A Lyon, les réfugiés chrétiens ont suivi avec ferveur la visite du pape en Irak

14 mars, 2021 | DERNIERE MINUTE | 0 commentaires

Par Bertrand Jubin

Début mars, le pape François était en visite en Irak pour un voyage historique au nord du pays, sur les terres martyrisées par Daesh.

Depuis le début des exactions commises par les islamistes en Irak et en Syrie, de nombreux chrétiens sont réfugiés à Lyon et dans sa région. C’est le cas de la famille Sheet, originaire de Qaraqoch, venue vivre à Neuville/Saône, Meyzieu et Décines. Cette famille chrétienne appartient à un clan important de la région de Mossoul, les Stefo – dont est membre Monseigneur Moshe, l’évêque de Mossoul, devenu l’ami du cardinal Philippe Barbarin.

Avant que Daesh n’envahisse cette zone en août 2014, les Sheet possédaient des terres agricoles, des vignes et plusieurs bâtiments à à Qaraqoch, une bourgade de 50 000 habitants (ci-dessus – photo wikipedia). Ils employaient de nombreux ouvriers musulmans et nourrissaient leurs familles. Chrétiens, kurdes, chiites et sunnites vivaient en harmonie dans la plaine de Ninive, au nord de l’Irak.

La valise ou le cercueil

Lors de l’arrivée des soldats du Khalifat, les Kurdes et les chrétiens ont bien essayé de résister mais l’avancée des islamistes n’a pu être stoppée et les massacres se sont multipliés. Sheet (ndlr. son prénom et son nom sont identiques), le plus jeune des enfants de la famille s’en rappelle très bien : « On s’est réveillés le matin, il n’y avait plus d’armée kurde, il y avait des gens de Daesh. Des bombes tombaient sur Qaraqosh. C’est quelque chose qu’on n’oublie pas. On ne savait pas si on devait rester ou pas ». Rommel, le père de famille, a eu quelques heures pour se décider.

En effet, au petit matin, ses ouvriers agricoles musulmans l’ont appelé pour l’avertir de l’arrivée des djihadistes. « Ils nous ont tout volé, les voitures, les machines, les greniers… et ensuite, ils nous ont menacés en nous obligeant à nous convertir pour rester vivants ». Pour ne pas se convertir à l’Islam et pour protéger sa famille, Rommel a attendu la nuit pour conduire sa famille dans l’extrême nord, vers la ville de Dohuk, non loin de la Syrie et de la Turquie.  Certains détails de cet exode ont marqué Sheet : « Mon père avait eu l’idée de cacher une voiture à la sortie de la ville… Nous nous sommes entassés dedans et nous sommes partis, tous feux éteints en direction du nord ».

Réfugiés en France

Après quelques mois dans la région de Dohuk, Rommel a décidé qu’une partie de la famille fera une demande de visa pour les États-Unis et l’autre partie pour la France. Sans parler la langue, Sheet envoie 300 mails à des contacts qu’il a réussi à obtenir en France. Une famille de Bourgogne lui répond et accepte de l’aider dans sa demande d’asile politique. Grâce à cette solidarité de familles chrétiennes françaises, les Sheet prennent le chemin de l’exil et atterrissent d’abord en Bourgogne avant de rejoindre notre région lyonnaise.

Deux grandes sœurs s’installent à Décines, le troisième à Meyzieu et les parents Rommel et Samira posent leurs maigres valises à Neuville avec les deux derniers enfants, Sheet et Rawah. Aujourd’hui, le benjamin de la famille est en deuxième année d’école de commerce à Marseille et sa petite sœur suit des études de médecine pour devenir préparatrice en pharmacie. Les deux jeunes adultes parlent parfaitement français et ont d’excellents résultats scolaires.

La paix est possible

Régulièrement la grande famille se retrouve autour des parents comme ce dimanche 7 mars 2021, pour suivre le voyage du Saint Père en Irak. Ce jour-là, l’émotion a été immense en voyant le pape célébrer la messe dans l’église al-Tahira de Qaraqosh, leur paroisse ! Sheet, avec philosophie, y voit un signe de paix : « Aujourd’hui en Irak, il y a des problèmes avec les chiites, les sunnites et les Kurdes, et nous, les chrétiens, on se retrouve en plein milieu. Pour reconstruire notre pays, il faut commencer par la réconciliation, c’est la première étape. Le Pape a réussi à parler à tout le monde, ce qui est déjà un bel exploit. Espérons qu’il donne des idées aux autres chefs religieux et politiques. Ça sera long… ».

Ce voyage nous rappelle surtout que la présence des chrétiens sur cette terre qui est la leur depuis 2000 ans est devenue très difficile. Comme le souligne le jeune irakien, ils sont la variable d’ajustement entre les différentes communautés et leur situation est extrêmement précaire. Les chrétiens peuvent du jour au lendemain être obligés de quitter leur pays.

En France et particulièrement à Lyon, de nombreuses personnes se mobilisent pour venir en aide à ces réfugiés, victimes des djihadistes.

C’est le cas par exemple de l’association SOS chrétiens d’Orient, créée en 2013 par le lyonnais Benjamin Blanchard (ci-dessous), qui agit également en Arménie, en Irak, en Syrie, en Égypte, au Liban, en Jordanie et au Pakistan. Depuis son origine, l’ONG envoie des volontaires qui partent pour une durée de 2 mois à 1 an, afin de venir en aide aux minorités chrétiennes de la région. Mais cet engagement courageux n’est pas sans risques. En effet, en janvier 2020, quatre collaborateurs de l’association dont trois Français, ont été enlevés à Bagdad.

Benjamin Blanchard avait à l’époque appelé à leur libération devant les caméras du monde entier. Leur libération interviendra au bout de 66 jours, sains et saufs. Alexandre Goodarzy, membre de l’association SOS Chrétiens d’Orient est l’un de ces otages. Il raconte ce qu’il a vécu pendant sa détention et nous livre un témoignage poignant sur le sort réservé aux chrétiens du Moyen-Orient dans un livre choc : « Guerrier de paix » dont la sortie est prévue en mars 2021 aux Éditions du Rocher.

Difficile d’être chrétiens en Orient… et en France

Bien que réfugiés en France, les chrétiens d’Orient craignent encore pour leur vie et n’imaginent pas encore revenir dans leur pays. Quand on lui demande où il voit son avenir, le jeune chrétien irakien répond qu’il souhaite devenir français. « La France m’a tout donné. La France a sauvé ma famille et c’est ici que je veux faire ma vie. Je vais redonner ce que j’ai reçu. Je ne me vois pas reconstruire quelque chose en Irak. Je risque de tout perdre comme mon père ou mon grand-père avant moi. C’est trop dur d’être chrétien là-bas… même si ce n’est pas toujours facile ici » dit-il avec un large sourire qui en dit long sur les difficultés de cohabitation que sa famille connaît en France avec d’autres communautés.

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/marco" target="_self">Marco Polisson</a>

Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

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