Texte : Bernard Gouttenoire. La Fondation Renaud (Fort de Vaise à Lyon, fidèle à sa vocation de conservation de l’œuvre des peintres), le Théâtre des Célestins de Lyon, les éditions Area Paris (Alin Avila), la Galerie Chybulski à Jarnioux, la Collection de La Praye à Fareins (Jacques Fabry), rendent un vibrant hommage au peintre grand morave disparu en 2020 (à Gleizé), Zwy Milsthein.

Zwy Milsthein est né en 1934, à Chisinau, en Roumanie (alors qu’elle était encore en territoire russe), dans ce que l’on nommait le pays Moldave. Très tôt c’est l’exode, il fuit autant l’invasion nazie, que le poids de la terreur qu’imposait à son pays Staline. Il rencontre le peintre réputé Stefanescu qui lui donne ses premières notions picturales, à Bucarest, en 1946. Misthein voyage en Israël son refuge de cœur et arrive en France vers 1956, à Paris, d’où il ne repartira jamais, jusqu’à ce qu’il s’installe en région lyonnaise (à Gleizé). Il enchaine les expositions à Paris, notamment chez Katia Granoff (la galerie de Jean Couty) où il impose son style décalé, très personnel, partout dans le monde.

C’est un théâtre parsemé de visages tristes et joyeux visages, qui peuplent le monde du peintre.

Ce sont des déracinés, des affamés, des migrants avant tout, (des êtres en partance), des gens qui cherchent toujours en vain à fuir ailleurs, pour retrouver un monde meilleur. Une collision de spectres dans l’esprit du « juif errant » et des « violons sur le toit » de Marc Chagall. L’illusion est très graphique tant le choc est flagrant, des masques des réprimés, tous cabossés par une vie imposée et la foi qui l’emporte… Ce sont des pauvres gens sur les routes de l’exil, comme partout, ceux qui n’ont plus d’espoir, tant ils sont confrontés à se réfugier hors des barbelés de l’oppresseur….

Ici, on étouffe dans la « jouissance de l’expression » et la grâce d’un geste….

C’est ainsi que Jacques Fabry galeriste à Fareins, non loin de la Calade, là où désormais vivait Misthein et Patrice Charavel (c’est lui qui a proposé l’hommage prochain rendu à la Fondation Renaud jusqu’à fin mars 2022) et l’écrivain, éditeur parisien Alin Avila rencontrent Milsthein. Alin Avila écrira de nombreux ouvrages sur son parcours biographique, dont un nouvel essai… Relevons dans « l’oracle des matières » paru en 2020, ce qu’il dit de son ami Misthein : Il aime les expériences, les mélanges de techniques, l’alchimie amusante et le hasard complice. Des figures, toujours des figures, révélées par les tâches, là simplement pour se remémorer, ne rien perdre de la singularité des êtres qui l’entourent, autant de ceux qu’il aime, de ceux dont il a honte et surtout de celles qu’il désire… (extrait de « l’éloge de la peinture », Musée de Toulouse, 1993).

Avila n’oublie pas de mentionner, non plus, son appétit dévorante et débordante pour le théâtre.

Justement Zwy Misthein -à l’exemple de ses ainés, Olivier Debré et Marc Chagall (qui ont tous deux travaillé pour les scènes prestigieuses lyriques de France) – réalisera à la demande de Claudia Stavisky et Jean-Pierre Lenoir, en 2013, une magnifique et monumentale commande pour le rideau de scène des Célestins, (photo ci-dessus) dans laquelle Milsthein a donné tout ce qu’il ressent du théâtre de sa vie. Rideau, on ne peut qu’applaudir cet attachant grand artiste si modeste, qui a su maîtriser magistralement le temps des affres de la « comédie humaine ».

> Du 18 février au 27 mars 2022
Fondation Renaud
Fort de Vaise
27, bd Antoine de Saint Exupery – Lyon 5
Tel 04 78 47 10 82