Attentat de Marseille. Compte à rebours mortel pour Laura et Mauranne

18 octobre, 2017 | POLITIQUE | 0 commentaires

Par Marc Polisson

En compilant le rapport commandé par Gérard Collomb et d’autres sources, Lyon People a reconstitué heure par heure le parcours du terroriste islamiste qui a assassiné Laura et Mauranne devant la gare saint Charles de Marseille, dimanche 1er octobre 2017. Quand des fonctionnaires lyonnais manquent à tous leurs devoirs et que la vie ne tient qu’à un coup de fil. Récit d’une tragédie qui aurait pu être évitée.

Les extraits du rapport de l’Inspection Générale de l’Administration (IGA) sont entre guillemets.


Vendredi 29 septembre 2017 – 18h30
Ahmed Hanachi est pris en flag dans le magasin C&A du centre commercial de la Part-Dieu. « Il a été « maintenu » par les agents de sécurité du magasin dont le directeur l’accusait d’avoir tenté de voler une veste pour un montant de 39€. Il remet un passeport tunisien au nom d’Ahmed Hanachi, né le 9 novembre 1987 à Bizerte, en Tunisie. Il n’a pas reconnu les faits mais les policiers ont considéré que la vidéosurveillance le montrait en train de sortir du magasin avec la veste volée. Ils ont recueilli le témoignage d’un agent de sécurité assurant la surveillance vidéo du magasin et enregistré la plainte que celui-ci a déposée. »

Vendredi 29 septembre 2017 – 19h00
L’homme est récupéré par un équipage de police du commissariat du 3ème. « A. Hanachi est placé en garde à vue à compter de 19h10 puis transféré, « vu l’heure tardive », à l’Hôtel de police. « Le procès-verbal d’interpellation a été remis à l’officier de police judiciaire (OPJ) de permanence. Il a été procédé à une identification dactylographique, qui permet de savoir si l’individu a été signalé au fichier automatisé des empreintes digitales. Selon ce rapport, le clandestin a été signalé pour des faits commis sous six identités différentes, avant le délit pour lequel il vient d’être interpellé :
– les 1er août 2005 (Fréjus), 6 décembre 2005 (Toulon), 22 décembre 2005 (Marseille), le 21 février 2006 (Toulon), 15 septembre 2006 (Menton), pour infractions à la police des étrangers ;
– le 16 décembre 2005 (Toulon), pour vol à l’étalage ;
– le 1er août 2005 (Fréjus), pour infraction à la législation sur les stupéfiants. »

Les policiers qui l’interpellent chez C&A ont entre leurs mains un clandestin multirécidiviste.

Samedi 30 septembre, en début de matinée
« Pendant la nuit du 29 au 30 septembre, A. Hanachi n’a pas été entendu. Un OPJ de l’hôtel de police procède à son audition, samedi en début de matinée. Celle-ci est interrompue car il demande la présence d’un avocat et elle n’a repris qu’à 11h33 pour se terminer à 11h41. Le fichier national des étrangers, accessible aux services de police, indique pour l’un de ses alias (Béchir Hannachi, né le 30 décembre 1987, à Oran), une mesure d’éloignement (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, pris par la préfecture de Toulon), notifiée le 7 décembre 2005 mais non exécutée en raison de l’absence de place en centre de rétention. »

Le futur assassin se promène donc entre la France et l’Italie depuis 12 ans en situation irrégulière.

« L’autorité administrative pouvait donc :
– prendre une mesure l’obligeant à quitter le territoire français (OQTF) sans délai puisqu’il ne disposait d’aucun titre lui permettant d’y demeurer et du fait que son comportement constituait une menace pour l’ordre public (article L. 511-1 du CESEDA) ;
– prendre un arrêté de placement en rétention pour une durée de quarante-huit heures, puisqu’il ne présentait pas de garanties de représentation effectives (article L. 551-1 du CESEDA). Toutefois, aucune mesure administrative en vue de son éloignement n’a été prise par la préfecture. »

Samedi 30 septembre – 9h10
L’agent de permanence chargé des mesures d’éloignement arrive à la préfecture. « Il est chargé de transmettre pour signature au membre du corps préfectoral les Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF), les arrêtés de placement en rétention ou de prolongation de rétention, ainsi que les arrêtés pour admission en soins psychiatriques de personnes détenues et hospitalisations d’office. » Il traite durant la matinée les cas d’un ressortissant géorgien et d’un algérien pour lesquels il demande un placement au Centre de Rétention Administrative (CRA) de Lyon Saint-Exupéry entre 10h30 et 11h00. Lors de l’appel concernant le clandestin algérien, l’agent du CRA lui aurait répondu : « Je n’ai pas de place et cela se bouscule au portillon. »


Samedi 30 septembre – 12h
Le fonctionnaire de la préfecture reçoit le dossier Hanachi à 11h59. Il commence à le traiter après sa pause déjeuner prise entre 13h10 à 14h00. Il reste donc environ cinq heures pour prendre une mesure, avant l’heure limite de fin de garde à vue. « L’agent de permanence a considéré que l’absence de place et la saturation du CRA ne permettraient pas de le placer en rétention avant la fin de sa permanence, à 16h00. » Avant de partir en week-end, il ne cherche pas à vérifier si des places se sont libérées dans l’après-midi. De son côté, l’agent du CRA ne le rappelle pas pour lui signaler qu’il peut l’accueillir. Nous verrons plus loin que c’est pourtant le cas.

« En outre, il n’a pas sollicité le sous-préfet de permanence pour lui faire signer une OQTF ni même l’informer de la situation d’Ahmed Hanachi ».

« Le sous-préfet de permanence lui avait indiqué, au cours de la matinée, qu’il quitterait son domicile à 14h30 pour représenter le préfet de région à une cérémonie de baptême d’une promotion militaire et ne serait de retour qu’à 18h00 ; l’agent a alors considéré que le sous-préfet serait « indisponible » et ne pourrait donc pas signer de mesure. »

Samedi 30 septembre – 13h30
« Dès 13h30, une place se libère au CRA de Lyon Saint Exupéry, et trois autres vers 16h00, qui auraient pu permettre le placement en rétention d’Ahmed Hanachi, sous réserve que le greffe du CRA ait été sollicité et ait accepté ce placement.
Le rapport de l’Inspection générale indique en outre que des places étaient disponibles à :
– Nîmes (250 km) : 3 places (toujours 3 places à 19h00)
– Marseille (315 km) : 8 places (toujours 8 places à 19h00)
– Sète (330 km) : 6 places (et 8 places à 19h00) »


Ahmed Hanachi pouvait être placé en centre de rétention dès le samedi après-midi avant la fin de sa garde à vue.

Samedi 30 septembre – 14h30
« Les Policiers de l’Air et des Frontières se rendent à l’Hôtel de police pour notifier une OQTF dans le cadre d’une autre affaire. Interrogés par l’agent chargé du volet judiciaire du dossier Hanachi, ils contactent l’agent de permanence de la préfecture qui leur déclare qu’aucune suite ne sera donnée « en raison d’une carence signataire, c’est-à-dire de l’absence d’une autorité en mesure de signer l’acte. »

Samedi 30 septembre – 14h50
Le Parquet a été prévenu par l’officier de police judiciaire. Considérant que l’infraction était insuffisamment caractérisée et qu’il s’agissait d’un simple vol à l’étalage de 39€, et bien qu’Hanachi soit un multirécidiviste en situation irrégulière, le magistrat de permanence décide la levée de la garde à vue. En effet, depuis la loi 20121560 du 31 décembre 2012, défendue par Manuel Valls sous l’ère Hollande « le séjour irrégulier n’est plus un délit » se défend-on chez les magistrats lyonnais. Qui nous précisent « qu’il est irrégulier le plan administratif mais plus sur le plan pénal. »


Samedi 30 septembre – 15h40
Ahmed Hanachi, libéré, quitte l’hôtel de police sans qu’aucune mesure administrative ni judiciaire ait été prise.
Il n’a pas été fait application de l’article L. 611-2 du CESEDA permettant à la police de retenir son passeport.

Dimanche 1er octobre – 13h32
Ahmed Hanachi débarque à la gare de Marseille Saint Charles. Il se dirige vers le parvis et s’assoit sur un banc.

Dimanche 1er octobre – 13h45
Il se lève et se dirige vers deux cousines (Mauranne Harel, 20 ans, et Laura Paumier, 21 ans) pour les assassiner à coup de couteau. La première est frappée au niveau des reins, tandis que la seconde est égorgée. Au cri de « Allah Akbar », il tente ensuite de s’en prendre à des militaires de l’opération sentinelle, alertés par les cris. Après une sommation verbale, l’un d’entre eux l’abat avec son arme en tirant sur lui à deux reprises.

Gérard Collomb se rend sur place en compagnie du maire de Marseille.

Mardi 3 octobre
La France pleure les deux victimes du terroriste islamiste. A Lyon, on entoure les parents de Laura. Originaire de Rillieux, la jeune fille était cheftaine aux Scouts et Guides de France et étudiante infirmière à l’école Rockefeller. Plusieurs centaines de personnes lui rendent hommage autour d’Alexandre Vincendet. « La ville de Rillieux a perdu une partie d’elle-même » déclare le maire de la ville.

Vendredi 6 octobre – 19h
Une veillée funèbre est organisée par les Scouts de France en l’église Saint Pierre Chanel de Rillieux.

Samedi 7 octobre – 11h15
Les obsèques de Laura sont célébrées dans la plus stricte intimité à l’église Saint Denis en présence du cardinal Barbarin. Aucun ministre ne fait le déplacement. Dans le ciel de Rillieux, depuis un avion de tourisme le skywriter lyonnais Walter Dintinger rend un ultime hommage à la jeune fille qui veille désormais sur sa famille depuis le balcon du ciel. La séquence est suivie par 235 513 personnes sur la page Facebook de Lyon People.


Dimanche 8 octobre
« Il y aura des sanctions » annonce Gérard Collomb, atterré par les multiples manquements pointés dans cette affaire. Sur BFM TV, il précise : « Je peux vous dire que ça va être pour moi une préoccupation essentielle que de regarder tous les dysfonctionnements et d’y mettre fin ».

Mardi 10 octobre
Le ministre de l’Intérieur dévoile les conclusions du rapport de l’Inspection générale de l’administration. Elles sont accablantes pour son administration.


Dans la foulée, le préfet Henri-Michel Comet et de manière surprenante le secrétaire général de la préfecture Xavier Ingelbert sont démis de leur fonction. Pourtant rien n’indique dans le rapport leur culpabilité.

« Henri-Michel Comet n’est pas coupable, il n’a rien volé, il n’a rien fait mais il assume » déclare l’ancien préfet Jean-François Carenco. Tous les observateurs s’accordent à reconnaitre qu’il s’agit donc d’un « coup politique » de Gérard Collomb pour frapper les esprits et l’opinion. « Dans deux semaines le grand public aura malheureusement déjà oublié cette affaire. En revanche, les 24 000 agents de la préfectorale n’oublieront pas l’injustice faite à deux de ses membres. Gérard Colomb a sanctionné deux des siens dans sa ville pour prouver qu’il n’y avait pas de favoritisme vis-à-vis de Lyon » assure un haut fonctionnaire. « Mais c’est du court terme ».

Trois questions demeurent :

Que reproche-ton précisément à Henri-Michel Comet ? D’avoir envoyé le sous-préfet en représentation et de l’avoir ainsi rendu indisponible pendant trois heures de permanence. Est-ce suffisant pour le placardiser ? « Le principe du fusible c’est de faire sauter celui qui est placé hiérarchiquement juste sous le responsable. Si HMC ne partait pas, c’est Gérard Collomb qui sautait… » rappelle un chroniqueur de la vie lyonnaise. CQFD

Pourquoi les deux fonctionnaires directement impliqués (l’agent de la préfecture et le responsable du centre de rétention) sont-ils maintenus dans leur fonction ? Pour ne pas fâcher les syndicats de la fonction publique ?

Pourquoi Xavier Inglebert est-il dans la charrette ? Son nom n’apparaît pas une seule fois dans le rapport et il est totalement étranger aux mauvaises décisions prises dans cette affaire. Pour comprendre, il faut donc remonter le temps collombiste. Selon toute vraisemblance, il paie l’addition d’un conflit ancien (décembre 2015) qui trainait dans la colonne « débit » du cerveau du ministre de l’intérieur. Gérard Collomb n’a jamais digéré l’installation de familles roms à Saint Genis les Ollières, décidée contre son gré par le préfet Michel Delpuech et mise en œuvre par Xavier Inglebert avec lequel il s’était sérieusement accroché. Le préfet délégué avait passé outre…

Mercredi 18 octobre – 15h20
Emmanuel Macron reçoit les hauts responsables de la police à l’Elysée. Les étrangers n’ayant «pas de titre» de séjour seront reconduits «de manière intraitable», annonce le chef de l’État.

Jeudi 19 octobre – 12h30
Clap de fin. Henri-Michel Comet, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfet du Rhône et Xavier Inglebert, préfet, secrétaire général, préfet délégué à l’égalité des chances organisent leur pot de départ dans les grands salons de la préfecture du Rhône. L’ultime occasion de compter leurs nombreux amis lors d’une cérémonie très émouvante. Reportage en ligne en cliquant ici.

 

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Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

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