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27 mars 2006


 Charles Millon à Rome 
 Résidence surveillée


 Photos © Jean-Luc Mège
 

De notre envoyée spéciale Nadine Fageol

 

Dans la capitale italienne, rencontre avec un Millon passionné et sous bonne garde. De son poste d'ambassadeur auprès de la FAO à Rome, il a fait une base stratégique pour l'essor de l'Afrique agricole. Mais quelle attitude attendre de l'ancien président de la Région Rhône-Alpes lors des prochaines échéances électorales ? Trublion.



 

Rome, jeudi 9 février. On file à travers le quartier historique pour remonter le Corso Emanuele II jusqu'à la Résidence où loge Charles Millon actuellement ambassadeur de France auprès du Fonds des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation (FAO). Après avoir montré patte blanche, nous voilà dans l'immeuble, il faut encore un code pour déclencher l'ascenseur. Notre représentant lyonnais en exil - il est conseiller municipal du 3e arrondissement - nous expliquera que quatre système de sécurité surveillent son logis. Justement, il nous attend devant l'entrée. L'homme a forci quelque peu. Bien mis dans un ensemble sombre sur chemise de bon faiseur, classique certes mais pas prout Ainay comme certains de ses congénères de la droite lyonnaise. Manifestement, le coiffeur ne fait pas partie de ses préoccupations.
 


 

Millon, c'est surtout une broussailleuse barrière de sourcils d'où percent deux lames bleues aiguisées. Assurément il est en forme, même s'il tousse car il a repris la cigarette. Spacieuse, la résidence de l'ambassadeur est aux antipodes du chic à dorures Ferrero Roche d'Or. Un lumineux couloir dessert grand salon, salle à manger et tout au bout la chambre principale. Cuisine, bain et chambre d'invité, voilà c'est plié. La déco est restée telle que l'a laissée son prédécesseur, un tantinet apprêtée, carrément démodée. Deux immenses canapés en coton blanc, une kyrielle de bergères et voltaires couverts de tissu rose thé, des rideaux saumon et deux immenses tables basses en Plexi. Dans la salle à manger, une table blanche incrustée, imprimée on ne sait, de feuilles de lierre ; le lustre lui en ruisselle couleur cuivre oxydé ! Millon a d'autres chats à fouetter, simplement il a opté avec sa femme pour quelques affiches d'art contemporain.
 

 


L'ancien ministre de la défense est devenu homme du monde, toujours en partance. Les week-ends à Paris où son épouse enseigne la philosophie. Belley sa terre d'ancrage et sa maison adorée, et Lyon une fois pas mois, pour prendre le pouls de la ville et faire le point avec ses troupes au sein du groupe Unir pour Lyon. La majorité du temps, l'ambassadeur œuvre bien sûr à Rome mais aussi à Bruxelles, à Vienne, Genève ou Tunis pour négocier les budgets nécessaires aux financements des projets de filières de développement économique qu'il monte en Afrique. « Le continent oublié », son nouvel eldorado. On attend une réaction sur les aspects positifs de la colonisation, il balance : « On a fait de la santé, de l'éducation, du religieux... Mais on a oublié le développement. On n'a pas formé les jeunes générations comme cela a été fait fin XIXe, début XXe siècle en France ».
 


 

Le pouvoir en place pour mieux propulser Perben à Lyon a décidé d'exiler cet étrange oiseau. Fils d'industriels du textile dans l'Ain, travailleur forcené adepte du franc parler et des méthodes parfois jusque-boutistes, quitte à se commettre avec plus à droite pour conserver le perchoir. L'homme n'est pas du genre à enfiler les perles, il faut que ça avance. Plutôt que de grenouiller entre Lyon et la capitale, Millon qui en a vu d'autres a choisi son nouveau poste. Il se marre, « je suis actuellement le seul ambassadeur non-fonctionaire ». On ne domestique pas Millon, on fait avec. Rebelote. Un poste à Rome trop convenu à son goût, « un poste en politique, c'est ce que vous en faites ; certains s'emmerdent, d'autres se passionnent, s'investissent ». Lui se décarcasse à dynamiser l'agriculture africaine. Bref remuer le cocotier et en l'occurrence faire pousser des arbres. Il s'emballe, raconte ce continent au centre du monde truffé de pétrole, de minerai, d'or, de plantes aromatiques, médicinales. Si « la France a perdu un horizon » lui, a gardé l'esprit de conquête. « Nous sommes très attendus par l'Afrique francophone mais attention en cas de déception. L'Afrique sub-saharienne éprouve un sentiment d'abandon ; elle a l'impression que la France n'est plus la puissance qui peut intervenir ».
 

 


Enfilant l'habit d'expatrié sans cérémonie, il embarque scientifiques, agronomes, géographes, repère les pays, puis les régions favorables aux plantations d'envergure. Piste les entreprises françaises spécialisées dans l'agroalimentaire, les biocarburants, l'extraction d'huile essentielle... L'acacia au Sénégal, la gomme arabique au Tchad. L'oignon, produit le plus vendu dans le monde, au Niger... Il rentre du Burkina Faso où il active les filières beurre de karité, haricot, mangue et le sésame très utilisé en Asie. Consolider l'ancrage local par la transformation sur place des productions ; valorisation permettant de créer des emplois notamment féminins. Sa grande idée ? « L'assurance plutôt que l'assistance ». Il reprend les recettes appliquées en Rhône-Alpes, comme pour la préservation du beaufort en Savoie via les programmes intégrés de développement agricole (PIDA). Il s'enthousiasme pour le capitaine, ce poisson qui va concurrencer le saumon. Et ne jure que par le jatropha curcas. En cours d'élaboration, la plantation de
10 000 ha au Mali de cet arbre surdoué à même de lutter contre la désertification. Il pousse vite, et ses graines permettent de produire des engrais mais surtout une huile exploitable en insecticide, en savon ou en biocarburant. « Un biocarburant qui demain participera au développement ». Son rêve, s'accorder avec un industriel pour développer un moteur bio. 

 

 

En passant devant le Palazzo Madama, le Sénat italien, on le tarabuste sur ses velléités de rejoindre la section française. Il feint d'ignorer. Et à Lyon, viendra, viendra pas semer son grain de soufre aux municipales ? Ses apparitions mensuelles - observées à la loupe - font l'objet des commentaires les plus divers. À l'évidence il cogite, mais son retour ne se fera pas à n'importe quel prix. L'oiseau reste un animal politique au carnet d'adresses blindé, ferrailleur de première qui n'oublie pas que rendre service en politique équivaut à générer un futur ennemi. « La Région m'a beaucoup appris et le Ministère de la Défense aguerri aux relations internationales. Je suis à plein rendement. J'ai 60 ans, disons qu'il me reste 20 bonnes années. Mais l'Afrique sera toujours là, je m'en occuperai autrement via une association ou à l'extrême en créant ma société de développement ». Pugnace. Plus tard dans la soirée, il invite au Capriccio de Sicile, sa tanière à festin, commande en français à un restaurateur bien qu'habitué toujours incrédule. Lors du pousse café, dans sa résidence matinée de printemps fané, il lâche quelques buses, raconte ses rencontres épiques de drôles de manières. Millon a loupé une carrière d'imitateur caricaturiste ! Diplomatie, Vatican, tourisme, il trouve Rome provinciale et bien plus petite que Lyon en matière économique. Cela dit, il a son réseau et déjà ses addicts. Dans la journée un haut fonctionnaire de la FAO, nous glissera : « Ici certains s'en foutent, lui est estimé parce qu'il est celui qui s'investit le plus ».


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A suivre,
Marc Lavoine :

« En amour, je ne fais jamais d'essais »


Charles Millon
 

 

 

 

 


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