Boite de Pandore. Un élu UMP propose des « maisons de prostitution » à Lyon

24 septembre, 2014 | POLITIQUE | 11 commentaires

Capture d’écran © « L’Apollonide, souvenirs de la maison close »

Par Benjamin Solly

(MàJ le 25/09/14) Dans la lettre de septembre du groupe municipal Ensemble pour Lyon sur le 2e arrondissement, l’élu UMP Philippe Gibert invite à « sérieusement réfléchir à l’ouverture de ‘maisons de prostitution.’ »

Autre temps, autres mœurs. A quelques encablures de l’abbaye d’Ainay, les dames patronnesses se feraient-elles damer le pion par les proxénètes ? Ne cherchez pas la contrepèterie. Ne cherchez pas non plus une compagnie concupiscente et monnayée dans la très pieuse Ainay. Aussi vieille que le métier sur la presqu’île, cette problématique de la prostitution touche principalement les zones de Perrache, Sainte-Blandine et de la Confluence. Dans la missive de septembre du groupe municipal Ensemble pour Lyon sur le 2e arrondissement, Philippe Gibert évoque sans détour « des jeunes femmes plus ou moins dénudées, stationnant à proximité des écoles, des aires de jeu et des crèches de nos enfants… »  Rien à voir avec l’introduction -sans lubrifiant- de la réforme des rythmes scolaires à Lyon. Cette cohabitation avec les filles de joie provoque même « des scènes surréalistes dans les rues, où les parents et les enfants sont témoins des ébats sexuels dans les voitures ou au pied des immeubles », s’indigne le conseiller du 2e, délégué à l’urbanisme et à la tranquillité publique.

Un constat unilatéral qui ne rencontre pas forcément l’adhésion de sa propre famille politique. Spécialiste du quartier Perrache-Confluence, l’élu du 2e Grégory Sansoz (UMP) veut apaiser le débat. « C’est aussi un quartier qui revit, ou il fait bon vivre en famille, rappelle-t-il. En tant qu’élu et perrachois, je m’engage pour un traitement de proximité de ces problématiques pour améliorer au quotidien la qualité de vie des résidents. » Si Grégory Sansoz reconnaît l’existence de cette prostitution résiduelle, il ne partage pas les pistes soulevées par Philippe Gibert, qui comptabilise « environ 80 prostituées dans les rues du 2e arrondissement. » « Nous devons réfléchir à la création de ‘maisons de prostitution’ pour plus de sécurité et d’hygiène pour les prostituées, les clients, les habitants », propose abruptement ce dernier. Tollé à droite. « C’est une proposition qui n’engage que son auteur, en aucun cas notre groupe municipal », recadre le leader de la droite lyonnaise Michel Havard. Du côté du cabinet du maire du 2e arrondissement Denis Broliquier (UDI), le son de cloche est identique.

Philippe Gibert (à gauche)

Philippe Gibert (à gauche)

«  Ma proposition peut paraître cocasse, mais elle ne l’est pas du tout au regard de la situation vécue par les habitants », explique Philippe Gibert. L’homme a déjà agi en concertation avec Jean-Yves Sécheresse, 3e adjoint au maire de Lyon en charge de la sécurité, pour renforcer la présence policière sur la place de l’Hippodrome (Sainte-Blandine) et « sanctuariser » un site ou l’aire de jeux pour enfants voisine avec la crèche municipale. S’il regrette l’emploi de l’expression « maisons de prostitution », à laquelle il préfère celle « d’appartements de tolérance », il creuse son sillon. « Nous devons regarder auprès de nos voisins européens comment est traitée cette question, la faire porter par nos députés et nos parlementaires européens. » Cette vision réglementariste « n’est d’aucune façon une réponse adéquate aux besoins et revendications des personnes prostituées », explique l’acteur associatif Cabiria, qui mène des actions de santé avec les personnes prostituées à Lyon. Sa connaissance du tissu prostitutionnel lyonnais dans toute sa diversité est indiscutable.

« Nous considérons que le système réglementariste est une politique publique qui répond avant tout aux besoins de l’Etat quant à la gestion des flux financiers et des questions sanitaires ainsi qu’aux intérêts économiques des différents « intermédiaires » de la prostitution : le proxénétisme hôtelier, de « soutien », de migration… Le réglementarisme contribue, au contraire, à renforcer le pouvoir de l’Etat et des proxénètes sur elles au détriment de l’autonomie et la liberté des personnes prostituées », détaille Cabiria sur son site internet. Philippe Gibert doit rencontrer dans les prochaines semaines les associations pour échanger sur le sujet, dénonçant au passage « l’hypocrisie de Najat Vallaud-Belkacem » dans sa vision abolitionniste. A rebours des positions iconoclastes de Philippe Gibert, la totémique Marthe Richard, dans son discours devant le Conseil municipal de Paris du 13 décembre 1945, comparait les maisons-closes à « une débauche organisée et patentée. » A contrario, la députée UMP Chantal Brunel proposait en 2010 leur réouverture dans son livre intitulé Pour en finir avec les violences faites aux femmes.

Où en est la loi relative à la prostitution ?

Institutionnalisé, volontaire ou prisonnier des réseaux mafieux, le commerce du corps reste incompatible juridiquement avec toute notion de « dignité humaine. » La sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement ou de dégradation avait déjà été élevée au rang de principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994 (Décision n° 94-343/344). Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2013, la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel prévoit l’abrogation du délit de racolage, la mise en place « d’un projet d’insertion sociale et professionnelle » pour les prostituées volontaires, la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour pour les prostituées étrangères engagées dans des parcours de sortie de la prostitution, ou pour celles qui témoignent ou portent plainte contre leur réseau de proxénétisme. La pénalisation des clients, mesure-phare de la loi n’a pas passé les fourches caudines de la commission spéciale du Sénat, le 9 juillet dernier. Le gouvernement s’est engagé à faire adopter par le Parlement, avant fin 2014, la proposition de loi relative à la prostitution, qui avait été adoptée en première lecture par 268 députés le 4 décembre dernier.

A lire également :
La chasse aux prostituées en 7 arrêtés – Rue89Lyon

La réaction de Christophe Limousin et Jeanne d’Anglejean (25/09/2014)

Suite à la parution de notre article, les deux anciens élus de 2e arrondissement ont tenu à réagir à la proposition de Philippe Gibert. Ci-après, leur communiqué in extenso :

« Christophe Limousin et Jeanne d’Anglejan, anciens élus du 2eme arrondissement, réagissent vivement à la proposition de Philippe Gibert concernant l’ouverture de « maisons de prostitution » à Lyon.

Monsieur Gibert semble méconnaître les problématiques de la prostitution.
Nous rappelons que la plupart des personnes prostituées le sont sous la contrainte de réseaux mafieux.
Monsieur Gibert semble découvrir le travail de terrain et après 6 mois de mandat découvrir les problème de l’arrondissement.

La prostitution pose la condition de la Femme et plus généralement la question de la traite d’êtres humains. L’achat de l’acte sexuel, qui plus est sous la contrainte, est intolérable, que ce soit dans la rue ou dans une maison quel que ce soit le nom qu’elle porte (maison close, maison de prostitution, etc).

Nous appelons Philippe Gibert à revenir publiquement sur sa position, le groupe « ensemble pour Lyon » à prendre pour une fois son courage à deux mains et désavouer son membre élu.

Nous constatons encore une fois l’incapacité de la droite lyonnaise à se saisir sérieusement de sujets locaux en étant force de proposition constructive avec éthique et probité.

Nous demandons immédiatement à Monsieur Philippe Gibert de démissionner de sa délégation, anéantissant par sa proposition le travail effectué avec les associations et les forces de sécurité pendant 13 ans par une élue responsable et intègre. »

Christophe Limousin, Vice président de la fédération MPF du Rhône, ancien élu du 2eme arrondissement
Jeanne d’Anglejean, ancienne conseillère municipale du 2eme arrondissement

11 Commentaires

  1. lepenLs

    Je souhaite a ce monsieur que ses propre enfants travaille un jour dans ses « maisons »…

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  2. Camille

    En quoi les positions de Philippe Gibert seraient-elles iconoclastes? Elles sont parfaitement rétrogrades et réactionnaires!
    Il ne veut que perpétuer un droit pour les hommes d’avoir toujours des femmes à disposition pour leurs envies sexuelles. C’est…vieux comme l’argent et la domination masculine.
    Quant à Chantal Brunel, je lui conseille d’aller faire un tour dans les bordels allemands où les femmes sont soldées et où le port du préservatif est optionnel.
    Le volet pénalisation de l’achat d’actes sexuels n’est pas enterré. Il est retardé par quelques sénateurs et sénatrices accrochés à un modèle de société dépassé. N’oublions pas que c’est l’assemblée qui a toujours le dernier mot.
    L’avenir est abolitionniste, c’est juste une question de temps.

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  3. lerouge

    Oui, que ses filles,si il en a,et sa femme finissent esclaves dans des bordels où elles serviront à assouvir les pulsions sexuels des pervers de tous poils.

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  4. Rémi

    Position irresponsable et fallacieuse … ce personnage n’a rien à faire en politique, ses idées sont malsaines…

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  5. Anonyme

    « proxénétisme de soutien », « appartements de tolérance »… L’auteur en rajoute avec « compagnie concupiscente » et une allusion paresseuse au « plus vieux métier »…
    Molière aurait été plus acide à l’endroit de ces pirouettes verbales pour envelopper le droit masculin de cuissage traditionnel à l’endroit des femmes les plus pauvres.
    Vivement une pénalisation des salauds et des programmes de sortie du milieu qui, comme dans les pays scandinaves et au Canada, dissuaderont les prostitueurs de tirer profit de la misère des femmes.

    Réponse
  6. Martin Dufresne

    « proxénétisme de soutien », « appartements de tolérance »… L’auteur en rajoute avec « compagnie concupiscente » et une allusion paresseuse au « plus vieux métier »…
    Molière aurait été plus acide à l’endroit de ces pirouettes verbales pour envelopper le droit masculin de cuissage traditionnel à l’endroit des femmes les plus pauvres.
    Vivement une pénalisation des salauds et des programmes de sortie du milieu qui, comme dans les pays scandinaves et au Canada, dissuaderont les prostitueurs de tirer profit de la misère des femmes.

    Réponse
  7. sébastien

    la voie de la sagesse = légaliser l’activité pour une protection sociale et retraite, un suivi médical adéquat, mettre fin au proxénétisme de soutien qui rend la loi complètement floue concernant la personne aidant le ou la prostitué(e) (petit(e) ami(e), famille, amis), le propriétaire louant son appartement, l’hôtelier louant sa chambre d’hôtel… même si les sanctions ne sont que très rarement appliquées elles manquent d’humanisme vis à vis d’une personne qui a également besoin d’une vie sociale, sentimentale, de se faire aider, de se loger dans des conditions dignes.. concernant les maisons closes il faut vraiment si elles sont instaurées qu’il y ait un contrôle à l’intérieur… sinon on risque de rencontrer des soucis de sécurité comme nos voisins

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  8. LeSage

    Réponse non pertinente. Je ne souhaite pas que mes enfants soient éboueurs ou caissières de supermarché. Je ne vais pas pour autant m’opposer au métier d’éboueur ou de caissière.

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  9. LeSage

    De quel droit des hommes parlez vous Camille ??? C’est écrit dans la Constitution , dans le Code Civil ? A la base, il n’y a que des libertés , celle de disposer de son corps et de vivre sa sexualité comme on l’entend. Alors faire votre catéchisme et votre totalitarisme ailleurs …

    Réponse
  10. LeSage

    Vous êtes vous rendus ne serait-ce qu’une seule fois dans un Bordel avant de tenir ce genre de propos ?
    Pensez-vous que l’Allemagne, la Hollande, l’Espagne sont des pays de tortionnaires qui ont légalisé la torture ?
    En utilisant le terme d’esclave, vous insultez des générations d’esclaves qui n’auraient pas demander mieux que de gagner entre 5 et 10 000 euros par mois pour le travail accompli…

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  11. Libertée

    Et vous je vous conseilles de ne pas parler de ce que vous ne connaissez pas.

    Le port du préservatif est obligatoire dans les bordels allemand mis à part certains bouiboui tenues par des turcs pour la plupart ou certains suicidaire ce risque. Et pour le solder, il va falloir revoir votre copie aussi, une prostitué de bord de route coutent 3 * moins cher qu’une en bordel.

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