Marie Rigaud

2 juin, 2007 | LES GENS | 0 commentaires

L'INTERIEUR D'UNE POUPEE

Par Nadine Fageol – Photos de Jean-Luc Mège

 

 

Sous ses airs de jeune fille en fleur, la chanteuse lyrique se révèle une ferrailleuse de première. Son printemps de Pérouges trimbale public et artistes en zone industrielle. Vibration.

 

« Oh Johnny, si tu savais, tout ce que Marie, nous fait »… Trêve de détournement de chansonnette, le patron, alias Marco, nous a dégoté une fille, oui une vraie, blonde qui plus est. Un régal. De la blonde qui non seulement inaugure la salle 3000 en chantant avec Al Jarreau mais est à l’origine du « Printemps de Pérouges », festival azimuté dont les invités doivent pousser le vibrato en milieu métalo-industriel. Cela dit, il faut bien des doux dingues tels que Charlebois ou Marianne James pour aller tonner le « la » dans un stock de bétonnières, sortes de machines à laver où du mélange de l’eau et de la poudre sort du ciment. Mais comme Marie est fille primesautière, les bétonnières sont multicolores parce que destinées aux particuliers. En enquêtant un p’tit peu, et quoique qu’elle en dise, on découvre qu’elle dispose d’un formidable capital sympathie. Mais c’est vrai que l’on a peut-être finalement interrogé des gentils, des qui n’ont pas la cervelle trépanée de jalousie. Parce qu’il ne semble pas normal du tout qu’une petite blonde à très jolies jambes puisse chanter avec du people song et en plus organiser le concert. Certains s’en étouffent à ce qu’il paraît surtout certains « cultureux » adeptes de la fiche de paye avec reuteuteu, mutuelle intégrée et boulot à notoriété ajoutée. Dans la gamme des oiseaux de bon augure, Marie est un colibri, plus petit oiseau du monde, qui a posé son nid vers Ecully, un immeuble sur jardins, de curé à ouvrier, dont la rénovation a le bon goût de nous propulser quelque part en Italie napolitaine. Coquet, l’appartement joliment rénové est une probable antichambre de Pierre & Gilles, en effet les photographes illuminés disposent ici du parfait attirail pour tirer leurs portraits foldingues.

Ambiance kitch almodovarien où le design tutoie les carreaux ciment, où les bibliothèques ruissellent d’improbables gâteaux en plastique, photos, figurines. Hilarants les Bambi, Blanche Neige et autres nains dont certains ressemblent étrangement à deux élus lyonnais. Et puis, il y a des bougies chics, des fleurs choc, en pot, en sceau, en vase, en guirlande, en bustier celui qu’elle va arborer pour la promo de la 11e édition du Printemps de Pérouges. Probable réincarnation d’un jardinier, la petite raffole des coquelicots, ceux qui envahissaient voici encore quelques années les champs autour de ces usines dans l’Ain où la friponne glisse de la musique dedans. Son bureau, on dira un portable truffé de vidéos des concerts bétonnières posé à même le micro bar entre cuisine et séjour. À deux pas, une verrière embaumant le jasmin flanqué d’un énorme fauteuil rouge cerné de verdure. Marie respire, gazouille, papote, chante, aime (il y a une paire de chaussures masculine au pied du lit), se fait belle en rose et bosse à plein temps dans une cage colorée, décalée à souhait. Pour avoir posé dans un mag lyonnais dans le cadre d’une enquête sur le nu et participé au massif déshabillage urbain de l’artiste Spencer Tunic, on lui prête un penchant, aussi facile que rapide, pour l’exhibitionnisme. Et quand bien même, finalement, Marie Rigaud n’est jamais qu’une artiste, chanteuse lyrique de son état. Avec son grand ami Stéphane Cayrol, ils ont longtemps formé un couple d’inséparables. Un jour de balade, Marie tombe en amour pour l’église-forteresse  de Pérouges et cherche donc à se procurer le calendrier de concerts histoire d’en faire la promo sur Classic FM où travaille le tandem. Hélas, l’église ne chante que la messe, Marie et Stéphane s’engouffrent dans la faille, montent une association, l’un rédige les projets, l’autre cherche des fonds et réunissent 65 000 F pour les quatre concerts de la première édition en 1996. Aujourd’hui maintenant mordicus cette volonté de programmation en lieux inattendus, le festival avoisine les 380K€ de budget. Stéphane envolé sur TLM, Marie opère seule comme « une guerrière » suspendue aux courbes de la billetterie, sans cesse négocier, gérer de l’humain… « Etre ambitieux sans moyens implique de se débrouiller, de justifier les partenariats ».

La passion selon Marie, avancer toujours et encore, sans cesse remettre le métier à l’ouvrage. L’artiste se révèle en négociatrice éclairée, court Londres, Paris, New-York, pister des proies de choix, pas peu fière d’avoir embarqué Nathalie Dessay dans l’aventure. D’une réponse infructueuse à l’appel d’offre pour l’animation de la Sucrière, elle gagne un allié de choix en rencontrant son rival Olivier Ginon, big boss de GL Events sur les conseils avisés de Georges Verney-Carron. Maligne petite Marie qui sait désormais pouvoir joindre Ginon entre 7h et 7h30 sur son portable et le boss de railler, « alors Marie, vous êtes tombée du lit »… Et oui, elle ne manque pas d’air, c’est qu’elle a du sang auvergnat, fauchée mais débrouillarde avec du peps et ce je ne sais quoi d’autodérision qui en rajoute à son charme, ce qui ne l’empêche pas de fulminer contre « cette agressivité commerciale complètement délirante ». Aussi, elle remercie à tout va n’ayant pas de mots assez forts pour ces patrons trop heureux de voir leurs locaux élus, ses fidèles et généreux partenaires, ce Jean-Marc Lemaître gourmand de choses décalées chez Decaux, Color 01 à l’impression des affiches, ATC Caractères au marquage publicitaire de sa voiture couverte de coquelicots… Et tous ceux contribuant à alimenter son univers de fleurs, d’éventails, de robe d’hôtesse en bâches publicitaires recyclées. Dans sa maison de poupée de son, le rêve devient souvent réalité au gré des confrontations entre l’artiste et la négociatrice. Dans sa jungle de babioles, tout est possible, les plantes fleurissant en toutes saisons, son printemps ira monter en graine à l’Alliance Française de New-York à l’automne avec Marianne James et Nathalie Dessay à l’affiche. De temps en temps, Marie tombe dans les bras de son amoureux belge ; un père certifié meilleur ami, une mère meilleure ennemie, elle ne manquerait pour rien au monde une réunion familiale. Ainsi va la vie très arty show de Marie qui caresse le doux secret d’afficher Johnny dans les bétonnières, une tréfilerie, quoique la gare de Saint-Exupéry pourrait tout aussi bien satisfaire le bonhomme.

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