Texte : Morgan Couturier – Les travaux déjà bien avancés, l’ombrière géante, imaginée par la mairie écologiste ne rencontre jusqu’ici que peu d’engouement. Sur place comme sur les réseaux sociaux, « la beauté » de l’œuvre d’art est même largement contestée. Son coût, estimé à 1,5 million d’euros, participe également à ce rejet général.

Le projet « tissage urbain » n’a beau être que dans sa première phase de construction, la transformation de la place Bellecour semble faire l’unanimité sur un point : son « esthétisme » pour le moins controversé. Sans même prendre la peine de s’aventurer sur internet, un simple détour par l’incontournable place lyonnaise suffit à se faire une idée.

Devant les panneaux informatifs, apposés par la mairie de Lyon, un discours revient inlassablement. « C’est affreux », glissent en effet les passants, alors que même les touristes paraissent interloqués devant cette « œuvre », imaginée par l’architecte Tristan Israël et l’artiste Romain Froquet.

« Ce qui est bizarre, c’est que les voiles ne soient pas collées. Ça ne protège pas du soleil », commentait une marcheuse devant nos yeux, celle-ci se montrant un brin sceptique sur cette installation. Plus loin, deux femmes plus âgées se questionnaient l’une et l’autre sur la beauté de cette ombrière. « C’est assez ignoble », critiqua la première, son homologue rétorquant qu’il « faudra voir quand ce sera fini ».

Avant de se faire une raison : « il faudra que l’on s’habitue ».

Une philosophie optimiste, aux antipodes du discours livré sur la toile, support choisi par la majorité des Lyonnais pour dézinguer le projet. Le compte Facebook de la Ville de Lyon en a fait l’amère expérience sur son post du 25 avril dernier, dans lequel la municipalité se félicite du début de l’installation de son ombrière.

Le constat est rude : sur les quelque 600 commentaires, la très grande majorité des followers de la Ville pointent « une œuvre affreuse et un terrible gaspillage d’argent public ».« Je ne suis pas un spécialiste du transat géant, mais quand même, ça ressemble à une connerie » déballe un internaute.

Rare partisan de ce projet, un certain Martin Slvstr tente d’éteindre l’incendie. Sans grande réussite. Mais ce soutien de la majorité écologiste en demeure persuadé : « 1,5 million d’euros sur 5 ans, ce n’est pas un budget extravagant ».

Les travaux vont se poursuivre jusqu’au mois de juillet

« Ce sont 320 000 € par an pour rafraîchir et rendre plus hospitalière et agréable cette place qui se transforme en désert l’été. Pour rappel, le budget annuel de la Ville de Lyon est de 1 144M€. Le coût total de l’œuvre représente donc 0,001 % du budget. On en très loin d’un projet pharaonique hors sol », rédige-t-il.

Mais ce discours isolé n’est qu’un maigre lot de consolation pour Grégory Doucet et son équipe, l’usage de cette manne financière n’en reste pas moins critiqué par bon nombre d’internautes, lesquels auraient préféré un usage plus convenable de leur argent.

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« Cet argent n’aurait-il pas été plus utile à nos hôpitaux, écoles, sécurité de la ville ? », questionne Sylvie Guillot, quand la passionaria Annie de Starodoubsky pointe « un gaspillage honteux et révoltant de l’argent des Lyonnais ».

Un saccage pour le fils de l’ancien maire Francisque Collomb

Même son de cloche du côté de Génération Aulas, le groupe en vogue faisant allusion à un « gaspillage, le tout pendant que les commerçants agonisent, que l’insécurité augmente, que les associations souffrent et que les tensions explosent entre les usagers des différents modes de déplacement ».

« Je ne suis pas un spécialiste du transat géant, mais quand même, ça ressemble à une connerie », préfère en rire le journaliste Timéo Danaos. Un « saccage » pour reprendre les mots de Gilles Collomb, fils de Francisque, maire de Lyon de 1976 à 1989, qui ne laisse décidément pas indifférent, y compris du côté des figures de la vie lyonnaise, que peut être le maire du 2^e arrondissement de Lyon, Pierre Oliver.

« L’opus éphémère en construction sur la place Bellecour n’est même pas kitsch, il est juste moche, en complet décalage avec ce lieu historique, sa théâtralité et son charme suranné »

Le candidat LR à la mairie centrale évoque « le plus grand gaspillage d’argent public du mandat de Grégory Doucet ». À ses côtés, l’ancien député, Thierry Braillard en est convaincu, cette œuvre éphémère (néanmoins installée pour 5 ans, ndlr) aurait dû être la dernière des priorités de l’exécutif écologiste.

Visuel du projet finalisé…

« À un moment donné, il faut réfléchir au véritable besoin de la place Bellecour et de la Presqu’île. Cette œuvre éphémère n’a pas de sens, surtout après les travaux qui ont pénalisé la vie commerçante en Presqu’île », regrette l’ancien secrétaire d’état aux sports.

Pourtant inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, la place Bellecour est malgré tout partie pour supporter ces ombrières de couleurs, décorées de blocs de béton. Au grand dam des Lyonnais.

« L’opus éphémère en construction sur la place Bellecour n’est même pas kitsch, il est juste moche, en complet décalage avec ce lieu historique, sa théâtralité et son charme suranné …. Je me contrefiche du coût de l’opération, les villes ont du pognon, qu’elles le dépensent, mais je suis gentiment horrifié par cette absence de goût et de discernement. On peut juste conclure que ces bâches déployées vont préfigurer celles qu’ils vont ramasser aux prochaines municipales », réagit le photographe Jean-Claude Chuzeville, créateur de Lyon Poche.

« Combien a pris l’artiste ? »

Si cette composition artistique peut évoquer certains paysages européens, dont les rues adjacentes à la Puerta del Sol à Madrid (voir photo ci-dessus), les installer sur une place aussi grande et emblématique que la place Bellecour n’est évidemment pas du goût de tout le monde. Loin de là. « Cette construction éphémère est à l’image de l’exécutif municipal EELV : inutile ! », poste ainsi Guillaume Doré.

Sur X (anciennement Twitter), le compte Architecte Lyonnais va plus loin, en tentant d’y dénicher un potentiel point positif : « A ce stade, le seul intérêt que je vois, ce sont les plots en bétons qui devraient ralentir un peu les cyclistes dans la liaison rue de la Ré – rue Victor Hugo. Sinon on ne voit pas bien d’où va venir la fraicheur, ni quoi que ce soit d’utile pour les Lyonnais ou leurs visiteurs ».

En parallèle, l’internaute Alex Traveler ose poser la « vraie question » : « combien a pris « l’artiste », car s’ils ont payé ça 1,6M€, y’a plus d’un million d’euros qui a disparu », tweete-t-il, la Ville de Lyon ayant pourtant justifié ce projet par une réalisation répondant « à des besoins esthétiques, écologiques et pratiques, en s’intégrant parfaitement à l’environnement urbain et aux flux quotidiens de la place ».

« Plutôt que d’apprendre à parler aux arbres, vous devriez vous intéresser à l’histoire de l’art et à celle de Lyon »

Là encore, cette description peine à convaincre, en témoignent plusieurs réactions observées sur le réseau social Facebook. « Entre tout ce béton et les pauvres arbres sacrifiés pour cette horreur, c’est vraiment cher payé pour « rendre hommage aux canuts ». C’est vraiment ne pas reconnaître la beauté des tissages des soyeux lyonnais que de mettre ces loques ! », rédige France Bouille.

Un profil de sauterelles géantes ayant envahi le centre ville

De son côté,Christiane Granger s’insurge contre la mairie. « Vous osez qualifier d’œuvre cet étendoir et n’hésitez pas à trouver un lien avec la soierie lyonnaise…quelle inculture ! Plutôt que d’apprendre à parler aux arbres, vous devriez vous intéresser à l’histoire de l’art et à celle de Lyon dont vous ne méritez pas de détenir les clefs », évoque la Lyonnaise.

Hélas, comme souvent avec la politique écologiste, les Lyonnais n’auront d’autres choix que d’attendre la fin des travaux, prévue début juillet pour se faire à l’idée. Les discours seront-ils différents à ce moment-là ? Rien n’est moins sûr !