La Bouitte. Là-haut, ailleurs c’est Meilleur !

18 janvier, 2018 | GASTRONOMIE | 0 commentaires

Par Nadine Fageol

René et Maxime Meilleur décrochent trois étoiles en 2015 dans un tandem père et fils à quatre mains. Unique. Encore surpris d’avoir atteint le firmament, ils revendiquent ode au territoire savoyard. Culinairement autodidactes, ils ont encore fait évoluer La Bouitte en la construisant de leurs propres mains durant les vacances. Chefs d’œuvre.

Quel chef valoriser dans ce dossier alpin ? Et l’évidence est apparue, il était temps de prendre de la hauteur pour se détacher de ces chefs mercenaires à la solde d’un groupe, et aller à la rencontre des gens de la Bouitte, pour « petite maison » en patois. Des gens trop méconnus des Lyonnais. Un père et son fils adoubés trois étoiles dans une trame à la rigueur toute dissimulée dans les effluves des plantes alpines. Lyon People a pris train et autocar pour découvrir la fabuleuse histoire au sommet honnêtement familiale. De celle qui n’existe plus ou que l’on recherche à l’heure de la globalisation. Forgée au temps passé, musclée au temps présent l’aventure Meilleur irrésistiblement puissante sans coup férir. Dans le village familial, dans l’une de ces trois vallées, celle des Belleville à la belle église baroque rénovée, que Maxime prendra soin de nous faire découvrir ; nous voilà à Saint Martin face à la ravine habitée d’une meute de loups qui fait jaser. Tellement proches de ces sommets violemment découpés aux ciseaux que la proximité donne envie de toucher du bout des doigts avec la gourmandise promesse d’apercevoir louveteaux. Hors, il y aurait deux meutes dans les environs, comme deux chefs à la Bouitte ! Faudrait-il pour autant se débarrasser de l’un pour l’autre ? Sur la piste.

Vétéran
René, 67 ans, à l’iris bleu renversant, qui pousse l’obligeance jusqu’à se changer à mon arrivée ! À la retraite, moins que plus. Trop entiché de toute sa vie ; toujours à l’affut de céramiques et de buffets dûment savoyards, ou de murs en pierres sèches à remonter quand il n’est pas en cuisine ! Ce fils de menuisier s’échappe au moment où les Alpes émergent pour fondre en touristique économie. René file gagner quelques sous en tant que plongeur l’hiver aux Ménuires, l’été à Praz-sur-Arly où il rencontre Marie-Louise. Et avance sans se poser question ; un chef en rade, il est là en remplacement pour se retrouver en poste à l’étranger. Jusqu’au moment où le tarabuste l’ide d’une petite affaire, sienne. Dans son village, il échange avec son frère un petit champ de patates contre services monnayés à bras le corps. Une maison à deux pans ainsi nait la Bouitte, cantine sans prétention en vue d’alimenter généreusement ces skieurs qui déboulent en hors piste du pré de la « montagnette » (petite maison dans la montagne) juste devant. Progressivement face à clientèle de plus en plus chic, ben, René faut qu’il en rajoute dans le, un peu plus mieux bien. Alors il segmente, une salle pour les amateurs de ces fondues tout de même fort odorantes et une autre où il administre recettes plus élaborées. Et, voilà René recevant Chirac et à trimbaler…

Giscard dans son Ami 6
Quant en 1981, de retour de chez grand-mère de Saint Chamond, tombe à la table de Paul Bocuse, l’évidence. « C’était incroyable, exactement tout ce que je rêvais de faire ». Charivari à la Bouitte, René gigote sévèrement en cuisine, fait glouglouter poêlon et tintinnabuler cuillère, le poisson quitte les eaux du lac… Dans son aspect abyssale, la révélation bocusienne se révèle bienfaitrice qui motive l‘envie si puissante de créer une cuisine des montagnes à la manière de Monsieur Paul. Pensez donc, « J’ai ouvert les livres, bien sûr que je ne savais pas faire. Il n’y avait jamais eu de tables gastronomiques chez nous ».

Hors-piste
Depuis ses neuf ans, fiston Maxime aux yeux bleus « pèr-turbateurs » dévale la montagne à tire-larigot. Yououou qu’il glisse l’hiver sur des skis…à roulettes l’été. Sa silhouette sèche atteint les sommets, fondeur en équipe de France de biathlon même. Toujours devant lui un certain, Raphaël Poirée. Ras le bol, le gamin lucide quant à ses limites rentre. En cuisine naturellement, tout autodidacte que et auprès de son père. Il a 20 ans. L’histoire de la formidable osmose quasi symbiotique entre père et fils salué par le Michelin, est fort probablement suractivée par un grain du moulin de la vie, disons plutôt un zest de gingembre. En tout cas, une indéfectible pointe de soudure qui va lier tout ce petit monde. Maxime rencontre Delphine, fille de clients de Mayenne devenus voisins du chalet d’à côté, serveuse pour l’été à la Bouitte. L’imperturbable amour de jeunesse, pousse le père à accompagner fils dans un aller-retour de 1 640 km afin de récupérer la p’tite ; c’est que l’un sans l’autre « se meurt ». Ils lui trouvent une chambre et l’inscrivent au lycée de Moutiers. Aussi fine qu’une graminée pétrie de soleil « ma Puce » gère aujourd’hui la comptabilité et est la dernière à quitter la Bouitte à minuit passé, dixit son beau-père trop heureux de voir la nichée courir dans ses pas.

Meute
Prenez des gens heureux profondément attachés à leur territoire, laisser maturer quelques hivers sous les flocons ; Oscar, premier louveteau arrive en 2002. Un an plus tard une première étoile éclaire la Bouitte. Des radis en octobre, Oscar Meilleur, quinze ans aujourd’hui peaufine potager bio dans le minuscule jardin familial et démarre école de cuisine. Dans la compotée voilà que Calixte s’annonce en 2008, pic avec la seconde étoile. Ils apprendront plus tard que le directeur anglais du guide gonflé a goûté de leur fameux poisson, un omble chevalier pour le fils, un sandre à la gentiane à peau brûlée pour le père. En fait, une chose est certaine, ils ne l’ont jamais repéré. Rires. Louveteau Calixte, neuf ans aujourd’hui aime à veiller sur ses plateaux et d’envoyer à la Bouitte ses mises en bouche avec déjà ce sérieux qui amuse ses paires.

Artistes
Par temps forts entendre effort constant, dans la veine du cheminement familial coule la fusion entre René et Maxime Meilleur. « Mon père m’a appris la rigueur », de celle qui le pousse durant les années de compétition à s’entrainer sans relâche. Aux fourneaux va s’amorcer une démarche plus expérimentale qui tâte du robot, de la texture moderniste et tutti quanti, pour s’affirmer de plus en plus intuitive. Les Meilleur s’apaisent et nourrissent leur univers d’instinctifs fondamentaux. Et, de faire parler le terroir en cuissons courtes, nettes. Oust les robots, place à la taille à l’Opinel. Chercher aussi le saint graal du fromage frais. Inciter le fermier à produire miel. Grand-mère cuisinait déjà les plantes, ils sillonnent la montagne cette fois en se penchant pour extraire, de la délicate chénopode, de l’hysope à la piquante ortie, des herbes sources de sirops, d’infusions aux parfums magiques. Pendant ce temps voilà que les skieurs de Courchevel aimeraient maintenant pouvoir dormir après banquet de midi. A chaque fermeture automnale, de mains fermes les Meilleur chamboulent la Bouitte pour la recomposer, rassembler en chambre de luxe celles où père et fils était l’un sur l’autre auparavant. Comme en cuisine, ils travaillent à faire du neuf dans le vieux, repenser les sublimes boiseries en tête de lit, instaurer dressing dans les armoires d’antan, trouver peintre à même de réitérer les peintures baroques de l’église, glisser lavabo de pierre noire dans les sublimes salles de bain…

SPAordinaire du tout
Il faut descendre dans le chalet pour comprendre qu’ici rien ne tutoie décidemment l’ordinaire du luxe. Le spa s’impose en magique consommé rigoureusement anti dépressif, qui nous interpelle sur les nuits de pleines lunes des gens de la Bouitte passées à inventer devant force génépi : la grotte des marmottes où se faire emballer d’argile. Et puis là, un lit d’antan fermé, tout en bois et rideaux, dedans, un sommier perforé, dessus un matelas de foin, la plus bucolique chic des respirations est née. Un bain de roses que néni, en revanche vous prendrez bien un bain de lait et de miel, à ce niveau on parle de litres et de kg et fruits des bois pour le bain des enfants. Jusqu’aux « bouitistes », les Meilleur ont créé avec une ar’tisane nez du cru leur propre gamme de produits aux plantes, du parfum au gel douche en passant par la crème de soin à l’acide hyaluronique dosée à 14 %. « Si je mets ça dans mes brioches, elles sortent du four ». Comment, mais comment ne pas les aimer ?

 

<a href="https://www.lyonpeople.com/author/marco" target="_self">Marco Polisson</a>

Marco Polisson

Rédacteur en chef
Co-fondateur du magazine.
En charge de la rédaction et responsable des partenariats.
Délégué à la protection des données RGPD

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