ce sont aux nations européennes de s’acquitter avec grandeur de ces devoirs supérieurs de civilisation ».
Si, au XXIème siècle, nous reprouvons bien évidement ces déclarations de la fin du XIXème siècle, elles font néanmoins parties de notre histoire, tout comme l’action du général Bugeaud, gouverneur général à Alger au début du XIXème siècle.
Est-il opportun d’ajouter que Jules Ferry est maitre de sa pensée et de ses dires, à l’inverse de Bugeaud qui est un militaire devant appliquer la politique et les ordres de ses supérieurs : le Roi Louis-Philippe et son gouvernement ?
Alors quelle plaque de rue doit-on dévisser ? Thomas Bugeaud ou Jules Ferry ?
Le passé est notre socle commun, nous vivons dans notre beau pays grâce aux hommes qui nous ont précédés. C’est la somme de ces actions qui a construit notre nation. Il s’agit de notre héritage commun.
Qui êtes-vous, Messieurs les censeurs d’aujourd’hui, pour juger ceux qui nous ont précédés ? De quel droit osez-vous interpréter l’histoire de notre pays avec vos idées peu matures qui demain seront démodées voire ridicules ?
Si vous voulez travailler pour la cité, alors regardez devant vous, c’est l’avenir qui doit vous guider. Le passé est clos ; on peut le louer ou le critiquer, on ne le changera pas. A force de retourner le passé à sa guise, ce dicton russe pourrait bien être réalité : « On ne sait pas de quoi hier sera fait ».
> Pour signer la pétition contre la débaptisation de la rue Bugeaud, cliquez ici : https://www.onparticipe.fr/p/TsK2vMqu

Élection présidentielle de 1887 : vote de l’Assemblée nationale au château de Versailles, avec Jules Ferry au premier plan (gravure d’Albert Bellenger – Source Wikipedia).
LE DISCOURS DE JULES FERRY
Assemblée Nationale – 28 juillet 1885
La séance parlementaire du 28 juillet 1885 est consacrée à la discussion d’un projet de crédits extraordinaires pour financer une expédition à Madagascar où la France tente d’imposer son protectorat. Elle intervient dans un contexte de colonisation poussée par les gouvernements de gauche et d’extrême gauche. La Tunisie, en 1881, l’Annam en 1883 et le Tonkin en 1885 deviennent des protectorats français.
« Vous nous citez toujours comme exemple, comme type de la politique coloniale que vous aimez et que vous rêvez, l’expédition de M. de Brazza.* C’est très bien, messieurs, je sais parfaitement que M. de Brazza a pu jusqu’à présent accomplir son oeuvre civilisatrice sans recourir à la force ; c’est un apôtre ; il paie de sa personne, il marche vers un but placé très haut et très loin ; il a conquis sur ces populations de l’ Afrique équatoriale une influence personnelle à nulle autre pareille ; mais qui peut dire qu’un jour, dans les établissements qu’il a formés, qui viennent d’être consacrés par l’aréopage européen et qui sont désormais le domaine de la France, qui peut dire qu’à un moment donné les populations noires, parfois corrompues, perverties par des aventuriers, par d’autres voyageurs, par d’autres explorateurs moins scrupuleux, moins paternels, moins épris des moyens de persuasion que notre illustre Brazza, qui peut dire qu’à un moment donné les populations n’attaqueront pas nos établissements ? Que ferez-vous alors ? Vous ferez ce que font tous les peuples civilisés et vous n’en serez pas moins civilisés pour cela ; vous résisterez par la force et vous serez contraints d’imposer, pour votre sécurité, votre protectorat à ces peuplades rebelles. Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures …
Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures… La vraie question, messieurs, la question qu’il faut poser, et poser dans des termes clairs, c’est celle-ci : est-ce que le recueillement qui s’impose aux nations éprouvées par de grands malheurs doit se résoudre en abdication ? Est-ce que, absorbés par la contemplation de cette blessure qui saignera toujours, ils laisseront tout faire autour d’eux ; est-ce qu’ils laisseront aller les choses ; est-ce qu’ils laisseront d’autres que nous s’établir en Tunisie, d’autres que nous faire la police à l’embouchure du fleuve Rouge et accomplir les clauses du traité de 1874, que nous nous sommes engagés à faire respecter dans l’intérêt des nations européennes ? Est-ce qu’ils laisseront d’autres se disputer les régions de l’Afrique équatoriale ? Laisseront-ils aussi régler par d’autres les affaires égyptiennes qui, par tant de côtés, sont des affaires vraiment françaises ?
Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l’Empire, à Saïgon, en Cochinchine, celle qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu’une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. L’ignorez-vous, messieurs ? Regardez la carte du monde… et dites-moi si ces étapes de l’Indochine, de Madagascar, de la Tunisie ne sont pas des étapes nécessaires pour la sécurité de notre navigation ?
Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, en se tenant à l’écart de toutes les combinaisons européennes, en regardant comme un piège, comme une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient, vivre de cette sorte, pour une grande nation, croyez-le bien, c’est abdiquer, et dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire ; c’est descendre du premier rang au troisième et au quatrième. »
- Pierre Savorgnan de Brazza, né le 26 janvier 1852 à Rome et mort le 14 septembre 1905 à Dakar, est une figure majeure de l’exploration et de la colonisation dans le respect des principes humanitaires. Il a donné son nom à Brazaville, la capitale du Congo.



















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