Photos © Saby Maviel
Propos recueillis par Caroline Auclair
Le patron France de la multinationale qui emploie 5000 salariés dans l'Hexagone nous ouvre les portes de son bureau situé au dernier étage de l'immeuble TNT de Gerland. Doté d'une vue imprenable sur le confluent et Fourvière, son QG allie sobriété et haute technologie. On s'y sent vite à l'aise. Visite.
Est-ce vous qui avez aménagé ce bureau si impressionnant ?
Oui, j'ai participé en grande partie. Nous avons racheté ce bâtiment à la Cour des Comptes qui l'avait elle-même acheté à l'Institut Mérieux. Mon bureau est en fait une ancienne salle de réunion. C'est Archigroup qui nous a accompagnés dans son aménagement en 2005. J'ai pour ma part choisi le mobilier.
Quels sont les objets que vous aimez ou auxquels vous tenez particulièrement ?
Ce sont les photos de voile car je trouve beaucoup de similitudes entre la gestion de l'entreprise et la façon de skipper un bateau. Le poste de skipper est celui qui, pour moi, ressemble le plus à celui de chef d'entreprise. Tandis que le chef d'orchestre joue une partition figée et l'architecte travaille par rapport à l'orientation du soleil, le skipper doit contrôler des éléments imprévisibles comme la météo. Il doit faire preuve d'une immense réactivité. Je m'en inspire au quotidien et ce même si je ne suis pas un excellent marin.
Lorsque vous êtes entré chez Jet services, aviez déjà pour rêve d'occuper un jour ce bureau ?
Jamais. Je vous assure que je n'ai jamais pensé un jour occuper ce poste. Vous savez, je suis entré chez Jet Services, – société rachetée par TNT – comme commercial. C'était il y a 23 ans. Je suis devenu directeur des ventes puis directeur commercial parce que, dans ma carrière, les opportunités se sont présentées. J'ai eu la chance que l'horizon s'ouvre naturellement.
Roger Caille, patron fondateur de Jet services, était très proche de vous. Pensez-vous qu'il vous considérait comme son successeur ?
Nous partagions une très forte amitié et un grand respect mutuel. Lorsque j'ai été nommé président, Roger Caille était encore dans l'entreprise (il l'avait vendue mais gardait des fonctions au sein du comité de direction, NDLR). Il était fier que j'aie pris ce poste. C'était son côté paternaliste.
Comment était Roger Caille dans le travail ? Avez-vous subi ses colères ?
Il était surtout très exigeant. Ce n'était pas un homme qui faisait des compliments. Il fallait décrypter. Ainsi lorsqu'il disait « ce n'est pas trop mal », c'était en fait pour manifester sa satisfaction. Comme tout perfectionniste, il avait le souci du détail. Quant à ses colères, elles sont loin d'être une légende. Ça m'est même arrivé d'avoir envie de partir. Ce n'était pas toujours facile de travailler avec lui. Mais je ne suis pas non plus réputé comme un patron facile (rires).
Aujourd'hui vous êtes patron France d'une multinationale, ça ne doit pas être aisé tous les jours ?
C'est vrai mais je n'ai pas à me plaindre. Mon métier prend plus de temps que d'autres. Lorsqu'on est engagé dans une entreprise, on ne compte pas ses heures. C'est difficile de coupler la vie familiale et la vie professionnelle. Je vis au rythme de l'entreprise car elle est un peu aussi mon bébé. Depuis 20 ans, elle a changé. En plus, je sais que je suis atypique car j'ai fait des études courtes. J'ai conscience d'être un fabuleux espoir pour tous ceux qui ont fait peu d'études. J'ai tout appris au sein de l'entreprise en me comportant comme une éponge. C'est une partie du secret de mon ascension rapide, (il a 45 ans, NDLR). Tout ça est arrivé grâce aux résultats.
Comment faites-vous face à la crise qui touche votre secteur d'activité en particulier ?
Dans cette crise, le plus important c'est que le skipper reste à bord avec un équipage compétent. Il faut être conscient de la météo, de la conjoncture économique, et anticiper les choses. Aujourd'hui, nous ne changeons pas de cap. L'équipage sait qu'on se prend du grain. Mon équipe est formidable et fortement engagée dans l'entreprise. Je le ressens sur le terrain. Malgré les méfaits de la crise, qui affecte notamment nos clients, nous avons de bons résultats. Nous performons mieux que le marché et tous les clignotants sont au vert. La crise crée même des opportunités. En tant que skipper, j'ai pour objectif de sortir en tête de la tempête.
Est-ce vrai que vous avez été champion de France de Jet ski ?
Oui c'est vrai. Je l'ai été même deux fois. En 1987 et 1988.
Est-ce que la pratique de la compétition à un haut niveau vous sert dans le management de l'entreprise ?
Oui car elle forme à la volonté d'être en tête. J'ai appris aussi la préparation, la concentration et surtout l'esprit d'équipe. On ne réussit jamais seul.
Quel grand patron admirez-vous particulièrement ? Quels sont les chefs d'entreprise lyonnais dont vous êtes proche ?
J'ai beaucoup d'admiration pour Bill Gates. Pour deux raisons : la réussite de son groupe mais aussi parce qu'il a décidé de renoncer au deux tiers de sa fortune pour se consacrer à fond à des œuvres humanitaires via sa fondation. Quant aux patrons lyonnais que j'apprécie particulièrement, ce sont Philippe Marcel, ancien président d'Adecco, Pascal Housset de Bayer CropScience, Jean-Paul Chifflet du Crédit Agricole, Philippe Grillot, président du syndicat TLF et Jean-Claude Lavorel de LVL Medical…
Vous êtes depuis 4 ans patron France, visez-vous la présidence européenne ?
Non, pas du tout. Et même en me rasant (rires). Je n'ai pas cette ambition. Je ne me suis même jamais posé la question. Les choses se présenteront naturellement.
On ne vous voit jamais dans les cocktails mondains ? C'est parce que vous n'aimez pas les mondanités ou est-ce un parti pris ?
C'est plus une question de gestion du temps. J'ai des priorités au sein de l'entreprise. De plus, je ne suis à Lyon que deux à trois jours par semaine. Le reste du temps je suis essentiellement à Paris. Et puis je consacre aussi du temps à ma famille.
Quelles sont vos occupations favorites lorsque vous ne travaillez pas ? Faites-vous encore du Jet ski ?
J'aime être en famille avec ma femme et mes trois enfants. Nous pratiquons ensemble des sports saisonniers comme le ski l'hiver et des sports nautiques l'été. Mais le jet ski, c'est fini. Je n'en fais presque plus. Un peu avec les enfants l'été, mais à leur demande.
Sa montre : la Cougar de Cartier qu'il s'est offerte il y a 20 ans avec sa prime de meilleur vendeur Jet services 
L'objet qu'il ne quitte jamais : son Blackberry qu'il possède depuis sa mise sur le marché. Féru de haute technologie, il était vissé à son Palm auparavant. 
Son écran tactile : au fond du bureau, il jouxte la table de réunion. Ce paper board des temps modernes lui permet d'animer une réunion avec ses fichiers powerpoint ou regarder les titres des infos sur LCI. 
La maquette : le bateau Jet Ruban bleu, fleuron de Roger Caille 
L'immeuble de la TNT à Gerland. Ambiance du bureau d'Eric Jacquemet : Très clair avec ses façades en verre, il est habillé de parquet en chêne brillant. Le mobilier est réalisé en acier, verre et acajou dans un esprit nautique.
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