Ma
drôle de semaine
Semaine
du 1er mai 2000
Je
ne sais pas si vous êtes resté à Lyon le 1er mai 2000. Moi j'y
étais. Comme je m'ennuyais un peu je suis allé voir le défilé. Eh
ben, mon vieux, croyez-moi, ça ne vaut pas les défilés d'antan.
C'était
quand même autre chose de mon temps : Drapeaux rouges... Drapeaux noirs...
Gamins embrigadés juchés sur les épaules de leurs pères respectifs et
certainement respectables, maïs au bec (les parents, pas les enfants),
muguet à la boutonnière, slogan vengeur aux lèvres. Il fallait les voir
et surtout les entendre, nos ouvriers, nos prolétaires emmenés par une
intelligentsia visionnaire, crier leurs révoltes et leurs envies de paix
et d'avenir radieux...
On
mélangeait tout dans un tohu-bohu tonitruant : Charlot, des
sous ! Charlot, des sous... Mort à Franco. Paix au Vietnam. Vive Mao...
Vive Castro... Vive Pol Pot... Pompidur - Ballamou (déjà). CRS = SS
(ça marche toujours). Bien sûr que la lucidité, la tolérance et la
vision historique, le discernement faisaient cruellement défaut à ces
foules manipulées par des chefs (Seguy, Duclos, vous vous
souvenez ?) sans scrupules qui faisaient miroiter des lendemains
meilleurs à des alouettes qui, si on les avait écoutées, auraient fini
en chair à pâté. Bien sûr ! Bien sûr ! N'empêche, ça
avait de l'allure. Bien sûr, tous ces braves gens avaient été
grugés, floués, n'empêche c'était beau, c'était revigorant.
Alors
que ce premier mai maigrelet qu'on nous propose désormais ne vaut pas
tripette. Ça manque de souffle, ça manque de révolte. On crie bien de
temps en temps " A mort Pinochet... 35 heures... 35 heures... "
mais le cur n'y est plus. On n'a même plus droit au défilé des
troupes militaires soviétiques paradant devant une brochette de sombres
momies applaudies par de sombres crétins agitant des petits drapeaux
réclamant la paix.
Aujourd'hui,
on ne défile plus, on se défile, les uns aux ASSEDIC, les autres en
créant des start-up. A quand les défilés virtuels.
Tiens,
ça serait une bonne idée, ça !
Pourquoi
ne créerait-on pas le site " 1er mai ", on
y enverrait des e-mail vengeurs, on y diffuserait des vieux défilés d'autrefois,
on y créerait des forums, on y revendiquerait allégrement, on y
conspuerait gaiement, on y sloganiserait, on y répéterait les
éditoriaux de Serge July et d' Alain Duhamel, têtes pensantes du
politiquement correct.
On
aurait de plus en plus de visites, on vendrait du muguet et des colombes
de la paix par correspondance.
Ça
marcherait tellement que ça pourrait intéresser des capital-risqueurs.
On s'introduirait en bourse. Ça pourrait rapporter gros !
A
propos, si vous ne rêvez que de stock-options, de libéralisme débridé,
de capitalisme ou de mondialisme, je vous recommande de lire toutes
affaires cessantes le dernier livre de Denis Robert : " Révolte.com ".
Je ne suis d'accord avec lui ni sur le fond, ni toujours sur la forme
mais ça mérite d'être lu.
Ça
dérange, ça déménage... comme les défilés d'autrefois.
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