Mort du peintre Régis Bernard. La planète lyonnaise des arts en deuil

11 juillet, 2021 | LES GENS | 0 commentaires

Par Noëlle Bissuel

Il existe des peintres qui dépassent le flot banal de l’entendement commun, pour devenir dans un langage plus universel, uniques, tant leurs rayonnantes personnalités échappent aux aspirations de chacun. Hissé au plus haut, ainsi est classé, le peintre Régis Bernard. Nous sommes tous orphelins des êtres essentiels.

Régis Bernard est décédé le 24 juin 2021, la veille de la mort de Jacky-Cécile Fusaro, la femme du peintre Jean Fusaro, dont notre confrère Bernard Gouttenoire faisait l’éloge dans un article récent de Lyon People. Régis Bernard est né à Lyon, le 26 avril 1932, de Marius Bernard, son père ébéniste à la Guillotière, et d’une mère qu’il a encore très jeune, peu connu, au divorce de ses parents.

Elève des Beaux-Arts de Lyon entre 1947 et 1951, il est très assidu aux cours du Ziniar et sévère, Venance Curnier. Parallèlement, il suit les cours des peintres qui faisaient partie des « nouveaux » (en 1931 avec René Chancrin et Jean Couty, entre autres), ses Maîtres furent les discrets Henri Veilly et Pierre Pelloux. C’est toute la base de la structure poétique et picturale de Régis Bernard, et c’est ce qu’il explique dans les entretiens -avec son complice Bernard Gouttenoire (ci-dessus)- dans le petit ouvrage « La part de l’émotion » paru en 1996.

Enrôlé dans le conflit en Algérie, il est « radio » dans le rang du régiment, et ne manque pas de peindre quelques croquis, dès que le feu nourri, le lui permet.

Ainsi en 1956, il peint à Alger, une « Femme Algérienne » dénudée, mais presque voilée, par un geste d’une extrême pudeur (photo ci-dessus, collection BG). C’est le moment où traversant un village, il raconte aussi, avoir acheté une belle poterie, dans un souk… Il paye le berbère, qui s’en est allé -en courant- dans l’arrière-boutique… Etonné, Régis pensait qu’il avait vexé l’arabe, en sous-payant la jarre. L’homme est revenu, avec la poterie remplie d’œufs… c’est dire qu’il s’entendait à merveille, avec ce peuple aimé. L’anecdote savoureuse dit bien la générosité et le respect, qu’il portait à chacun…

Régis Bernard de tous temps a été influencé par Alberto Giacometti, Nicolas de Staël, Giorgio Morandi dont Philippe Jaccottet, le célèbre écrivain -ami de Régis, mort récemment- avait écrit « Le bol du pèlerin » (édition La Dogana, Suisse, 2001). C’est vrai que Régis Bernard pouvait apparaître (pour qui ne cherche que le seul aspect superficiel des choses), comme un suiveur de ces grands là…

Mais, au contraire, il partait de toutes ces influences pour les transcender et renaître de leurs écritures jusqu’à se créer un langage original, bien à lui.

Plus tard, disant toute sa passion pour Pierre Bonnard (qu’il visitera à Marseille en tgv avec BG, son ami de toujours), il dira de lui « Bonnard, cette féminité de la couleur, qui enlace ses nus…». Ainsi -ensemble- ils ont vu « Bonnard, les dessins » à Chambéry, Henri de Toulouse Lautrec au grand Palais et Giacometti à Paris.

Régis Bernard exposait à la Galerie -historique- Saint-Georges tenue par Denise Mermillon, avec les merveilleux peintres Joannès Veimberg, René Münch, Alain Roll, Jacques Peizerat, Evaristo, Ariel, Salvatore Gurrieri, Bourrat, Maurice Sage, Pierre Oulevay (venu de Lausanne), Jacques Flacher, Michel Gilbert, Robert Duran, Gasquet, Alain Barrier, Eric Schmid, Jean Fusaro, André Cottavoz, Jacques Truphémus, Henri Vielly, Pierre Pelloux, Pierre Combet-Descombes, Jacques Laplace, Etienne Morillon, tous les Ziniars réunis (1920-25) ainsi que les Sanzistes (1947-50), qui se sont donné rendez-vous dans ce temple de l’école lyonnaise contemporaine.

Régis Bernard en compagnie de Bernard Berthod, place Bellecour

Des noms que l’on retrouvait déjà au Salon du Sud-Est, puis au musée municipal de Villefranche ouvert grâce à l’exceptionnelle collection de Paul et Muguette Dini et dans plus des 50 livres d’art publiés, depuis 1988, par Bernard Gouttenoire, alors critique d’art du Progrès, et chargé de mission culture au conseil général du Rhône (de 1990 à 2011). D’ailleurs Régis Bernard sera lauréat bénéficiaire du 1er Prix du livre du Département du Rhône (1991) avec « Mémoire d’un atelier, hommage à Henri Veilly », (Editions Les Traboules).

Régis Bernard sera -durant ce temps- Président du Salon du Sud-Est (de 1985 à 1997) succédant depuis 1925 à Charles Sénard, Pierre Combet-Descombes, Paul Clair… Lui succéderont Jacques Convert et l’actuel infatigable Jean-Louis Mandon. Avec Bernard Gouttenoire, ils ont constitué la collection de 250 tableaux achetés par la commission d’acquisition du Département du Rhône, voulue par Michel Mercier et présidée par Yves Bruyas, avec Paul Delorme, Muguette Dini, et les regrettés conseillés Lucien Durand et Francois Baraduc.

 Christophe Guilloteau et le Département du Rhône peuvent s’enorgueillir de posséder dans la collection, une très grande huile sur toile « Les toits de Lyon, sous la neige » qui est reproduite page 41, du Dictionnaire de BG (éditions la Taillanderie, 2000). On le voyait aussi déambuler à Lyon, au restaurant « Les trois cochons » rue des marronniers, et jusqu’à la galerie de Alain Dettinger, il fréquentait aussi l’antre de Paul Gauzit.

C’est Paul Dini qui demandera à Régis d’écrire « Une histoire de peinture, Denise et Marius Mermillon » un très bel ouvrage carré de 200 pages, abondamment illustré, paru aux éditions Stéphane Bachès, en 2005. Il y présente toute l’histoire de la peinture à Lyon. Il fera également d’autres ouvrages car il avait une très bonne plume, (il fréquentait le poète Gabriel Vartore-Noumivakine, grand ami d’Ariel et d’Evaristo). Citons un petit ouvrage sur Serge Magnin (qui a été le professeur de bg en 1959 à Saint-Jean), Pierre Pelloux (publié en 1995), Marcel Saint-Jean (paru en 1997), et surtout en 2002, l’hommage rendu à l’inénarrable « Joannès Veimberg (1918-1982), la couleur passion », considéré par René Deroudille comme le Van Gogh lyonnais.

Enfin, Régis Bernard était un grand marcheur longiligne, de solide constitution, on l’a vu parcourir la Lance, la montagne qui rayait d’un trait coupant, le ciel drômois, à Taulignan, toujours précédé de son fidèle chien et suivi de celles qu’il nommait lui-même ses femmes, Denise Kaeggi et Mireille Besson… Il vivait dans une étroite, mais belle maison coincée dans les remparts du vieux village, où il était très apprécié des habitants. C’est là encore, qu’il s’était lié d’amitié avec Catherine et son mari, le peintre hollandais très talentueux Benjamin Rooyaards dans le village voisin. Il fréquentait aussi Alain et Sylvaine Boige, de charmants voisins, au château de Manthes, (Drôme) qui l’exposaient au Prieuré… Dernièrement -il y a moins de six mois- il a reçu la visite d’amis (Gérard Duchêne, Agnès Savart) qui le pleurent aujourd’hui.

 

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/marco" target="_self">Marco Polisson</a>

Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

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