Ariane
à Naxos

De
notre correspondant
Fabrice Phily
Photo
de Gérard Amsellem
Cet
opéra en un prologue et un acte de Richard
Strauss est l'une des uvres majeures du
compositeur germanique. A ce titre, le public
lyonnais s'est pressé en masse pour assister à
la cinquième représentation d' « Ariane
à Naxos ».
Oscillant
entre drame et comédie, l'opéra du chef
d'orchestre allemand distille un subtil jeu de
reflets : le prologue montre la préparation
d'un « opéra seria » « ...trivialement
suivi d'un ouvrage léger donné par la troupe de
Comici dell'arte de Zerbinette... ». La
confusion des genres sème le trouble parmi les
acteurs, le compositeur, le maître de musique... et
met en lumière le thème de la fidélité sous
trois axes : un compositeur doit-il rester fidèle
à ses convictions ou se rallier à la cause commune ?
La fidélité éternelle d'Ariane à Thésée
qu'elle a perdue pour toujours se heurte à celle
de Zerbinette, fidèle à ses instincts actuels et
volatiles.
Le
prologue débute dans un délicieux désordre où
s'entremêlent acteurs et musiciens au cur de la
préparation. Les répliques fusent de la scène
comme du public. Le rythme est endiablé, à la
mesure des désaccords engendrés par la nouvelle
direction que prend « l'opéra seria ».
A l'instar du jeu des acteurs, la musique nous
prend continuellement à contre-pied : les
douces mélodies évocatrices et enchanteresses
laissent placent subitement à un style beaucoup
plus baroque et chargé.
La
mise en scène de Günther Krämer est un
chef d'uvre d'inventivité et d'ingéniosité
sans cesse renouvelées. Le metteur en scène prend
un malin plaisir à multiplier les effets allégoriques,
les clins d'oeils (Zerbinette se métamorphose
l'espace d'un instant en une superbe Marilyn
Monroe). Le spectateur est subtilement bousculé
entre la puissance du drame antique et la légèreté
de la bouffonnade vénitienne.
Le
cocktail détonnant et assurément contemporain,
saisit le spectateur tout au long des deux heures et
demie de spectacle qui s'égrainent à la vitesse
du vent. Les images présentées et superbement fixées
par la lumière parachèvent ce doux rêve
intemporel (merveilleuse densité de la neige sur
fond noir).
Et
si la langue de Goethe n'est certainement pas la
langue des Dieux, on note au passage la modernité
du langage pour un opéra écrit au siècle dernier.
A ce sujet, mon cou se sera difficilement accommodé
aux sous-titrages français placés aussi hauts que
le mont Olympe !
Qu'importe,
si l'histoire reste complexe (mon Dieu, j'ai
encore mal à la tête !), l'opéra sait lui
seul transmettre aux premiers érudits comme aux
derniers néophytes (que je suis...) le langage
universel de la beauté. Les deux sopranos (Laura
Aikin (Zerbinette) et Christine Brewer (Prima Donna
/ Ariane) en sont la plus digne incarnation :
elles subjuguent de leur cristal si pur notre
inconscient en perpétuelle quête d'absolu...
Ariane
à Naxos de Richard Strauss
Mis
en scène par Günther Krämer,
L'orchestre
est dirigé par Iván Fischer (Opéra National de
Lyon)
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