Les 10.600 Lyonnais morts aux combats de 14-18 sauvés de l’oubli

10 novembre, 2011 | DERNIERE MINUTE | 0 commentaires

01.jpg Gérard Collomb devant le monument aux morts de l’île aux cygnes en 2008 – Photo Marco

 

Par Anne-Pascale Reboul

 

Son chantier solitaire sur l’île du Souvenir, à Lyon, investi chaque année pour la commémoration du 11 novembre, a démarré en 2004 et s’achèvera en 2015: lettre après lettre, David Penalva regrave les noms des 10.600 Lyonnais morts au combat durant la Première Guerre mondiale.

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Sous sa bâche, en plein parc de la Tête d’Or, éclairé par des projecteurs, cet artisan de 43 ans dégrossit les caractères à la micro-meuleuse dans la pierre de Hauteville, un matériau très résistant, originaire de l’Ain et utilisé pour la construction de l’Empire State Building à New York. Derrière d’épaisses lunettes de protection, il peaufine au gravelet et trace les pointes des lettres romaines, soucieux d’être le plus fidèle à celles d’origine. Car le temps qui passe, les lichens et l’acidité des pluies ont effacé les patronymes inscrits dans les années 1920 sur les murs entourant le monument aux morts conçu par l’architecte Tony Garnier, au milieu du lac du parc de 117 hectares, au cœur de Lyon. La Ville de Lyon, qui organise ici un dépôt de gerbes les 11 novembre, a entrepris la restauration de l’ensemble, en commençant par cette enceinte. Parmi la dizaine de graveurs de la région, David Penalva, meilleur ouvrier de France en 1997 et installé à Vénissieux (Rhône), a remporté l’appel d’offres. Cette opération se chiffre à 730.000 euros. "Mes traits sont plus épais et plus profonds que ceux d’avant, ils tiendront plus d’un siècle", assure ce quadragénaire robuste, fier de "laisser une trace" pour le futur, au rythme d’une centaine de lettres par jour.

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Le soleil d’automne darde ses rayons à travers les arbres pour caresser la pierre. Les noms apparaissent comme en relief: "ils sont vivants", selon lui. Avant de s’attaquer à l’une des 38 plaques apportées par un marbrier, l’artisan recherche les noms des défunts dans les registres officiels et les met en page sur ordinateur: "il faut pour chaque ligne commencer par un nom et finir par un prénom". Puis il fait une esquisse au crayon à papier avant de s’attaquer à la pierre et ses aspérités. "Le ministère de la Défense m’a déjà appelé pour rajouter un nom, je l’ai mis en bas", ce qui a cassé l’ordre alphabétique, glisse-t-il. Ces morts redécouverts, cela fait aussi partie de l’Histoire. David Penalva se représente ces "gens, qui devaient être jeunes, beaux, et aimer", que la guerre a foudroyés. Le patronyme est parfois célèbre (Collomb, Pradel, Riboud…) mais tous sont là sur un pied d’égalité. David Penalva, vingt-six ans de métier, s’émeut lorsqu’un grand-père vient avec son petit-fils et lui raconte que son "propre pépé est mort au combat". Il sourit en pensant à ces touristes chinois, américains, néo-zélandais, ébahis devant son travail. Les visites sont rares ces temps-ci car le passage souterrain menant à l’île a pris l’eau. Mais l’isolement ne pèse pas au graveur, présent quasiment chaque jour durant six à dix heures, quelle que soit la météo.

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Pour rompre la monotonie, il conserve quelques missions chez des particuliers ou des entreprises, pour des plaques de maison, des enseignes, des cadrans solaires notamment. Ce chantier reste le plus important qu’il ait eu à mener jusqu’alors, il en est presque aux trois quarts. Satisfait de "faire œuvre utile", il hausse les épaules devant ce travail d’orfèvre aux dimensions titanesques.

 

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