|   Quand
                                  une étoile devient supernova  
                        
                                  
 
 
 De
                                  notre correspondant Mehdi  
                                  Jean-Christophe
                                  Ansanay-Alex, 36 ans, créateur culinaire
                                  et propriétaire de l'Auberge de l'Ile
                                  Barbe vient d'être récompensé par le
                                  Guide Rouge en obtenant une seconde étoile
                                  dans son restaurant. Trajectoire d'une étoile
                                  filante devenue supernova envers et contre son
                                  destin.
  
                                  
                                    Lyon
                                  redevient ville des lumières lorsque illuminée
                                  par le rayonnement de ces jeunes chefs, elle
                                  reprend sa place de capitale culinaire française.
                                  Jean-Christophe Ansannay-Alex, pour sa part
                                  n'est pas seulement un des acteurs de cette
                                  réussite collégiale. A travers un parcours jalonné d'épreuves, les deux étoiles
                                  de son restaurant sont autant une récompense de
                                  travail qu'une récompense de vie. Portrait
                                  de ce jeune homme austère doué d'un humour
                                  discret.
  
                                  
                                   1965,
                                  clinique Sainte-Marguerite dans le 6ème
                                  arrondissement de Lyon, la famille Ansanay
                                  voit arriver le tout petit Jean-Christophe.
                                  Avec un grand-père hôtelier savoyard et un père
                                  restaurateur à Lyon, tout le destine aux
                                  fourneaux. Pris dans l'ambiance des
                                  cuisines, le très jeune Jean-Christophe est vite assidu. Il ne perdra jamais
                                  l'amour du mets et le don de soit qui le
                                  consacrent aujourd'hui. « Ce métier
                                  est une profession de foi. On rentre en
                                  cuisine comme dans les ordres » nous confie-t-il.
                                  
                                    
                                  
                                    Alors
                                  que ces professeurs le destinent aux carrières
                                  littéraires, Jean-Christophe lui n'a
                                  qu'un mot à la bouche : cuisine. Il décroche
                                  son diplôme à l'école hôtelière de
                                  Thonon, et apprend de ces futurs pairs.
                                  D'abord au Casino de Divone puis chez Million
                                  à Albertville, et c'est lors de son passage
                                  chez Pierre Orsi (ci-dessus) que le
                                  papillon déploie ses ailes. « J'ai
                                  été beaucoup impressionné par Orsi. Pas
                                  seulement en cuisine mais aussi pour son
                                  management d'entreprise. J'aime les
                                  cuisiniers qui sont aussi autre chose que des
                                  cuisiniers ».
  
                                  
                                   Déterminé
                                  à devenir pâtissier, il intègre la  maison
                                   Lafay
                                  (chocolaterie Armand) mais il ne trouve pas
                                  l'instantanéité qui le fait vibrer car
                                  « chaque jour de la semaine se
                                  destinait à une activité routinière ».
                                  Le passage chez Christina Onassis
                                  durant une année le pousse à se dépasser,
                                  et Jean-Christophe trouve son élan créatif
                                  lorsqu'il rencontre en 1988 Didier Clément,
                                  chef du  Grand Hôtel du Lion d'Or en
                                  Sologne. La personnalité de la cuisine du
                                  restaurateur enthousiasme le futur étoilé :
                                  « Sa cuisine était très réfléchie.
                                  J'aime lorsque l'architecture culinaire
                                  rejoint la construction de l'assiette. »
                                  
                                    
                                  
                                    En
                                  1990, Jean-Christophe revient dans le
                                  restaurant de son père qui bat de l'aile.
                                  Acheté sur l'Ile Barbe en 1967, ce lieu
                                  empreint de magie ne trouve pas la clientèle
                                  escomptée. Coup du sort la même année un
                                  accident de la circulation stigmatise le jeune
                                  chef en emportant l'usage de son bras droit.
                                  Son entourage le pousse à renoncer :
                                  « Tous les médecins,
                                  psychologues et assistantes sociales m'ont
                                  dit que je devais arrêter ce métier ».
                                  Mais c'est sans compter avec la force de
                                  caractère du lyonnais.
  
                                  
                                   A
                                  l'image de son ami Ludovic Ray-Robert,
                                  champion olympique malgré son handicap
                                  « fatal », Jean-Christophe apprend
                                  à travailler de la main gauche dans le
                                  restaurant familial. L'Auberge
                                  traverse deux années difficiles en 91 et 92,
                                  et c'est pendant la guerre du golfe que
                                  Jean-Christophe change sa cuisine. 1993,
                                  revirement du destin à nouveau mais cette
                                  fois-ci dans le bon sens lorsque le guide Michelin
                                  accorde sa première étoile au cuisinier en
                                  exergue. La situation change alors et le
                                  restaurant redémarre sur une lancée qu'il
                                  ne perdra plus.
                                  
                                    
                                  
                                    En
                                  1996, Jean-Christophe rachète L'Auberge
                                  à ses parents
                                  et
                                  entame des travaux pour que la déco soit
                                  en adéquation avec sa cuisine. La carte
                                  connaît l'internationalité aussi bien dans
                                  les saveurs inspirées des cuisines asiatiques
                                  que dans le personnel. Un belge, une japonaise
                                  et un anglais aspirent à apprendre du chef. Chaque jour, un menu original adapté aux
                                  produits du marché fait la surprise des
                                  clients.
  
                                  
                                   En
                                  somme, cette histoire hors du commun a donné
                                  naissance à une cuisine créative qui laisse
                                  à l'image de l'architecture du lieu, un
                                  sentiment de renouveau des traditions du Grand
                                  Lyon. Pour preuve, il faut réserver deux
                                  semaines à l'avance pour pouvoir dîner dans
                                  le temple, et lorsqu'on demande au chef
                                  quelle clientèle fréquente son établissement
                                  il répond « un peu de tout, étranger,
                                  cadre, famille, vrai et faux couples :
                                  les faux couples étant ceux qui se parlent ! »
                                  s'amuse-t-il en tirant voluptueusement sur son
                                  cigare.
                                  Chef de cuisine Jean-Christophe Ansanay n'en
                                  est pas moins homme au service du bonheur des
                                  autres. 
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