Luc Jacquet. « La force de l’Ain, c’est la combinaison de ses paysages »

12 août, 2021 | VOYAGES ET WEEK-END | 0 commentaires

Propos recueillis par Morgan Couturier et Eva Bourgin

Mondialement connu depuis la réalisation de « La Marche de l’empereur », Luc Jacquet doit au Bugey une grande partie de son attirance pour la nature. Véritable source d’inspiration, le réalisateur a su la magnifier, au fil de son second long métrage, intitulé Le Renard et l’Enfant. Un film capté sur les terres de son enfance, évidemment.

En 2013, vous disiez avoir profité de votre enfance dans l’Ain pour « développer une relation très intime avec la nature ». N’est-ce pas le propre de ce territoire ?
Dans cette région ce qui me plaît, c’est à la fois sa dimension naturelle, cette harmonie avec l’Homme dans le territoire du Haut Bugey dans lequel j’habite aujourd’hui. Partout où vous marchez, vous avez la trace de l’Homme. C’est quelque chose d’assez harmonieux, sans être cependant une nature de grands espaces comme on pourrait la trouver en Sibérie, en Alaska ou ailleurs. On est vraiment dans une nature agréablement et patiemment domestiquée. Ces paysages font partie de notre culture.

C’est une juste association entre l’homme et la nature ?
Oui c’est vraiment cette association qui me plaît. La nature, en tant que telle est un concept, chacun la perçoit avec ses références culturelles. J’ai été élevé dans cette tradition rurale, dans ces paysages, c’est ici que je me sens bien. Pour avoir parcouru le monde, je m’aperçois que ces paysages contribuent à mon profond enracinement même si j’adore découvrir chaque coin du monde avec mes propres yeux. Il y a en moi deux influences, le paysan et le voyageur, qui luttent en permanence.

L’Ain et plus spécifiquement la région du Bugey, vous a permis de « prendre plaisir à regarder, à écouter le chant des oiseaux ». Peut-on dire que la réussite de votre carrière provient de vos attaches aindinoises ?
Non pas vraiment. Il y a une naissance de vocation certes, mais c’est plutôt un ensemble de critères : de la chance, du travail… Et puis un jour, le succès vient à vous et personne n’est vraiment capable de l’expliquer. Ce qu’il y a de certain, c’est que tout est parti d’ici, dans un environnement culturel particulier. On m’a appris cette nature, à vivre avec elle avec des codes et des références qui me plongeaient dans les racines du temps. C’est indéniable, c’est avec ça que je me suis construit.

Vous qui êtes amoureux de la faune et de la flore, quelle est la force de territoire ?
La force de l’Ain, c’est la combinaison de ses paysages ! Ce sont des territoires qui sont très variés avec des univers très diversifiés. On a une mosaïque qui permet de voyager en très peu de temps dans des ambiances différentes. C’est une énorme chance de pouvoir se dépayser dans un territoire relativement réduit.

Quels sont vos spots préférés dans votre département de cœur ?
Plutôt là où je vis, c’est-à-dire sur le plateau de Retord : un paysage montagnard avec une vue assez large. On ne va pas être enfermé dans des forêts ou des vallées comme dans les Alpes. Je tiens beaucoup à la diversité des choses, et la chose que je préfère, c’est surtout celle d’avoir le choix : aller butiner d’un paysage à l’autre pour justement rentrer dans des humeurs, des états d’âme et des contemplations de natures différentes.

Récemment, vous regrettiez la prolifération de structures immobilières dans la région. Comment peut-elle se développer sans supprimer ce qui fait son charme ?
La prolifération des ZAC en sortie de villes qui s’étendent au fil du temps sur leurs périphéries, défigure le paysage. Pour moi, c’est calamiteux. C’est la même chose pour le développement pavillonnaire anarchiques des villages. Nous sommes tous sensible à la beauté des choses, cet urbanisme-là a un effet délétère insidieux sur notre rapport affectif au territoire, mais cette approche esthétique paraît bien fragile face au développement économique. On pourrait concilier les deux, je regrette qu’il n’y ait pas de gestion plus rigoureuse de ce facteur qui contribue réellement au bien-être.

« Je travaille ici, et je suis extrêmement chanceux de pouvoir le faire »

Si on vous donnait le poste d’adjoint à l’urbanisme, comment feriez-vous pour continuer le développement de ces villes sans empiéter sur la nature ?
J’ai toujours eu pour règle de conduite de ne pas prétendre faire ce que je ne sais pas faire. Je ne suis pas urbaniste, je suis juste un élément sensible de la société qui donne un avis. Amusez-vous à poser une caméra dans n’importe quelle périphérie urbaine en France vous comprendrez ce que je veux dire. Notre œil filtre mais le viseur lui montre tous les défauts. À cause d’une non-maîtrise de l’urbanisme et des règles architecturales, on a littéralement défiguré notre paysage, et je le regrette.

Plus jeune, vous avez été conquis par un renard tirant profit des territoires paisibles du Bugey. Resterez-vous dans le coin au crépuscule de votre carrière ? J’habite dans le Haut Bugey, je travaille ici et je me considère extrêmement chanceux à pouvoir le faire. On est dans un environnement très sauvage et à la fois très connecté. C’est une chance d’avoir deux aéroports, des TGV, la fibre qui va bientôt arriver. Pour moi, c’est à mettre au crédit du développement de ce territoire. Cet équilibre ordonné entre le développement, la modernité et la préservation de la nature, est quelque chose d’extrêmement important.

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/morgan" target="_self">Morgan Couturier</a>

Morgan Couturier

Le journaliste de Lyon People, c’est bien lui ! En quête de scoops, toute info est la bienvenue !

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