P E O P L E ... n e w s
/ LES GENS


26 novembre 2001

 

Klaus Hersche, noceur des Subsistances

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



Propos recueillis par Marilyn Thomasson


Klaus Hersche surprend, à l'image des Subsistances qui jouent la carte de la provocation depuis la rentrée. On l'imagine débordé, il se révèle abordable : ici, pas besoin de montrer carte de presse dans patte blanche ni appartenance à un média particulièrement porté sur la culture (comprenne qui pourra !).

 

Loin de l'image « poète maudit perdu dans ses pensées » que lui prête le gotha-ghetto lyonnais, l'homme promène sa cinquantaine décontractée : c'est un large sourire qui souligne ses yeux rieurs et accompagne une poignée de main chaleureuse... Peu importe, je ne suis pas une « journaliste facile » ! Interview enfumée et questions fumeuses à Klaus Hersche, 51 ans, suisse allemand et directeur, depuis septembre 2000, des Subsistances.



Lyonpeople.com : Par rapport à Guy Darmet, volontiers esthète et mondain, vous cultivez plutôt un profil d'intellectuel, au-delà du fait que vous avez toujours travaillé dans des lieux de culture alternatifs ? 
Klaus Hersche : Si je n'avais pas les pieds sur terre et la tête dans les nuages, je crois que je ne ferais pas ce travail : j'ai beaucoup bossé, étant jeune, chez mon père, ingénieur en génie civil. J'en ai gardé une fascination pour ce monde des chantiers. Je me suis dirigé vers la production de vent, c'est-à-dire d'idées qui ne sont pas directement utiles, parce que je suis persuadé qu'on a besoin de questionnement, d'interrogations et parfois de stabilisation et de respirations. 


Quand vous sortez, est-ce que vous sortez aussi du milieu culturel ?

Il y a une partie d'obligations qui relèvent du plaisir mais, quand j'arrive dans une ville que je ne connais pas, les lieux culturels viennent presque à la fin. Moi, j'aime bien les gares, les bistrots, les grands magasins, les fleuves. A Lyon, j'ai été très attiré par l'autre côté du Rhône, les rues qui se trouvent vers Perrache, les Halles, Gerland, la Pointe
du Confluent. Les gares sont un peu moches à Lyon.

 

Est-ce que vous êtes un « oiseau de nuit » ?
Je suis un « oiseau de nuit » devenu un peu sage par la force des choses : je n'ai pas encore eu le temps de faire des virées de bars parce que je me lève relativement tôt et que je bosse très souvent le soir. J'espère que je vais bientôt trouver un peu de temps, j'adore la vie nocturne : je ne me couche jamais avant deux heures !


Vous fréquentez les bars, les restaurants, les boîtes ?

Ah oui, les restaurants. Je n'ai pas encore trouvé de bar qui me convienne : je préfère aux bars à whisky tamisés avec leur public guindé le petit troquet populaire où l'on peut boire un verre sans payer...

 

En échangeant une toile ?

(La remarque le fait sourire) Non, pas nécessairement cultureux. Mais j'aime bien aussi de temps en temps un bar à whisky. Je n'ai pas encore trouvé la bonne adresse. J'adore aussi inviter des copains pour leur faire la bouffe. J'adore manger, et particulièrement la cuisine orientale : chinoise, vietnamienne, etc. 

 

La cuisine lyonnaise a été pour moi une découverte : au début, je ne pouvais pas m'imaginer comment les gens pouvaient manger ça tous les jours, ça me paraissait incroyable ! J'étais étonné parce qu'on ne voit pas de gens obèses à Lyon alors qu'on voit sans arrêt des gens qui bouffent. On s'y habitue : j'arrive à manger, deux fois par jour, la cuisine lyonnaise sans avoir mal au ventre ! Ce que j'adore, c'est la sensibilité du service dans les bistrots que je découvre à Lyon.

 

Est-ce que vous aimez les soirées mondaines ?

Moi, j'ai toujours aimé changer de milieu sans être associé à un seul : très franchement, j'aime les réceptions et je suis parfois tenté de mettre un costard.

 

Non !?

Je ne le fais pas parce que je trouve ça un peu déplacé.

 

Qu'est-ce qui vous paraît déplacé : le costard ou vous en costard ?

Comment dire ? Il y a des occasions : je n'irais pas à l'Opéra en smoking mais j'ai vécu des soirées où il fallait en porter un et j'adore ça. Une réception un peu guindée à l'Hotel de ville me fait un immense plaisir. Je m'adapte assez bien : je n'aime pas aller à une soirée mondaine en jeans et pull, je trouve ridicule de vouloir paraître authentique par ce biais mais il y a peu d'occasions.

 

Il n'y a, selon vous, pas assez de soirées à Lyon ?

Non, d'occasions. C'est un jeu, on doit être au-dessus de ça : on ne va pas mettre un costard pour répondre à une exigence mais je prends vraiment beaucoup de plaisir au jeu

 

... Jeu de scène ?

... Jeu de scène ! J'adore danser aussi. Le tango, le rock'n roll et les danses solo comme la techno et là non plus je n'ai pas trouvé le lieu. Un lieu très jeune qui organise énormément de soirées très différentes et où l'on fiche la paix, où vous dansez. Cela dit, ça m'ennuie à un moment donné, j'aime bien danser avec une partenaire.

 

Donc... sur Lyon ?

Je sais qu'il y a une scène tango près d'ici. C'est une culture un peu perdue : savoir danser et pas seulement bouger.

 

Sur Lyon, actuellement, il vous manque les amis ou le lieu ?

Ah non, j'ai les amis

 

Il ne vous manque plus que le lieu ?

Je sais qu'il y a le Ninkasi, plutôt techno. Heu, qu'est-ce qu'il y a encore ? Si vous avez quelques adresses...

 

Le Seven'th, le Fish, le First, l'A-KGB évoquent quelque chose pour vous ?

Non mais je viens d'arriver. Ces derniers temps, j'étais claqué et je n'ai pas encore trouvé le confort de me dire : laissons les Subsistances tourner, moi je me taille !

 

Si vous ne pouvez aller à la Nuit, il faut peut-être que la Nuit vienne à vous : est-ce une hypothèse folle de concevoir les Subsistances comme un lieu de fête ?

C'est une idée qui me trotte dans la tête : j'aimerais bien ouvrir, dans la cave, un bar plate-forme musique et organiser, avec d'autres, des bals dans la grande cour des Subsistances, sans que ça devienne une habitude : ce ne serait pas une chance pour les Subsistances d'organiser un bal tous les samedi soir, on ne tiendrait le coup et...

 

...la municipalité ne serait peut-être pas enthousiaste si le site devenait la dernière adresse à la mode !

... Et les riverains non plus. Mais ce serait magnifique. On va faire quelques soirées l'année prochaine dans la grande cour, certainement avec l'équipe de la Biennale de la danse.

 

Rendez-vous est pris !

On a fait une belle fête avec les artistes qui ont vécu ici trois semaines dans le cadre de la manifestation « Quartiers d'octobre ». J'étais tellement épuisé que je suis allé me coucher à 1 heure pour préparer le brunch le lendemain matin. Il y a dix, quinze ans, j'aurais dit : je m'en fiche, je fais nuit blanche, j'irai acheter le pain directement et maintenant je ne peux plus. J'espère redevenir un terrible fêtard.

 

Courage et persévérance !

Mais je ne me réserve pas non plus assez de temps pour le théâtre. Je suis allé à la Maison de la danse plusieurs fois, aux Ateliers, à l'Opéra mais je ne connais pas encore les Pentes avec leurs petites salles... et puis il ne faut pas se limiter à Lyon : il y a aussi Grenoble, Saint Etienne, Villefranche, etc. Lyon doit s'ouvrir et je n'évoque pas seulement l'accueil de regards extérieurs mais aussi la collaboration de la création locale avec le monde. La ville est très ouverte au niveau de ce qu'on pourrait appeler « la culture officielle » mais en discutant avec des créateurs, on perçoit une certaine frustration. Je dois aussi lire les dossiers et visionner les cassettes des artistes. Pour diriger un tel centre, je dois également aller au ciné ou regarder la télé !

 

Pour voir quoi ?

Des films que je n'ai pas vus en salle et qui passent très tard, des documentaires, des soirées thématiques d'Arte concernant l'économie ou le sport, les classiques du cinéma...

 

Du cinéma populaire ?

Oui, c'est parfois tellement agréable de voir un thriller hollywoodien. C'est reposant.

 

Reposant ?

Plus il y a de sang et d'explosions, mieux c'est. Je ne suis pas un fana du ciné intellectuel, je préfère le cinéma qui vous prend. « Eyes wide shut », « Soldat Ryan » parce que j'adore les films de guerre, « Seven »... J'ai aussi vu dernièrement un truc américain avec Bruce Willis. « Mission impossible 2 », c'était horrible d'efficacité et de perfidie mais ça m'a fasciné. Mon fils de 12 ans se procure des cassettes qui parfois me choquent. Le cinéma français peut dire ce qu'il veut, même s'il y a aussi des conneries dans le cinéma américain...

 

Pourquoi y prenez-vous autant de plaisir ?

C'est un exorcisme. C'est du grand Guignol. De Shakespeare, on ne garde que les assassinats et les meurtres mais le réalisme est nouveau : le théâtre est maladroit à mimer la mort et là, on a parfois l'impression que le sang gicle sur la télé !

 

Est-ce que vous poussez la provocation jusqu'à être sportif ?

Je ne suis pas quelqu'un qui reste à la maison parce qu'il y a un match de foot mais il y a, dans le sport, un élément fascinant pour le théâtre : l'impitoyable dans la performance. En fait, je m'ennuie assez vite, devant, par exemple, le tennis à la télé. J'ai vu un match de hockey, j'étais plus intéressé par le public que par les joueurs. J'adore danser, nager, escalader mais, non, je ne suis pas sportif. Et puis, je crois que je deviens un peu agoraphobe : un concert avec 5000 personnes, ça m'angoisse.

 

Directeur d'une institution culturelle respectable, agoraphobe, moins fêtard... Finalement, vous voyez que vous pouvez rentrer dans la case du prêt à penser !

Peut-être mais ça reviendra. C'est la première fois que je gère de telles responsabilités. Jusque-là, je travaillais dans l'associatif avec une responsabilité collective. Ici, il y a certes une équipe fabuleuse mais je dois apprendre à mettre en place la structure pour être plus léger parce que, débordé de boulot, on ne fait rien de bien, on n'a besoin de s'en sortir pour prendre du recul...

 

Ai-je bien compris : vous souhaitez devenir léger ?

Sans superficialité ni « j'm'en foutisme » mais en distinguant des priorités dans toutes les contraintes du poste : fric, intendance et administration occupent encore une place trop importante afin de donner vie à la création sans se contenter de gérer le site.
 


Réagir à
cet article

 

 

A suivre, Georges Duboeuf, pape en Beaujolais...

 

page suivante

 

 

 

Le café réchauffé c'est terminé !

Cliquez ici