Jean-Claude Camus : « La mort de Johnny, c’est comme si toute ma vie s’en allait ! »

24 avril, 2019 | LES GENS | 0 commentaires

Propos Recueillis par Morgan Couturier et Laura Noailly

Producteur historique de Johnny Hallyday, Jean-Claude Camus, sera l’invité d’honneur à de la prochaine édition du Printemps de Pérouges. Pour l’occasion, il a accepté de revenir  sur sa carrière atypique et sa relation privilégiée avec le « grand blond », idole de Marie Rigaud.

Vous semblez être en pleine forme ? Quel est votre élixir de jeunesse, vous qui avez maintenant 80 ans ?
80 ans, oui, je les ai. Mon élixir de jeunesse, je ne sais pas.

C’est la musique ?
Ce sont des pièces détachées. Il faut quand même un peu souffrir, mais bon, j’aime la vie, sortir. Je crois que l’activité est essentielle. Ne jamais se couper de la vie. Je vais tous les soirs au théâtre, en concert. La vie continue.

Justement, quel regard portez-vous sur votre carrière qui est déjà bien remplie ?
Quand vous êtes dans votre boulot, tout ce que vous faites, c’est normal. J’ai fait ma carrière et tout me paraissait normal. Quand on a commencé à écrire le livre (Pas né pour ça, ndlr), je ressortais des souvenirs de 75 heures d’enregistrement, c’était énorme ! Il n’en revenait pas le type avec qui je faisais ça. Quand la promotion du livre a commencé, je me suis retrouvé avec des images d’il y a 50 ans. D’un seul coup, je réalise et je me dis : « Putain, t’as fait ça ! ». Eh oui, je l’ai fait ! Ce livre m’aura permis de déguster et d’apprécier mon parcours, qui est quand même unique maintenant que je réalise.

Comme vous le dites dans votre livre, vous n’étiez pas né pour ça, mais il a bien fallu s’en accommoder ?
Non, je n’étais pas né pour ça. En plus, ça s’est fait d’une façon très bizarre, c’est-à-dire que je ne me suis jamais levé le matin en me rasant et en me disant, je veux devenir producteur. Je ne sais même pas comment je suis devenu producteur. Comme vous avez pu le voir dans le livre, j’ai commencé à ouvrir un bureau de spectacles et ensuite des bals, des tous petits bals. Puis des bals plus importants avec des vedettes, comme André Verchuren, Marcel Azzola, avant de basculer dans la grande mode des vedettes de minuit du style Mike Brant, Gérard Lenorman.

Puis vint Johnny…

J’ai vu le grand blond, pour qui j’avais toujours eu beaucoup admiration et je me suis dit : « Pourquoi moi, je n’organiserais pas un spectacle ? » J’ai donc acheté le spectacle de Johnny à Rouen sous un chapiteau. Le spectacle a marché, alors j’en ai acheté un deuxième, un troisième, puis sur deux ans, j’ai dû en faire 30 ou 40 de lui, de Michel Sardou et de bien d’autres.

Mais au départ vous vous endettez pour produire Johnny ? À court terme, c’était une grosse prise de risque ?
Je n’avais pas un sou. J’ai eu la chance à une période où ça n’allait pas bien, de pouvoir avoir des découverts pharamineux, ce qu’on ne pourrait plus se faire aujourd’hui. Le président de la banque la BINP, à l’époque, était l’ami intime de mon avocat et donc il l’appelait en disant : « Attendez Camus, il est à tant en dessous, ce n’est pas possible ! ». Et il lui répondait « Ne vous inquiétez pas, il ne vous plantera jamais ».

Endetté, Camus trouve son salut auprès de Jacques Chirac

 Pouvez-vous chiffrer vos dettes ?

Je suis parti dans des chiffres qu’on ne peut pas dire. Par exemple, pour Madonna, je n’avais rien. J’étais à 6 millions de francs de découvert à la banque. Et pour mettre le premier billet en vente de Madonna, il fallait envoyer au moins 1 million voire 2 millions. Il fallait que la banque accepte d’augmenter le découvert et tout ça pour un spectacle interdit par le maire de Sceaux. C’est Jacques Chirac à l’époque, Premier ministre et maire de Paris qui a pris les choses en main. Et on la fait. Mais ce sont des choses qui ne pourraient plus arriver de nos jours, ça n’existe plus.

Il y a une part de chance ou est-ce que vous avez bousculé le destin ?
Il y a des gens qui ont, sans doute, travaillé autant que moi, voire plus. Mais il n’y a pas que le travail. Je pense qu’il y a de la chance aussi. Pour moi la chance, c’est comme un TGV. La chance, elle passe, elle s’arrête trois minutes et si vous ne sautez pas dedans, c’est foutu.

Ce train, vous ne l’avez pas manqué…

Moi, j’ai toujours saisi les opportunités, c’est comme ça aussi que j’ai connu des réussites exceptionnelles dans mes fonctions de président au syndicat des producteurs pendant plus de 10 ans et quatre ans au fond de soutien.

Quelles ont été ces réussites ?

La politique, les instances, les syndicats se sont battus pendant des années à l’époque pour que la TVA qui était à 7 % baisse à 2,10 et personne n’y arrivait. Un jour, Monique Le Marcis, qui était la grande prêtresse de RTL, m’appelle. J’étais en voiture, je partais rejoindre Johnny qui allait chanter le soir à Bruxelles. Elle me dit : « Jean-Claude, il y a Édouard Balladur (Ministre des Finances à l’époque, ndlr) qui fait l’émission du samedi midi, il est fan de Johnny. Il voudrait l’avoir dans l’émission par téléphone ».

Comment avez-vous réagi ?

J’ai failli avoir un accident quand elle m’a dit ça, mais en fait, il s’est révélé qu’il était bien fan. Il allait à tous les concerts avec sa famille. Je lui dis : « Écoutez Monique il chante ce soir, demain il va sûrement dormir ». Puis en roulant, je me suis dit qu’il fallait que je rappelle Monique. Puis j’ai demandé le directeur de cabinet et je lui ai dit : « écoutez, vous avez demandé Johnny, je ne vous promets rien. Je vais voir avec lui, mais s’il le fait, je ne voudrais pas que le ministre soit étonné de la question qu’il lui posera : « Pourquoi quand Madonna vient chanter à Paris elle paie 2,10 de TVA, et pourquoi moi quand je chante à Paris, je paye 7% ? ».

Et lui, quelle fut sa réaction ?

J’arrive à Bruxelles, je trouve le grand blond et je lui dis « tiens, Johnny, un matin faudra que je te réveille ! ». Il m’a répondu « Tu me fais chier, c’est ton problème ». Je lui ai répondu que c’était aussi dans son intérêt. Je l’enfumais comme je pouvais. Je lui ai donc écrit la question, en lui disant qu’il n’avait juste à la poser à Balladur. Il a fait l’émission et Balladur a répondu tout de suite « mais oui bien-sûr, on est en train d’y réfléchir ». Quarante-huit heures après, j’avais un appel du ministère, qui baissait la TVA à 2,10 (rires).

En parlant d’opportunités, quel a été l’élément déclencheur qui a vous a fait travailler exclusivement avec Johnny ?
Avec Johnny, ça s’est construit sur le temps, c’est-à-dire que pendant deux ans, j’ai dû acheter 30 ou 40 spectacles. Auparavant, c’était le comité des fêtes, l’association de tel club de football qui organisaient. Il n’y avait pas de producteurs, le métier n’existait pas. Alors ils appelaient l’imprésario en demandant Johnny Hallyday et à tel prix. L’artiste arrivait, c’était organisé par des bénévoles. Il y avait beaucoup de monde à l’arrivée de l’artiste mais une fois que le spectacle commençait, il n’y avait plus personne. Il n’y avait plus de sécurité, plus rien.

« Travailler avec Johnny, j’en rêvais depuis 10 ans ! »

C’est ce que vous vouliez changer ?

Moi quand j’arrivais, c’était parfaitement organisé ! Quand Johnny ou Sardou, par arrivaient à six heures du soir, ils demandaient à leur équipe comment ça se passait. Et eux leur répondait, « on est en vacances, c’est Camus ! ». Ce discours s’est répété au fil du temps jusqu’à ce soir où Johnny m’a coincé lors d’un concert de Supertramp pour me demander si j’acceptais de m’occuper de lui.

La décision n’a pas dû être compliquée à prendre ?  

J’en rêvais depuis 10 ans. Jamais je n’aurais pensé qu’une chose pareille pouvait arriver. Je ne me suis pas fait prier (rires).

Et cette relation a tenu jusqu’en 2010 ?
Oui ! 35 ans en sa compagnie.

Quels sont les meilleurs souvenirs avec lui ?
Le premier Stade de France, la Tour Eiffel. C’était tellement d’émotions. On a tellement fait de grandes choses ensemble que c’est compliqué de ressortir souvenir en particulier.

Vous preniez autant de plaisir que lui ? 

Moi, je prenais autant de plaisir que lui ! Je suis producteur, je faisais partie de la mise en scène. Toute la traversée du Parc des Princes, même si deux ou trois ans après il est revenu en arrière en disant que c’était lui, c’était mon idée. Il l’a reconnu devant Jack Lang quand il sortait de scène. Lang lui avait demandé « qui est ce con qui t’a fait faire ça ? ». Et lui a répondu : « celui-là ». Dans la mise en scène, combien de fois, je me suis retrouvé en larmes à la fin, au moment du baisser de rideaux. J’ai toujours fait ça avec passion, avec l’envie de faire quelque chose de beau. Pour moi, si ça me plaisait, c’est que ça allait plaire au grand public.

« Laeticia nous a reconciliés. Quand on s’est retrouvé dans la loge,
on aurait dit deux gamins »

Et quand tout s’arrête en 2010, comment comblez-vous le vide ?
Il n’y a pas eu de vide. Il y a eu un choc évidemment, mais c’est très curieux comme histoire. Tout le monde sait maintenant qu’il est parti à la concurrence pour 12 millions d’euros. D’ailleurs dans le livre qu’il avait écrit à l’époque, j’étais étonné qu’il dise du bien de moi, que j’étais un grand producteur, que j’aimais les artistes, mais qu’il était obligé de se séparer de moi parce j’étais devenu tellement jaloux que j’empêchais sa femme et son fils d’entrer dans sa loge. Ça a fait sourire tout le monde. Puis nous nous sommes retrouvés à Bruxelles. Il était trop orgueilleux pour faire le premier pas alors c’est Laeticia qui nous a réconciliés. Mais vous nous auriez vu dans la loge quand on s’est retrouvé, on aurait dit deux gamins.

Comment avez-vous vécu la nouvelle de sa mort ?
C’est comme si d’un seul coup, toute votre vie s’en allait. 35 ans, ça compte dans une vie. Ce fut un grand choc. J’étais dans le cortège familial, on est arrivé rue Royale et on a dû finir à pied jusqu’à la Madeleine. En sortant de la voiture dans laquelle on m’avait mis, la foule s’est mise à crier : « Jean-Claude, merci pour tout ce que tu as fait pour Johnny ». Heureusement, j’avais Anne Marcassus à côté de moi. Elle m’a rattrapé parce que je crois que j’étais en train de partir. Déjà que je n’étais pas bien, vous vous rendez compte du choc que ça peut faire quand on entend ça. Ça a été une période très douloureuse.

Qu’avez-vous pensé de son album posthume, vous dites que vous avez été bouleversé ?
Son album, je le connaissais. Je l’avais entendu, mais il n’était pas fini à l’époque. Je l’avais entendu le 29 octobre. J’avais été invité à déjeuner à Marnes-la-Coquette ils m’avaient fait un anniversaire surprise (Camus est né le 28 octobre, ndlr). On a passé l’après-midi ensemble et il m’a fait écouter les chansons de cet album. Il est formidable ! J’y trouve beaucoup de messages, c’est bizarre !

Des messages personnels ?
Oui. Pour quelqu’un dont on qu’il ne se voyait pas partir, il était tellement conscient de tout. « J’irai parler au diable », « Pardonne-moi » à destination de Laeticia. Pour moi, il y a plein de messages dans son album.

Vous avez dû tourner la page. Pourquoi vous être orienté dans la comédie musicale ?
Quand il m’a quitté, j’étais encore dans l’histoire. J’ai vendu ma société mais il me restait le théâtre et la comédie musicale. J’avais fait La valise en carton, Alibaba. Et puis les dernières qu’on a faites, c’est CléopâtreDirty Dancing et Bodyguard.

« Mon livre, c’est une blessure d’amour »

Vous allez brièvement revenir à la musique pour le Printemps de Pérouges où vous allez tenir une conférence ?
Oui, le 16 mai ! J’ai fait le tour de la France avec mon livre, plus que le Tour de France d’ailleurs (rires). J’adore ça les entretiens avec les questions-réponses, parce que là, au moins, vous répondez à ce que les gens veulent savoir. Ce qui a fait le succès du livre, c’est que les gens avaient envie de savoir ce qu’il se passait derrière. Certains ont dit que c’était un règlement de compte. Mais non ! C’est une blessure d’amour. Quand un artiste me quitte, je ne suis pas bien.

Ça sera un dialogue avec vos lecteurs ?
Oui, ça va être surtout sur mon livre, je pense. Ça nous rattache aux Vieilles Canailles qui étaient venues ici en 2017, pour leur avant-dernier concert.

Est-ce que vous êtes toujours en contact avec les autres artistes phares de votre giron, comme Michel Sardou ?
Oui bien sûr ! J’en ai un que j’adore avec qui je suis très proche, c’est Christophe Maé. C’est mon bébé celui-là. Je l’adore, c’est un très bel artiste. Puis Yannick Noah, mon gendre, qui part préparer un nouvel album.

A quelle échéance ?
Il est sur son bateau avec ma fille et mon petit-fils. Je crois qu’ils rentrent en avril et il va en studio dans la foulée. Donc je pense qu’il y aura un single avant l’été et l’album en septembre.

 

 

 

 

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/morgan" target="_self">Morgan Couturier</a>

Morgan Couturier

Le journaliste de Lyon People, c’est bien lui ! En quête de scoops, toute info est la bienvenue !

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